Le « cava » catalan veut devenir plus prestigieux que le champagne

© Cava Oriol Rossell/Facebook

Des décennies d’exportation fructueuse ont mis en confiance les producteurs de « cava » catalan: ils sont prêts à repartir à la conquête du monde, pour concurrencer cette fois en prestige le champagne français.

Cette aventure internationale a débuté il y a une trentaine d’années dans la petite région viticole du Penedes, une vallée verdoyante du nord-est de l’Espagne, à quelques kilomètres de la Méditerranée.

Les producteurs ont misé sur un bon rapport-qualité prix. Les exportations ont bondi de 10 millions de bouteilles en 1980 à 154,7 millions en 2014, dépassant pour la sixième année consécutive celles du champagne français, 144,9 millions de bouteilles.

Toutefois, seulement huit millions de bouteilles contenaient du cava de réserve (vin ancien, conservé en cuve ou élevé en bois) ou de grande réserve, des catégories prestigieuses que les producteurs veulent développer.

« Nous avons déjà conquis le monde avec les cavas standard. Nous allons le conquérir de nouveau avec cette fois des cavas de qualité supérieure », a affirmé à l’AFP Pere Guilera, président de l’association des PME du cava.

Dans sa petite +bodega+ familiale, une ancienne maison de campagne entourée de vignobles, M. Guilera produit uniquement du cava de réserve et de grande réserve, quelque 30.000 bouteilles annuelles, dont 20% partent à l’étranger.

Un choix méticuleux du raisin, une mélange précis et une longue conservation — jusqu’à 12 ans — autant de prérequis pour obtenir « une richesse gustative et aromatique, une bulle fine et une tessiture harmonieuse », ainsi qu’une saveur « douce et légèrement fruitée. »

La bouteille se vend à environ 20 euros, trois fois moins cher que du champagne de qualité comparable. « Nous offrons la qualité à des prix très bas », a déploré le viticulteur.

Augmentation des prix

C’est pourquoi les producteurs catalans ont entrepris un repositionnement, profitant de l’élan pris pendant la crise économique de 2008. Alors que le marché national stagnait, ils se sont tournés vers l’étranger, exportant un record de 161 millions de bouteilles en 2012.

« Le cava a encore du chemin à faire pour améliorer son image d’excellence », a reconnu Pedro Bonet, directeur de la communication de Freixenet, un des géants mondiaux du vin effervescent.

« C’est une question de temps, d’investissement, d’image et de mise en scène », a estimé M. Bonet, dont le secteur commence à « recueillir les fruits de plusieurs années d’efforts ».

Dernièrement, les ventes de bouteilles haut de gamme ont augmenté, des « cuvées de prestige » telles que le Casa Sala ou le Reserva Real ayant remporté de nombreux prix dans des concours internationaux.

La conquête passe à présent par les marchés émergents et surtout les clients asiatiques « qui apprécient la qualité et sont disposés à y mettre le prix ». C’est le cas de Singapour, de la Chine ou du Japon, deuxième acheteur mondial de cava de réserve et grande réserve.

Une image difficile à changer

Le pays du soleil levant est le principal client des caves Orial Rosell, dont la moitié de la production (300.000 bouteilles par an) s’écoule à l’étranger. Mais la majorité des ventes concernent le vin d’entrée de gamme, des caves jeunes à seulement douze mois de conservation.

« Le cava continue d’être vu comme un produit bon marché à l’étranger », a expliqué Salvi Moliner, oenologue chez Orial Rosell. « Il faut chercher des produits et des marchés de qualité, mais de nos jours, il reste plus aisé de vendre du cava plus jeune ».

Pour changer cette image, M. Guilera compte faire du lobbyisme lors de congrès de critiques anglo-saxons et encourager l’oenotourisme dans la région, en profitant de l’attrait touristique de Barcelone, toute proche.

« Nos visiteurs font notre meilleure publicité. Nous les traitons avec soin, ils retournent dans leur pays, parlent du cava à leurs amis. Ce n’est pas très rapide, mais il est plus durable ».

Son objectif est ambitieux: augmenter de 40% en dix ans les ventes de réserve et de grande réserve. « Cela requiert un effort collectif important, mais c’est possible, grâce à la grande qualité de nos produits », dit-il.

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