Rencontre avec Violette Serrat, make-up artist et star d’Instagram
A 32 ans, celle qui partage sa vie entre Paris et New York est l’une des make-up artists les plus cool du moment. Star des réseaux sociaux où elle délivre ses conseils à ses 800 000 abonnés, cette autodidacte a lancé sa marque en avril. Chez Guerlain, elle entend rendre hautement désirable le maquillage d’une maison quasi bicentenaire qui l’accompagne depuis l’enfance.
J’ai toujours associé le cinéma à la beauté. J’ai eu la chance de grandir entourée de films magnifiques et en moi, le beau a vite rimé avec l’émotion. Dans La belle et la bête de Cocteau, je me souviens que l’héroïne pleurait des larmes de diamants, c’était sublime. J’étais aussi fascinée par les chaussures rouge pailleté qu’enfile Dorothy dans Le magicien d’Oz. Je rêvais de voir cette couleur sur la bouche des mamans qui venaient chercher leurs enfants à l’école. J’ai vite associé l’idée de mettre du rouge sur mes lèvres à celle de devenir une femme adulte.
Dessiner m’a aidée, petite, à me connecter aux autres. Plus jeune, j’étais réservée, un peu sauvage presque. Il fallait que je me sente en sécurité. En maternelle, les crayons et le papier me rassuraient. Toutes ces couleurs qui me faisaient du bien… Mes dessins ont attiré à moi les autres enfants. Et j’ai adoré cette manière de communiquer. C’est certainement cette passion pour les arts plastiques qui m’a poussée à m’inscrire à l’Ecole du Louvre, tout en poursuivant des études de stylisme.
J’en suis arrivée là à cause de mon impatience. J’ai découvert que je savais maquiller presque par accident, en dessinant un masque en paillettes autour des yeux d’une amie, pour une soirée. J’ai eu l’impression de lui mettre une robe haute couture sur le visage. Et c’est comme si tout à coup toutes mes envies prenaient sens. J’adore travailler dans l’instant, sans avoir la pression que cela doit rester. Et si c’est sur quelqu’un de vivant, cette personne vous inspire aussi. Mais je ne me voyais pas devenir l’assistante d’un make-up artist renommé avant de me lancer. Je voulais continuer à maquiller comme je peignais, sans être sous influence. Je suis partie à New York, sans un sou et en parlant à peine anglais.
Une couleur, c’est comme une robe bien coupée. Cela doit être étudié pour être portable. Lorsque je lance une ombre à paupières ou un rouge à lèvres, je peux travailler un an sur la nuance ; j’adore ça. Pour les chimistes qui m’accompagnent, c’est autre chose car je suis tout le temps sur leur dos. J’ai appris à comprendre les pigments lorsque j’étudiais la peinture. Et à New York, surtout parce que j’étais fauchée, je me fournissais en matières premières, chez M.A.C, et je créais mes blushs, gloss, etc. Ce que l’industrie proposait restait limité. J’avais envie d’autres textures. C’est cette aptitude à sortir du cadre qui a séduit Dior puis Estée Lauder et m’a permis de lancer ma marque, Violette_FR.
‘Les ru0026#xE9;seaux sociaux ont ajoutu0026#xE9; la dimension humaine qui manquait u0026#xE0; mon travail.’
Vivre entre deux continents est une chance inouïe. Je suis parisienne dans l’âme et j’ai choisi Brooklyn parce que ce n’est pas tout à fait l’Amérique. Mais j’ai besoin de ces deux mondes. L’énergie new-yorkaise, cette idée que « the sky is the limit », cela porte. Lorsque vous avez du succès, ici, les gens sont heureux car cela leur prouve que c’est possible. En France, tout paraît compliqué, on vous dit souvent non. Bien sûr il y a du stress aux Etats-Unis mais il me paraît plus constructif, et les gens sont hyperorganisés. Le revers de la médaille: c’est plus rigide, moins dans le moment, alors qu’en France, c’est un joyeux bordel.
Lorsque l’on travaille dans la mode, on reste souvent dans sa bulle, déconnecté de la réalité. Et ça m’a toujours dérangée. Les réseaux sociaux ont ajouté la dimension humaine qui manquait à mon travail. Au début, je me servais d’Instagram comme d’une vitrine de mes créations mais quand j’ai posté des peaux shootées à la lumière du jour et sans retouches, des non-professionnels m’ont demandé des tips. Je passais des heures à répondre. C’est ainsi que j’ai lancé ma chaîne YouTube. Toute la profession me l’a déconseillé en me disant que j’allais perdre ma crédibilité. C’est l’inverse qui s’est passé.
Etre moderne, ce n’est pas faire table rase du passé. Il y a tant de marques de maquillage que l’on ne sait plus où donner de la tête. Beaucoup, lancées par des célébrités dont ce n’est pas le métier, n’ont aucune légitimité. Notre planète n’a pas besoin de tout ça. Un pro de la beauté peut, lui, apporter au marché quelque chose de neuf. Tout comme une maison presque bicentenaire comme Guerlain. Ce que j’ai découvert dans les archives m’a donné des frissons. Dans ma famille, toutes les femmes avaient une boîte de Météorites. Pour moi c’était un objet initiatique. Je veux en retravailler la texture pour en rendre l’usage plus adapté à notre quotidien. Mon job sera de donner un coup de frais à tout ça.
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