Ongles: Le nail art, nouveau mode d’expression de toute une génération

Sur des ongles en gel, la forme «amande» est l’une des plus demandées et laisse assez de place pour des nail arts originaux comme ceux inspirés par les planètes et les signes du zodiaque. © Frédéric Uyttenhove
Isabelle Willot

Extra-longs, ornés de motifs ou élégamment stylisés, les ongles sont devenus le nouveau moyen d’expression de la génération Z.

Peut-être n’avez-vous jamais entendu parler de Vivian Xue. Et pourtant, ses vidéos de nail art ont pour ainsi dire «cassé» TikTok, où elle compte déjà plus de 2,3 millions d’abonnés. Depuis, la jeune femme de San Francisco, qui se destinait au départ à une carrière dans la tech’, a lancé sa propre marque de «press-on», soit des ongles en gel souvent XXL qu’elle peint à la main. Réputée pour ses designs représentant des personnages Disney, elle a aussi reproduit des tableaux de Van Gogh… et même La Cène de Léonard De Vinci, en vente sur le site de la Pamper Nail Gallerypour la coquette somme de 450 euros.

Pour ceux qui en douteraient encore, les ongles sont plus que jamais au centre de l’attention. Loin de freiner notre engouement pour les mains soignées et les manucures professionnelles, la pandémie aurait même boosté nos envies de vernis, de strass et d’émoticônes feel good dessinés sur le bout des doigts. Le premier confinement a bel et bien renforcé la tendance «anti-manucure» prônant le naturel et la santé des ongles. Mais celle-ci cohabite pleinement avec le retour en force du bling et de l’extravagance défendu haut la main par des célébrités comme Billie Eilish, Lady Gaga, Cardi B et les membres du clan Kardashian.

«Chaque nouvelle manucure qu’elles affichent devient virale sur la Toile, pointe Ophélie Lepert, consultante beauté pour le bureau de tendance Nelly Rodi. L’ongle est devenu un moyen d’expression pour les membres de la génération Z, l’un des seuls même qui leur restait puisque l’on vivait caché derrière nos masques pendant ces deux années de pandémie. Le nail art a tenu lieu de maquillage. Les jeunes filles qui se font les ongles en parlent entre elles et se reconnaissent comme membres d’un même clan. Cela génère à la fois un sentiment d’appartenance mais aussi de distinction et de singularité. Une manière de montrer sa créativité, ce qui est essentiel pour les jeunes Zoomers.»

Une forme naturelle et une base de gel semi-permanent, idéales pour une «French» avec lunule colorée et pailletée sur certains doigts.
Une forme naturelle et une base de gel semi-permanent, idéales pour une «French» avec lunule colorée et pailletée sur certains doigts. © Frédéric Uyttenhove

Les stars des selfie mirrors

Sans surprise, les réseaux sociaux et le pouvoir de leurs algorithmes ont joué un rôle déterminant dans l’avènement de cette nouvelle obsession. L’usage que nous faisons de nos smartphones a même fait de nos mains les stars de nos selfie mirrors. Une manucure repérée sur une célébrité qui vous amène vers le compte Instagram d’une nail artist ou d’un salon prisé conduiront vite Instagram et TikTok à vous en suggérer d’autres… De plus, l’œil s’habitue à trouver normal aujourd’hui l’impensable d’hier. Ainsi, les ongles en gel, jugés cheap et vulgaires il y a peu de temps encore, sont soudain devenus synonymes d’élégance.

