A Bruxelles, l’intérieur sobre et chaleureux à la fois d’une passionnée de mode

Aménager un logis sobre mais douillet, c’est possible. La preuve avec cet appartement, au septième étage avec vue sur le parc de Forest.

Une élégante femme blonde élancée pose devant une imposante cheminée en acier. Un chien de race est couché à ses pieds, à côté d’une chaise Elda de Joe Colombo et d’un ensemble de cubes faisant office de table basse.

L’image de Horst P. Horst, parue dans le Vogue US en février 1970, montre Betty Catroux. Celle qui a posé pour Coco Chanel et est devenue ensuite la muse d’Yves Saint Laurent se pavane chez elle, dans un appartement avant-gardiste du quai de Béthune à Paris, tout juste meublé par son mari, François Catroux.

Jusqu’à sa mort en 2020, ce dernier a été le décorateur privilégié de la jet-set, des Rothschild aux princesses arabes en passant par les créateurs de mode comme Diane von Furstenberg. « Un mélange puissant d’influences allant de la NASA à Stanley Kubrick ou encore David Hicks », résume à l’époque l’article.

Une cheminée sculpturale

Cette image léchée a beaucoup inspiré l’architecte Arnout De Sutter et sa cliente Laura Praet quand il a fallu trouver l’inspiration pour aménager l’appartement forestois de cette dernière. « La cheminée me fascinait », nous confie-t-elle alors que nous visitons le logis de cette Bruxelloise au parcours mode plutôt exemplaire.

Un jazz doux résonne en arrière-plan et ajoute un supplément d’âme à l’ambiance des années 70 qui règne dans ce lieu raffiné. Sols en travertin, tables gigognes en Plexiglas fumé, îlot de cuisine sculptural et couloir en miroir menant à la chambre à coucher dont le sol et les murs sont recouverts d’une moquette crème…

L’endroit est tiré à quatre épingles. Il y a aussi ce mur impressionnant, qui entoure la cheminée à gaz, orné de plaques en acier inoxydable d’un bout à l’autre.

L’état des lieux

« J’aime ce côté à la fois épuré et expressif, observe Laura. Certains disent que cette esthétique est plutôt masculine, moi je trouve cela sensuel. Minimal et opulent à la fois. » Une subtilité que l’on retrouve également dans Soir, la marque de robes de soirée qu’elle a lancée il y a deux étés avec Lise Eerens.

En peu de temps, elles ont réussi à se faire une place dans les garde-robes des amoureuses de la mode belge, de Mme De Croo à l’athlète devenue créatrice Elodie Ouédraogo.

Une rénovation en profondeur a été nécessaire pour parvenir à ce résultat sophistiqué. L’immeuble, dont Laura occupe le dernier étage, a été construit en 1955 par les architectes R. Dejeneffe et J. Thomas et présente un plan triangulaire atypique.

L’organisation spatiale y était datée. Les proportions étaient erronées. Une grande partie de l’espace et la vue exceptionnelle à 270 degrés, au-dessus de la capitale, étaient donc inexploitées.

Génie de l’espace

L’idée d’Arnout De Sutter : retourner le plan. « En matière d’aménagement de l’espace, c’est un véritable génie », s’enthousiasme l’habitante. Les armoires Cubex et les carreaux Winckelmans de couleur vanille de l’actuelle chambre d’amis trahissent l’existence de la cuisine originelle des années 50.

La chambre principale, qui se trouvait au départ à la pointe du triangle, a dû, elle, céder la place à une élégante cuisine semi-ouverte qui suit la courbe de la façade.

De l’ancien débarras, d’une petite chambre et d’une salle de bains qui se succédaient, l’architecte a fait un ensemble imbriqué comme on peut l’attendre d’une suite d’hôtel moderne, digne d’une métropole comme Bruxelles.

Malgré le peu de mètres carrés, le créateur a réussi à aménager une pièce de nuit spacieuse, comprenant un dressing, des lavabos en marbre et une magnifique baignoire ronde entourée de mosaïques.

« Malgré l’espace limité dont je disposais, je ne voulais pas m’imposer de compromis. Je voulais tout, s’amuse notre hôte.

Et puis, rien ne vaut une belle vue. De mon lit, de ma salle de bains et de ma cuisine, je vois la basilique de Koekelberg, l’Atomium et les trains venant de Paris. De ma cuisine, je vois le parc… Partout où mon regard se pose, j’aperçois un tableau vivant. »

La mode est partout

En parlant de peinture, une œuvre de Tobias Spichtig représentant des lunettes de soleil reflétant un coucher de soleil semble taillée sur mesure pour le salon. Elle constitue le lien parfait entre les différentes nuances de brun, de beige et de gris acier que Laura a réunies dans son antre.

Un coup de cœur de Paris, où l’artiste allemand a également organisé des expositions pour Balenciaga.

Et de pointer avec nous quelques souvenirs : un échantillon de sac Delvaux retiré de la collection, une note de remerciement de Loewe, une invitation personnelle à un défilé de Dries Van Noten et du bois de sa cuisine qui fait référence à un défilé de Burberry.

Autant de détails de l’époque où elle travaillait à New York en tant qu’assistante en relations publiques, où elle assistait le styliste Tom Van Dorpe ou faisait partie de l’équipe créative d’Inge Gelaude à la Villa Eugénie.

Une table à trouver

Tout dans son intérieur raconte son vécu dans le milieu de la mode :  « Je n’avais pas de vie, mais c’était fabuleux. Les plus beaux décors, les plus beaux vêtements, les plus beaux mannequins, les meilleurs photographes…

C’était toutefois trop dur de suivre le rythme », concède celle qui ne travaille néanmoins pas moins dur aujourd’hui. La dernière collection de Soir doit être terminée et photographiée pour les prochains pop-up shops, et sa valise est prête à partir à la recherche de lieux de tournage à Paris.

« La seule chose qui manque ici, c’est une table convenable », nous fait-elle remarquer en guise de conclusion avant de s’excuser inutilement pour la longue table sur laquelle son ordinateur portable et ses documents sont éparpillés ce jour-là. Nous ne l’avions même pas remarqué tant le reste de l’habitation mérite tous les regards.