Il y a-t-il encore de la place pour de nouveaux fast-foods de burgers ?

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Burger King, fraîchement débarqué en Belgique, devra se positionner sur un marché lancé il y a plus de 40 ans en Belgique et qui arrive aujourd’hui quasi à saturation. L’enseigne, qui sera chapeautée comme Quick en Belgique et au Luxembourg par Burger Brands Belgium, ne part toutefois pas de zéro.

L’histoire des fast-foods en Belgique démarre dans les années 70. A l’époque, deux dirigeants de GB (groupe GIB) décident d’importer le modèle américain de restauration rapide en Europe. C’est ainsi que Quick fait ses premiers pas en Belgique le 2 juillet 1971, avec l’ouverture d’un restaurant à Schoten, en périphérie d’Anvers.

En 1975, Quick prend d’assaut les centres-villes de Bruxelles, Gand, Liège et Anvers. Cinq ans plus tard, la marque s’ouvre à l’international, avec l’inauguration d’un premier Quick en France, à Aix-en-Provence. Suivent notamment le Luxembourg, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie et les Pays-Bas. « La nouveauté est telle qu’un petit mode d’emploi est distribué à la caisse », peut-on lire dans l’historique que la première chaîne de restauration rapide d’origine européenne diffuse sur son site. Le concept de drive-in est, lui, introduit en 1981, quelques années avant la célèbre « Magic Box » (1987). Quick compte aujourd’hui 101 établissements en Belgique et au Luxembourg.

« Quick a copié tout le système américain, mais l’a fait de manière intelligente, en l’adaptant à la sauce belge »: mayonnaise sur les frites, couverts (la tradition de manger avec les doigts n’étant alors pas encore totalement acceptée), commente Claude Boffa, professeur en retail marketing à la Solvay Brussels School.

« Voyant que le premier avait marché, ils en ont placé sur les parkings de tous leurs supermarchés GB et bingo! », poursuit-il. « C’est aussi pour cela que McDonald’s n’a jamais réussi à pénétrer aussi bien le marché belge que dans des autres pays. Quick a continué à plaire. »

Le premier McDonald’s du Royaume ouvre quant à lui le 21 mars 1978 en face de la Bourse, à Bruxelles. Les années qui suivent voient l’ouverture progressive de 10 restaurants dans le pays. Le siège social belge de la marque est ensuite créé en 1991. Commence alors une période d’expansion, et le développement de relations à long terme avec des entrepreneurs-franchisés belges. La société aux 76 restaurants en Belgique a annoncé en janvier dernier son intention d’y ouvrir quatre nouveaux établissements cette année.

Né en 1954 aux Etats-Unis, Burger King ouvre son premier restaurant en Europe 1975, en Espagne. Burger King compte également depuis 149 fast-foods répartis sur le territoire français. La marque au Whopper débarque à présent sur le marché belge avec un premier Burger King à Anvers depuis le 28 juin. Le deuxième a ouvert mardi dans le centre commercial Rive Gauche, à Charleroi.

« On est déjà à un stade où l’on est proche de la saturation du marché », ajoute Claude Boffa. « La concurrence est maximale, il faut donc apporter quelque chose de différent. (…) Burger King ne part pas de zéro et ne devra pas se battre aussi durement qu’a dû le faire McDo. La chaîne bénéficie d’une certaine facilité, avec les Quick franchisés qui sont déjà sur le marché. »

« Le marché des fast-foods est un marché qui est en pleine consolidation », soit un marché où l’on observe des rapprochements, regroupements d’acteurs, considère aussi Pierre-Alexandre Billiet, CEO du magazine spécialisé Gondola et professeur à la Solvay Business School. « Lorsqu’un niveau de maturité est atteint sur un marché, la consommation se stabilise et la seule manière de créer de la valeur pourra être de lancer un produit, ou de consolider. »

