Les confidences de Tim Van Laere, le galeriste le plus hype du nord de la Belgique
Joueur de tennis professionnel aux Etats-Unis dans une autre vie, Tim Van Laere a ouvert sa galerie éponyme à Anvers en 1997. Il y représente des artistes tels que Rinus Van de Velde, Dennis Tyfus, Ben Sledsens et Jonathan Meese et il inaugure un nouvel espace à Rome, ce 18 novembre. En attendant, il nous a accordé un entretien riche en révélations sur un métier qui continue de fasciner.
Sur le rôle des artistes
Les grands artistes sont à la fois acteurs et observateurs de la société qui les entoure. Ils réagissent à tout ce qui se passe dans le monde et nous disent quelque chose de l’époque dans laquelle nous vivons. Mais ils nous poussent aussi à réfléchir à des solutions pour l’avenir. Pourquoi parle-t-on encore de Rubens, de Velazquez et de Goya des siècles plus tard, alors que les noms des dirigeants de l’époque sont tombés dans l’oubli ? Cela montre l’importance du rôle que les artistes ont à jouer.
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Etre galeriste s’accompagne d’une grande responsabilité. Mon souhait est toujours de laisser les artistes écrire l’histoire de l’art, de m’assurer qu’ils peuvent vraiment communiquer quelque chose, et je dois donc aussi les nourrir et les protéger. Dans le cas de jeunes talents comme Bram Demunter et Ben Sledsens, j’ai attendu plusieurs années avant de montrer leur travail au monde extérieur. Je ne pousserai personne à produire davantage d’œuvres parce que la demande est forte, car l’artiste s’épuise alors immédiatement. Je suis l’exemple de galeristes légendaires tels que Leo Castelli et Pierre Matisse : pour eux aussi, l’artiste passait toujours en premier.
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Le sport comme école de la vie
Le tennis est une école de la vie. Andre Agassi a dit un jour qu’un match était le monde en miniature : un moment peut décider de tout le match, et ce n’est pas parce que vous gagnez un tournoi que vous ne pouvez pas perdre la semaine d’après. Enfant, je n’étais pas un bon perdant, mais le tennis m’a appris à accepter les revers.
Ce qui ne vient pas de soi ne dure pas. Etre forcé de pratiquer un hobby pendant l’enfance n’est pas une base solide pour la suite. Heureusement, mes parents n’ont jamais fait ça – ni pour le tennis, ni pour l’art. Ils nous ont emmenés, mon frère et moi, dans des musées dès notre plus jeune âge, mais sans nous pousser pour autant. Nous avions le droit d’y jouer ou de nous amuser à imiter Picasso. Ces sorties m’ont façonné. Comme l’a fait remarquer un jour Adrian Ghenie, on peut sentir dans la file d’attente de ma galerie que j’ai grandi avec Ensor et des artistes qui célèbrent le grotesque.
« Etre forcé de pratiquer un hobby pendant l’enfance n’est pas une base solide pour la suite »
De l’importance de croire en soi
La confiance en soi est souvent confondue avec l’arrogance. Grâce à mes parents, j’ai toujours cru en moi, et de mes 18 à mes 25 ans, j’ai vécu aux Etats-Unis, où l’ambition et l’esprit d’entreprise sont davantage encouragés que chez nous. Lorsque j’ai ouvert la galerie à 27 ans, je n’avais que mon diplôme d’économie et d’histoire de l’art en poche et je savais à peine comment le secteur fonctionnait, mais dans toute ma naïveté, j’ai appelé Anish Kapoor et Thomas Schütte. Déjà à l’époque, je savais exactement où je voulais aller. Ce qui ne veut pas dire que je ne peux pas écouter. Je consulte constamment mon équipe et nos artistes.
L’ambition et la raison
Une galerie doit grandir avec ses artistes. Rinus Van de Velde et Kati Heck ont parcouru un tel chemin depuis que j’ai commencé à les accompagner que c’est mon rôle de leur donner la possibilité de grandir encore plus. Rome, avec sa riche histoire de l’art, est un endroit idéal pour cela. Je ne crains pas que nous devenions « trop grands » : j’ai une équipe à Anvers et à Rome qui comprend ce que nous représentons en tant que galerie, et je sais que je dois parfois refuser certaines propositions.
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La compétition la plus importante est celle que l’on se livre à soi-même. Vouloir toujours gagner contre les autres n’est pas sain, mais je veux m’améliorer dans ce que je fais. Autant j’étais motivé pour apprendre en tant que joueur de tennis, autant je le suis en tant que galeriste. Mais cela ne dépend pas de ce que font les autres galeries, et les tendances ne m’intéressent pas – je suis mon instinct et je ne m’intéresse qu’à ce en quoi je crois moi-même.
Le mot de la fin
En tant qu’artiste, vous êtes seul. Même si vous êtes bien entouré, dans votre atelier, vous êtes seul face à la toile ou à l’argile. Je connais cette solitude pour avoir joué au tennis. Là aussi, j’étais seul pendant un match et je devais trouver les solutions. Il en va de même pour les artistes. C’est probablement la raison pour laquelle nous nous entendons si bien : je comprends ce qu’ils vivent parfois.
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