En Equateur, des chefs décidés à séduire les palais trop « francisés »

© Getty Images/iStockphoto

Formés dans les meilleurs restaurants à l’étranger, des chefs équatoriens revisitent les plats populaires de leur pays, y intégrant tubercules des Andes ou plantes d’Amazonie, afin d’attirer les gourmets pour lesquels la vraie gastronomie ne peut venir que d’ailleurs.

« Le client équatorien préfère ce qui vient d’ailleurs, il est « francisé ». Pour lui, la grande cuisine est française, italienne, espagnole, péruvienne, mais pas équatorienne », explique à l’AFP Mauricio Acuña, qui a gâté ses premières sauces sous la férule des chefs catalan Ferran Adria et basque Martin Berasategui.

Revenu en Equateur il y a quelques mois, il a inscrit à sa carte des recettes telle la langue de boeuf à l’arachide, plat commun et économique des cantines populaires de la capitale. Mais, bousculant la tradition, il ne la sert pas accompagnée de pommes de terre, de riz et d’avocat.

Dans sa cuisine du « Patria », restaurant des quartiers chics du nord de Quito, il la mitonne à basse température puis la présente accompagnée de tubercules andins tels que les « mellocos », les « mashuas », les « ocas »… chacun cuit séparément et d’une manière distincte.

L’Equateur est le seul pays sud-américain dont aucun restaurant ne figure parmi les meilleurs d’Amérique latine.

Absent de la mappemonde gastronomique

« Il faut en comprendre la raison: l’Equatorien n’a pas encore surmonté sa honte gastronomique » contrairement au Mexique et au Pérou, déplore le critique Edgar Leon. Ce chef est aussi l’auteur d’un livre de recettes sur les « Soupes, identité de l’Equateur », publié à l’issue de cinq ans de recherches à travers le pays et qui s’est classé deuxième au prix américain Gourmand World Cookbook Awards.

La bataille est ardue pour les jeunes cuisiniers déterminés à créer une cuisine typique plus élaborée, capable de séduire les palais des Equatoriens, qui n’accordent que peu de valeur gourmande aux plats locaux.

« Le cuisinier équatorien s’est davantage consacré à copier, parfois mal, la cuisine étrangère et n’a pas su valoriser nos produits de la campagne. Mais cela change, il y a des gens qui veulent les travailler », assure Mauricio Acuña, estimant qu’une dizaine de chefs ont comme lui relevé ce défi.

Daniel Maldonao, de l' »Urko » – dont la cuisine « 100% équatorienne » détonne parmi les restaurants internationaux du quartier de La Floresta, fréquenté majoritairement par des étrangers – a ainsi repris une méthode ancestrale des indiens d’Amazonie de cuire le poisson dans des feuilles de « bijao », similaire à la banane plantain.

Mais il s’en sert pour envelopper et mijoter un poulet bio qu’il accompagne de légumes marinés dans une vinaigrette parfumée à l’ail grillé, et de « majado de verde » (purée de banane plantain).

« L’Equatorien doit changer sa manière de penser, cesser de croire que notre cuisine doit être pas chère et servie en grande quantité, et qu’elle ne peut se manger que dans des bouis-bouis ou sur les marchés! », estime ce chef formé à Séville, en espérant qu’un jour la gastronomie de son pays « apparaisse enfin sur la carte ».

AFP

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content