Les passions de Galila Barzilaï-Hollander, collectionneuse d’art

© Titus Simoens
Wim Denolf Journaliste Knack Weekend

Entrepreneuse dans l’immobilier, Galila Barzilaï-Hollander (76 ans) a grandi en Israël avant de s’installer à Bruxelles à l’âge de 20 ans. Tombée dans le monde de l’art «par accident», elle collectionne entre autres des chaises remarquables. Elles sont rassemblées dans l’exposition Matching Seats qui se tient en ce moment au centre de la mode et du design MAD Brussels.


Par magie

Certaines rencontres peuvent changer votre vie. Enfant, j’ai dû faire face à une double difficulté à l’école primaire. Lorsque je vivais en Amérique avec mes parents entre mes 4 et 6 ans, j’ai perdu l’usage de ma langue maternelle, l’hébreu. A mon retour en Israël, j’avais aussi sauté une classe parce qu’un enseignant me trouvait trop mature pour mon âge. Dès lors, mes résultats étaient désastreux, jusqu’à l’arrivée miraculeuse d’Ahuva. Une survivante de l’Holocauste et une enseignante charismatique d’une extrême gentillesse. Par magie, comme si elle avait actionné un interrupteur, je suis devenue la meilleure élève de ma classe. Je lui dois ce que je suis aujourd’hui, car sans elle, je n’aurais pas été admise au lycée et à l’université par la suite.

Une addiciton


Je suis devenue «artcoolique» par accident. En 2005, quelques mois après le décès de mon mari, j’ai passé deux semaines à New York. Je suis arrivée en plein Armory Show, une célèbre foire d’art contemporain. Moi qui avais passé trente ans de ma vie avec un collectionneur passionné d’antiquités, j’ai naïvement pensé qu’il s’agissait d’une exposition d’armures. Et j’ai pris un billet. Vingt minutes plus tard, j’achetais ma première œuvre: une encre sur papier de Tom Fowler, avec le mot «Why?» écrit 11.522 fois. Ce dessin était le reflet de mes émotions d’alors. Il a été le déclencheur d’une addiction pour l’art qui n’a jamais cessé.

Ma liberté


L’art contemporain m’a offert un second souffle. Pendant trente ans, j’ai travaillé pour mon défunt mari Jacques Hollander, qui était un brillant homme d’affaires. Il ne s’agissait en aucun cas d’un sacrifice de ma part. J’étais convaincue que c’était ce que je devais faire. L’art contemporain m’a fait prendre conscience de ma liberté et de mon potentiel et m’a ouvert les portes d’une nouvelle vie pleinement épanouissante.

Mon intuition


La connaissance n’a pas de limites. Plus on en sait, plus on se rend compte de ce qu’on ne sait pas. En ce sens, mon ignorance initiale en matière d’art moderne a également été ma force. Car elle m’a permis de suivre mon intuition en toute liberté. Aujourd’hui, je n’écoute toujours pas les conseils des conservateurs de musée ou des conseillers en art avant d’acheter une œuvre. Je me fie uniquement à mon intuition. Avec l’âge, j’ai pris confiance.

«Je tombe amoureuse d’une œuvre lorsqu’elle reflète mon monde intime et secret.»

Différencier l’être du paraître


La malhonnêteté ne cessera jamais de me déstabiliser. Je suis capable de faire face à de nombreuses situations de la vie avec tolérance, compréhension et empathie. Mais le mensonge et la trahison me dévastent toujours. L’une de mes devises reste «respecter, mais toujours se méfier». Il faut pouvoir différencier l’être du paraître – c’est un des thèmes de ma collection. Et accorder sa confiance avec prudence, car tout le monde porte un masque.

Passion Obsession Collection


Le manque d’empathie est la cause de tous les conflits. Mentalement, je ne pense pas en termes de hiérarchie sociale: toutes les personnes méritent respect et considération et ont quelque chose à dire ou à apporter. Il en va de même au P.O.C. (Passion Obsession Collection), l’espace d’exposition que j’ai ouvert à Forest en 2020. Ici, les artistes cohabitent et dialoguent entre eux, quels que soient leur origine, leur âge, leur sexe, leur religion et leur degré de notoriété. En dépit de toutes leurs différences, harmonie et solidarité se dégagent de la collection.

Mon reflet


Ma collection est mon autoportrait. Pour être authentique, toute collection doit être le reflet de celui ou celle qui la compose. Quand je tombe amoureuse d’une œuvre, ce n’est pas tant pour le sens que l’artiste lui a donné, mais parce qu’elle reflète mon monde profond, intime et secret. Cela relève pour moi d’une forme de psychanalyse mâtinée d’un zeste d’égocentrisme.

Cocktail jeunesse


Je me sens plus jeune que ce que je ne le suis. Je n’ai jamais fumé ni pris de drogues. Je mange sainement et je bois peu d’alcool. Mais le mental est aussi très important. Ce qui maintient mon esprit jeune, c’est un cocktail de voyages, de curiosité et d’ouverture d’esprit. Et le fait de vivre en compagnie de personnes plus jeunes.
Matching seats, MAD Brussels, jusqu’au 3 mai. La galerie privée P.O.C à Forest se visite sur rendez-vous.

mad.brussels, galilaspoc.com

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