«Les techniques et les produits ont aussi changé, ce qui nous permet désormais de travailler avec plus de finesse, note Mélanie Rigaux, fondatrice et CEO de Mamzelle Nails qui compte deux salons à Bierges et à Namur. Et de proposer des finis très naturels avec une base de gel semi-permanent.» A Anvers, chez Lakstore, c’est ce type de traitement que demande également la majorité de la clientèle désireuse avant tout de repartir avec une manucure soignée qui tienne plusieurs semaines, mais où la présence de gel se devine à peine. Ici, ce sont les ongles en amande qui cartonnent. Et le nail art le plus plébiscité reste la «French» revisitée, soit colorée, soit déstructurée avec la lunule peinte à la place du bout de l’ongle. Même si, là aussi, les choses bougent. «Au début, le nail art, c’est nous qui le portions, rappelle Christel Vande Velde, fondatrice avec sa fille Sara Vanhoorne du bar à ongles anversois. Nos clientes regardaient nos mains et peu à peu elles s’y sont mises. La demande est en expansion ces deux dernières années. Une fois que l’on commence, on ne s’arrête plus! Car on prend conscience de l’importance des mains

‘Puisque l’on vivait caché derrière nos masques pendant ces deux années de pandémie, le nail art a tenu lieu de maquillage.’

Les salons réputés ne désemplissent pas… et refusent même de nouveaux clients, comme c’est le cas au Garage à Liège et chez Beauty and the Nails, à Gand, où il est possible de s’inscrire sur une liste d’attente dans l’espoir d’obtenir une place… dans trois mois. Comme pour le tatouage, l’agilité des nail artists, mais aussi des prothésistes ongulaires, fait toute la différence. «Plus on a de la longueur – et cela implique d’utiliser dans ce cas un gel de construction – plus on peut être créatif sur les formes et sur les motifs, détaille Mélanie Rigaux. Lorsqu’on m’amène une photo d’un nail art repéré sur le Net, la difficulté c’est toujours de décider par quoi je vais commencer et par quoi je vais terminer, car ce sont les petites finitions qui font que le dessin aura ma patte et sortira du lot.» Ici, les clientes, comme dans la plupart des salons où l’on tient à garder son ticket d’entrée, reviennent toutes les quatre semaines pour retoucher la base gel – notamment couvrir la repousse naturelle de l’ongle – et changer de design. Mélanie Rigaux, qui a par ailleurs développé un centre de formation et s’est entourée de toute une équipe, ne crée plus elle-même que les «commandes spéciales», notamment les nail arts saisonniers – Noël, Halloween… – ou les ongles de mariée pour lesquels les attentes sont particulièrement grandes. De plus en plus de marques de mode ou de magazines font aussi appel à elle pour le shooting de leur campagne ou pour des éditoriaux. «Les ongles sont devenus un prolongement de la tenue, analyse Ophélie Lepert. C’est un marqueur fort de la direction artistique d’un shooting. C’est un art, comme le tatouage. Et la nail artist peut avoir un tel pouvoir de curation que l’on vient chez elle pour ses designs. L’image que l’on a d’elle n’est plus du tout celle d’une femme exploitée qui travaille dans une «onglerie» où l’on fait des manucures à la chaîne.»

Prisées par la génération Z, les manucures aux ongles en gel «ballerine» XXL s’inspirent des designs postés par les célébrités sur les réseaux sociaux . © Frédéric Uyttenhove

Du genre verni
 
De plus en plus d’hommes osent se laquer les ongles. Preuve que la tendance n’est pas anecdotique, on a vu apparaître ces derniers mois des lignes de vernis lancées par des célébrités masculines. Ainsi, Machine Gun Kelly, de son vrai nom Colson Baker, propose avec sa marque UN/DN LAQR pas moins de 10 teintes allant du pastel à des tons plus flashy. Fin de l’année 2021, Harry Styles faisait un carton avec un kit de quatre flacons plutôt sobres. Une approche adoptée aussi par le rappeur Tyler, The Creator avec le label Golf Le Fleur. Du côté des acteurs plus traditionnels, Chanel s’était aussi positionné à l’avant-garde de ce courant avec l’arrivée de la gamme Boy, qui mettait en avant des vernis blancs et noirs pour les garçons en 2020 déjà. 