Selon Claude Boffa, la stratégie d’apporter une nouvelle enseigne sur un marché mature tout en conservant Quick « n’est pas bête ». Avec deux marques qui se « concurrenceront soi-disant », le groupe pourra prendre des parts de marché à tous les autres. A condition toutefois de présenter « une proposition marketing différente », nuance-t-il. Ainsi, les côtés « exotique et anglophone » de sa marque sur lesquels jouera Burger King marcheront-ils? « Wendy’s avait essayé cela à l’époque et ça s’était révélé lamentable. (…) On parle aussi d’une viande cuite à la flamme, mais est-ce que ce sera suffisant pour se différencier? »

Lorsqu’on lance une deuxième marque, il est aussi important d’avoir une cible différente, juge le spécialiste du retail. Il faut plutôt « taper plus haut de gamme que bas de gamme, pour conquérir une part de marché supplémentaire, sinon Burger King risque de se tirer une balle dans le pied », développe-t-il, citant l’exemple de Delhaize qui avait lancé ses Red Market pour concurrencer Colruyt. « Delhaize n’avait pas conquis un seul client de Colruyt mais avait au contraire cannibalisé sa propre clientèle. »

Le créateur du Whopper jouera également certainement de la notoriété de sa marque. Le fait d’entrer sur le marché dans un pays est une nouveauté en soi, pointe Pierre-Alexandre Billiet. Guère besoin donc d’en rajouter. Même s’il faudra un minimum d’innovation dans le chef de Burger King, qui devra aussi créer la proximité avec le client. « Ce qu’avait Quick de par l’origine belge de sa marque ».

On remarque par ailleurs actuellement deux grandes tendances en termes de consommation, ajoute-t-il. « L’expérience client (design, prix plus élevés etc.) et la facilité, la ‘convenience’ (rapidité, prix perçus comme bon marché). Celles-ci sont fondamentalement incompatibles et les fast-foods devront choisir leur combat. » Rentrer sur un marché est à ce titre « un très bon moment pour définir un positionnement ».

Les fast-foods font aussi face aujourd’hui à une myriade de nouveaux concepts qui fleurissent autour du hamburger, comme les établissements de « burgers gourmets », mais il s’agit de deux ‘business model’ bien différents. Ce type de burger n’est « tout simplement pas dans l’ADN de la restauration rapide. Et quand une marque ou chaîne change son ADN, elle doit changer toute sa stratégie. »

Enfin, estime le professeur Claude Boffa, McDo pourrait bien avoir du souci à se faire, dans la mesure où Burger Brands Belgium « ne va jamais empiéter pour ses Burger King sur les zones d’exclusivité de ses Quick ». La société tentera plutôt « de piquer des parts de marché au concurrent ».

Chez McDonald’s Belgium (76 restaurants), « pas d’inquiétude », affirme une porte-parole vendredi. « Nous souhaitons la bienvenue à Burger King, mais McDonald’s a sa politique, centrée sur ses propres clients. » La marque au Big Mac veut placer le client au centre de sa stratégie et compte continuer à développer son système de service à table et de kiosques de commandes, assure la porte-parole. Celle-ci précise que « la plupart des clients réagissent positivement » à cette nouveauté. McDonalds a accueilli 44,5 millions de clients en Belgique en 2016, soit une hausse de 2,5 millions par rapport à 2015.

Le premier Burger King de Wallonie, installé à Charleroi (Rive Gauche), a été officiellement inauguré lundi avant une ouverture au public le lendemain. Le patron de Burger King Belgique et Quick, Kevin Deryck, avait déjà annoncé son intention d’ouvrir 30 à 40 nouveaux restaurants dans les prochaines années et d’engager 300 à 350 personnes en 2017. Le choix sera aussi offert aux franchisés Quick de rester sous leur bannière habituelle ou d’adopter le format Burger King. Au total, huit nouvelles adresses sont prévues courant 2017.

Actuellement leader sur le marché belge, Quick génère un chiffre d’affaires annuel avoisinant 200 millions d’euros. La marque vend 10 millions de Giant par an.

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