Sylvie Romet, « habilleuse » de parfums chez Guerlain

Sylvie Romet décrit très simplement son métier: "J'habille, je décore et j'embellis les flacons". © AFP

Elle est l’une des six « Dames de table » du parfumeur Guerlain: depuis 24 ans, Sylvie Romet remplit et cachette à la main les flacons les plus prestigieux, les parant de fils de soie et de pampilles pour rendre le contenant aussi précieux que son jus.

Penchée sur sa table de travail baignée de lumière naturelle, elle démêle avec une petite brosse un cordon de soie bicolore méticuleusement noué autour d’un flacon. A l’intérieur, de l’Extrait de Shalimar, un des parfums signature du célèbre parfumeur français, reconnaissable à son bouchon couleur saphir taillé en éventail.

« Ensuite on peut aussi ébouriffer l’extrémité des fils de soie pour les faire mousser et avoir un effet pompon », décrit-elle à l’AFP, alignant de petites bouteilles dignes d’oeuvres d’art.

Sylvie Romet,
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Derrière la baie vitrée, des moutons paissent, avec pour horizon la forêt de Rambouillet, au sud-ouest de Paris: Sylvie Romet travaille à Orphin, petite localité du département des Yvelines où Guerlain a installé en 1994 l’usine qui produit tous ses jus – de Samsara à Habit Rouge en passant par L’Heure Bleue ou la Petite Robe Noire – soit quelque 13 millions de bouteilles par an.

Moins de 2% de ces flacons passent entre les mains des « Dames de table » travaillant pour Guerlain, le premier parfumeur à avoir imaginé cette fonction il y a plus d’un siècle pour apporter une finition particulière aux bouteilles d’exception, séries spéciales et commandes personnalisées.

Sylvie Romet,
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Dans un coin de l’usine où flottent de suaves effluves, les six ouvrières en blouse blanche remplissent délicatement leurs précieuses bouteilles avant de les pomponner, sourdes au bourdonnement des lignes de production automatisées où les classiques de la maison sont embouteillés puis empaquetés à la chaîne.

Pour l’emblématique flacon « Abeilles » de Guerlain, Sylvie Romet appose sur le bouchon un film transparent, la baudruche, sur lequel elle croise des fils dorés pour fermer hermétiquement le flacon. Sur un modèle Shalimar, elle va enchaîner habilement sept noeuds, qu’elle fixe par un petit « scellé » rond en métal, frappé du double G de Guerlain.

– « Transmettre à mon tour » –

Jeudi soir, aux côtés de sept autres artisans issus des maisons de luxe Baccarat, Louis Vuitton, Longchamp ou encore Van Cleef & Arpels, l’ouvrière de 52 ans a reçu les insignes de chevalier de l’ordre des arts et lettres au ministère de la Culture. Une « fierté » pour celle qui décrit très simplement son métier: « J’habille, je décore et j’embellis les flacons ».

« Je n’étais pas partie pour être Dame de table. Lorsque Guerlain s’est installé dans la région, je cherchais du travail, j’avais un diplôme de coiffeuse. J’ai fait un essai, concluant puisque j’ai découvert un savoir-faire qui m’a tout de suite plu », raconte Sylvie Romet.

Sylvie Romet,
Sylvie Romet, « Dame de Table » chez Guerlain© AFP

Chez Guerlain, une maison vieille de 190 ans qui appartient au géant du luxe LVMH, elle est la seule à former les jeunes recrues – uniquement des femmes jusqu’à présent: « J’ai plaisir à transmettre à mon tour car il n’y a pas d’école pour apprendre ce savoir-faire. Je veux le faire perdurer, c’est un échange et je donne mes petites techniques », sourit-elle.

Sylvie Romet,
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« Il faut bien sûr être manuel et minutieux, avoir de la patience, une certaine finesse, avoir les mains fines aussi car les flacons d’extraits sont très petits », souligne Sylvie Romet, qui peut parer une petite centaine de flacons par jour, dont les prix varient entre quelques centaines d’euros et plus de 2.000 euros s’il s’agit d’extraits de parfum.

Et pour elle, « aucune machine ne pourrait travailler ainsi les fils de soie, elle risquerait de les abîmer.

Sylvie Romet,
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C’est le principe du travail manuel, il n’est pas copiable », résume-t-elle, en glissant sa carte de visite dans l’écrin du flacon qu’elle vient de travailler.

Cet art du flaconnage « fait partie du patrimoine culturel immatériel », relève Elisabeth Ponsolle des Portes, déléguée générale du Comité Colbert, qui regroupe 82 maisons du luxe français (mode, artisanat, gastronomie, hôtellerie, culture).

Sylvie Romet,
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Elle met en avant « l’importance de la transmission aux jeunes générations et la valorisation de ces métiers de la main », rappelant que 53 de ces artisans du luxe ont été distingués par le ministère de la Culture depuis 2006.

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