Si le geste est souvent perçu aujourd’hui comme militant car il serait synonyme d’assumer une approche décomplexée des genres, voire d’un signe extérieur de “déconstruction”, il n’est pas totalement novateur. La grande histoire assure que les guerriers babyloniens se peignaient déjà les ongles en 3500 ans avant JC dans le but cette fois d’intimider leurs ennemis. Plus proche de nous, depuis le début des années 70, de nombreuses stars comme Iggy Pop,David Bowie, Freddie Mercury et même Kurt Cobain utilisaient aussi le nail art comme manière d’exprimer leur singularité. Mais aucun d’entre eux n’avait jamais eu jusqu’ici l’idée d’en faire un business. 



On pourrait évidemment gloser sur la nécessité pour les hommes de disposer de vernis conçus “pour eux”. Rien ne dit d’ailleurs que les femmes ne soient pas les principales clientes de ces marques essentiellement plébiscitées par les fans des people qui se cachent derrière. Ce qui est sûr en revanche, c’est que les recherches en ligne de manucures dites masculines ont été boostées par ces récents lancements. Qu’elles soient ensuite réalisées avec ces produits ou une laque Essie ou OPI importe finalement peu.

Un outil de revendication

Pour notre experte, oser les ongles longs, ou carrément très longs à la manière de ces personnalités publiques qui donnent le ton sur les réseaux, est aussi une manière de montrer son pouvoir à la face du monde. «On assiste à une nouvelle expression plutôt agressive de la féminité qui ose la sensualité, voire la provocation comme outil de revendication identitaire.» De la même manière, les hommes utilisent le vernis pour démontrer leur approche décomplexée des genres, ou comme signe extérieur de «déconstruction». Comme les femmes davantage enclines à oser certains nail arts plus excentriques durant les mois de confinement, les messieurs aussi tentés par l’aventure ont pu s’habituer à voir leurs ongles laqués taper sur leur clavier sans avoir à subir le regard en coin des collègues.

https://www.instagram.com/p/CaavoxPP5RG/

Tout cela a bien sûr un coût: la pose d’une base de semi-permanent tourne bien souvent autour des 50 euros auxquels il convient d’ajouter le prix du nail art – quelques euros par ongle peint – qui parfois nécessite un devis pour les réalisations les plus sophistiquées. La facture peut alors aisément dépasser les 100 euros mensuels. De plus en plus de fans font désormais le choix du DIY en suivant des tutos en ligne. D’après TikTok, où le hashtag #NailArt a généré pas moins de 15,7 milliards de vues l’an dernier, on peut s’attendre en 2022 à l’explosion des «press-on» qui ont l’avantage d’être facilement réutilisables et de se coller même sur des ongles imparfaits. Mais aussi des «nail-wraps», soit des autocollants à motifs à fixer sur les ongles naturels ou sur une base gel. De quoi patienter – pour une dizaine d’euros – qu’une place se libère enfin dans le nail bar de votre choix.

Nos adresses préférées
Mamzelle Nails. L’adresse chouchou des influenceuses et des filles à l’affût des nail arts les plus pointus. Deux instituts vous accueillent à Namur (3, rue du Lombard) et à Bierges (155, rue Provinciale). mamzellenails.com

Nomad Beauty. Pour les amatrices de nail art minimaliste et sophistiqué, réalisé sur des ongles en gel pratiquement indétectables. 24, rue de Rollebeek, à 1000 Bruxelles. @nomad_beauty

Elles Beauty Studio. La spécialiste des «French» colorées et déstructurées tout en élégance. 31, chemin des Princes, à 7061 Soignies.

Le Garage. Toutes les it girls de la Principauté se précipitent dans cet institut aux allures de loft new-yorkais qui hélas affiche complet. Avant qu’un créneau ne se libère, on peut toujours s’inspirer de son feed Instagram. 10, Chéravoie, 4000 Liège. legaragenails.com

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