La cuisine solidaire, nouvelle spécialité des chefs
Un banquet au profit des migrants, des spaghetti pour aider les victimes du séisme en Italie, des ateliers pour les malades du cancer: les chefs ajoutent de plus en plus la solidarité à leur menu.
La cuisine comme « liant social »: c’est le thème de Plats de résistance, un événement organisé le 24 septembre à Paris auquel participent 13 « chefs, artisans et restaurateurs philanthropes venus du monde entier », parmi lesquels le Libanais Kamal Mouzawak et le Français Pierre Gagnaire.
Un millier de convives sont attendus à ces repas à La Générale, coopérative artistique parisienne. Sur les 40 euros du ticket d’entrée, 5 seront reversés à l’association européenne SOS Méditerranée, dont le navire Aquarius porte secours aux migrants en mer.
« Ce banquet, c’est une célébration du « vivre ensemble », une résistance à la tentation du repli sur soi », a expliqué à l’AFP Alexandre Cammas, fondateur du guide gastronomique Le Fooding, qui organise l’événement.
Le shawarma d’agneau des chefs Yotam Ottolenghi et Sami Tamimi, symbole de l’amitié israélo-palestinienne dans la gastronomie, figurera au menu de cette édition.
La chef franco-vietnamienne Céline Pham préparera elle sa « boîte d’allumettes ». Un « plat de pauvre » que mangeait sa mère enfant, composé d’une sauce réduite caramélisée au fond du plat, « qu’on vient gratter avec des restes ou des légumes crus », explique-t-elle. Egalement conviées, les fondatrices de Mazi Mas, restaurant éphémère londonien employant des femmes immigrées pour les aider à s’insérer.
Une démarche comparable à celle en France des Cuistots migrateurs, un traiteur proposant des spécialités de Syrie, Iran, Tchétchénie ou Afghanistan mitonnées par des réfugiés. En juin, certains de ces cuisiniers déracinés d’entre eux avaient participé au « Refugee Food Festival », aux côtés de chefs français, dans dix restaurants parisiens.
‘Solidarité dans la dureté’
D’autres sujets d’actualité ont récemment vu le monde de la cuisine se mobiliser: fin août, l’appel à proposer des pâtes « all’amatriciana », du nom d’Amatrice, village le plus touché par le séisme qui a frappé le centre de l’Italie, a rencontré un franc succès.
Quelque 700 restaurateurs, en Italie et à l’étranger, ont ajouté à leur menu ces pâtes à la sauce tomate, joue de porc et fromage de brebis, reversant pour chaque plat vendu deux euros à la Croix-Rouge italienne.
La lutte contre le gaspillage alimentaire a aussi inspiré le chef italien Massimo Bottura, à la tête du « meilleur restaurant du monde » selon le classement des « Fifty Best » (L’Osteria Francescana à Modène). Lors des jeux Olympiques de Rio en août, il a préparé des repas pour 5.000 Brésiliens démunis, en utilisant des produits cédés par des entreprises de restauration travaillant pour le village olympique et qui auraient fini à la poubelle.
Le chef de La Régalade à Paris, Bruno Doucet, qui prépare régulièrement des plats pour l’association caritative Restos du Coeur et a coécrit des fiches recettes avec des femmes atteintes de cancer, est parti cet été cuisiner dans un orphelinat au Vietnam.
L’éducation n’est pas en reste. Le chef étoilé Thierry Marx a ouvert en 2012 à Ménilmontant, quartier parisien de son enfance, « Cuisine mode d’emploi(s) », une formation gratuite aux métiers de la restauration s’adressant en particulier aux jeunes sans diplôme, demandeurs d’emplois et personnes en réinsertion.
Le 13 novembre, un an après les attentats de Paris qui avaient fait 130 morts, un dîner de six grands chefs sera organisé en mémoire de la femme du photographe français Stéphane de Bourgies, tuée ce soir-là. Yannick Alléno, Yves Camdeborde, Frédéric Anton, Jean-François Piège, Christophe Michalak et Pierre Hermé seront les co-auteurs de ce repas, dont la recette ira à une association d’aide aux enfants malgaches fondée par la victime. « La restauration est un milieu dur, très discipliné et hiérarchisé mais il y a de la solidarité dans cette dureté », souligne Guillaume Dallay, chef du Bistrot N’home à Tours (centre-ouest), qui a animé des ateliers de cuisine pour des enfants malades du cancer.
Lire sur le sujet le reportage en Belgique de Michel Verlinden : La gastronomie sociale, ou quand la cuisine retrouve son âme
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