Nicolas Degennes: « Je vais toujours vers ce que je ne connais pas pour créer autrement. «
Nicolas Degennes, depuis 20 ans directeur artistique du maquillage Givenchy, a mis l’audace et l’innovation au coeur de ses créations. Il nous parle de ses rêves, de son enfance et du futur d’un métier en plein évolution. Confidences.
Qu’avez-vous ressenti en célébrant vos 20 ans chez Givenchy ?
J’ai beaucoup de chance de pouvoir fêter mes 20 ans dans une si belle Maison, ce n’est que du bonheur ! C’est une aventure hors du commun depuis 1999. Chez Givenchy, je partage énormément avec des personnes qui me comprennent et qui me suivent.
Quel bilan feriez-vous des 10 dernières années ?
J’ai beaucoup travaillé autour de l’ADN de la Maison. Et je continue de vouloir respecter la vision d’un homme, Monsieur Hubert de Givenchy, pour qui j’ai une forte admiration. Sa sagesse, sa fidélité, sa passion et sa belle longévité m’inspirent pour créer à partir d’une magnifique ligne droite.
Comment votre métier et votre collaboration avec Givenchy ont-ils évolué ?
Tout a évolué. Je suis arrivé dans une entreprise presque familiale qui était très axée sur le parfum et au sein de laquelle le maquillage a pris une place de plus en plus importante au fil des années. Nous avons évolué et grandi ensemble. Cette aventure me pousse à un questionnement permanent. La manière dont j’appréhende les choses, les peaux, la lumière a évolué. Mes briefs ont évolué. Je vais toujours vers ce que je ne connais pas pour créer autrement. Les envies et les besoins des consommateurs évoluent également. Ils ont à leur disposition de nouveaux outils pour se découvrir et exprimer leur identité. Les femmes comme les hommes veulent affirmer leur identité, sans compromis, par exemple à travers la couleur. Il faut toujours être à la recherche du meilleur pour chacun d’eux.
Vous vous êtes déjà confié sur votre enfance dans le Poitou où vous vous sentiez à l’étroit, sur votre adolescence. Qu’est-ce qui faisait vibrer le » Petit Nicolas » et l’adolescent rebelle ?
La musique, les punks, les Sex Pistols ! Et dans le domaine de la beauté, Monsieur Serge Lutens. C’est grâce à tout cela, à ce mélange de multiples univers, à ces énergies différentes que je me suis embarqué dans cette aventure d’être moi-même. Ils m’ont inspiré pour créer en m’amusant et en me laissant un droit à l’erreur. On apprend tellement de ses erreurs que c’en est amusant.
Avez-vous honoré vos rêves de jeunesse ?
Oui, je crois que je suis allé au bout de tous mes rêves. C’est sans doute rare d’avoir la chance de pouvoir dire ça.
De retour de NYC, après l’école Chauveau, vous démarrez une carrière éclectique dans des milieux aussi divers que la pub, la mode, le cinéma et bien sur la télévision avec Canal+ qui vous a offert de nombreuses rencontres clés… Que pensez-vous du Nicolas d’hier ?
Un peu crétin certainement. Un peu tête de bois aussi ! Il y a beaucoup de choses que je ne referais pas. Mais en même temps c’est cet entêtement qui m’a permis d’être où je suis.
Et qu’aurait pu penser le jeune maquilleur du directeur artistique d’aujourd’hui ?
Il aurait bien aimé l’assister !
Aujourd’hui, qu’est-ce qui vous nourrit ?
Tout ! Les énergies, les mots, les voyages… nourrissent le processus de création. J’ai la chance de voyager énormément. Je visite tous les musées possibles, j’aime voir et revoir, découvrir de nouveaux univers. J’aime les rencontres dans ce monde en mouvement. La musique m’inspire, elle m’est indispensable. Au hasard d’un voyage je découvre des mélanges de couleurs que je n’aurais pas osé associer. Et surtout, les peaux et la lumière m’inspirent toujours. Rien ne m’arrête jamais…
Comment naît une idée ?
Une idée résulte d’un élément déclencheur, puis il y a des recherches, des tests, de nombreuses étapes à franchir. Mais une idée naît aussi souvent d’un hasard, d’une envie, d’un besoin. Par exemple, j’ai imaginé le mascara Phenomen’Eyes en taillant mes brosses pour atteindre la racine du cil. Pour créer les prochaines poudres libres, j’ai commencé à travailler, à rêver à partir d’un nuancier de soie japonaise du XIXème siècle. Leurs couleurs m’ont inspiré les teintes.
Qui est la femme de 2019 ?
Moi, vous, nous…. Pour comprendre la féminité – et la féminisation – aujourd’hui, il faut la partager, y adhérer. La femme 2019 veut être libre et se trouver belle. Il faut l’accompagner dans ses choix. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, être une femme en 2019 est encore plus compliqué qu’au XXème siècle !
Et quel sera son maquillage demain ?
Un maquillage en mouvement, en transformation. Il sera plus libre et s’adaptera à l’envie et au besoin du moment, pas seulement pour les femmes d’ailleurs ! Il aura cette même recherche mais sûrement pas la même lecture.
Nicolas, en portrait chinois
Si vous étiez une fleur, vous seriez… Une rose
Un animal… Un oiseau
Un odeur… La tubéreuse
Une ville… Tokyo
Un élément… La terre ou le vent
Une oeuvre célèbre… Une oeuvre de Yayoi Kusama
Une invention… Le téléphone portable
Une chanson… Je t’aime mélancolie de Mylène Farmer
Une couleur… Le rouge
Un jour… Le dimanche
Une année… 2040
Un film… Ghost
Un style (musical, vestimentaire)… Punk punk punk !
Un vêtement… Un gigantesque manteau
Un défaut… L’égocentrisme
Une qualité… La fidélité
Une gourmandise… Une religieuse
Une boisson… Le saké
Une matière… Le goudron
Un sens… L’olfactif
Une pièce de la maison… Mon atelier
Un super pouvoir… La téléportation
Un moment de la journée… Entre chien et loup
Un mot… La passion
Un artiste… David Bowie
Un produit de maquillage… Le mascara
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