Que sont-ils devenus? Rencontre avec 4 de nos Designers de l’année

que sont devenus nos designer de l annee
© Anneke d’Hollander
Katrien Huysentruyt Journaliste

Alors que Le Vif Weekend décerne son vingtième prix du Designer de l’année, nous avons donné la parole à quelques-uns de nos lauréats.

Designer de l’année 2009: Sylvain Willenz

Cinq ans après avoir fondé son studio à Bruxelles, Sylvain Willenz a été élu Designer de l’année 2009. Ancien étudiant du Royal College of Art à Londres, il s’est rapidement distingué par des créations élégantes et intemporelles.

©Anneke d’Hollander

«En 2009, j’étais encore au tout début de ma carrière. Je suis sorti du Royal College of Art en 2003 et j’ai lancé mon studio en 2004. Pendant quelques années, j’ai essayé de me faire remarquer par des éditeurs. Puis, en 2008, Established & Sons a édité mes lampes Torch. C’était une maison d’édition hyper en vogue à l’époque, «the place to be». Cette collection m’a littéralement catapulté dans la sphère du design. Quand on m’a annoncé que j’étais Designer de l’année, je me suis dit: «Non, c’est beaucoup trop tôt, je n’ai pas encore fait grand-chose!» Mais c’était vraiment un grand moment.

On m’a proposé une exposition dans l’aile nord du Grand-Hornu (aujourd’hui le CID). C’était un défi: j’avais quelques mois pour la préparer. Ce n’était pas une rétrospective, j’étais trop jeune pour ça, mais plutôt un point sur mes débuts, un moyen de rassembler mes projets. J’ai adoré travailler sur cette scénographie particulière, elle est encore visible sur mon site. J’aimerais d’ailleurs la réinventer un jour, à plus grande échelle.

Ce prix a été un vrai tremplin pour ma carrière. J’étais encore jeune, un peu foufou et ça m’a permis de donner un cadre à ce que je faisais. C’était une vraie carte de visite, une validation. Certains éditeurs me contactaient en disant: «On a vu que vous étiez Designer de l’année, on veut travailler avec vous.» Et moi-même, je pouvais approcher de nouvelles firmes en mettant ce titre en avant.

Cela reste pour moi un jalon important, un accomplissement. Je le mets toujours en avant sur mon site et dans mes bios. Les éditeurs le mentionnent encore. Avec le recul, je peux dire que mon approche est toujours restée la même. J’aime les «futurs classiques», des objets capables de traverser les décennies, comme certaines icônes du design italien des années 1970. La Torch que j’ai créée en 2008 résume bien la philosophie qui est la mienne: créer des objets intemporels, élégants, familiers mais différents.

En ce moment, j’ai toujours une quinzaine de projets en parallèle, avec des clients internationaux: danois, allemands, français, américains. On travaille beaucoup sur l’outdoor, un domaine en pleine expansion, mais aussi sur des objets en céramique, en bois ou en verre. Il y a un vrai retour vers les matériaux naturels, même si je continue à trouver fascinants les procédés industriels comme le plastique injecté. Pour moi, chaque matériau est une source d’inspiration.»
sylvainwillenz.com

2012: Allain Gilles

Alain Gilles a suivi un parcours étonnant. Après un diplôme en sciences politiques et un passage dans le monde de la finance, il a tout quitté pour suivre sa véritable passion: le design. En 2012, il est élu Designer de l’année.

©Anneke d’Hollander

«J’ai toujours eu un intérêt pour l’art, l’architecture ou le graphisme. Adolescent, je faisais des photos d’éléments du quotidien qui m’inspiraient: une plaque d’égout, des gouttes de pluie… J’avais peur d’oublier ce qui m’étonnait. À l’époque, ma mère me disait: «Tu feras ça en hobby.» Mais le design n’est pas un hobby, c’est un métier à part entière, qui demande de l’envie, du temps, et surtout de se battre.

Je n’ai pas tout de suite été prêt à assumer ce choix. Mais après cinq ans chez J.P. Morgan, je me suis dit que j’avais envie de vivre ma propre vie, pas celle d’un autre. Alors j’ai repris des études de design industriel en France. Recevoir ce prix en 2012, c’était une belle surprise, une opportunité incroyable de montrer mon travail. Je me souviens encore du jour de l’annonce: j’ai reçu un coup de fil de Flamands qui voulaient que je réalise… une sculpture pour un nouvel immeuble! Je leur ai répondu: «Écoutez, c’est super gentil, mais ce n’est pas ce que je fais.» C’était cocasse.

Plus sérieusement, ce prix a conforté mes partenaires. Il m’a apporté une forme de légitimité. Ça a sans doute rassuré ma famille, ma mère et ma femme, qui se demandaient ce que je faisais en quittant la finance pour «tout claquer» et changer de vie. Aujourd’hui encore, c’est ce prix-là que les journalistes et les marques citent en premier lorsqu’ils parlent de moi. Grâce à l’exposition qui était organisée en parallèle, j’ai pu montrer pour la première fois un panorama complet de mon travail. L’expo avait lieu pendant la Biennale Interieur à Courtrai. Une foire qui durait une dizaine de jours, ce qui est assez long. Ça m’a permis de rencontrer directement le public, c’est rare dans mon métier. Et d’écouter ce que les gens disaient de mon travail. Ça m’a énormément appris, parfois même plus que mes propres réflexions.

Si je devais décrire mon style, je le résumerais en parlant de la rencontre de deux idées simples qui, en s’entrechoquant, créent quelque chose de nouveau. Je veux que mes créations soient lisibles, mais qu’elles gardent une part de surprise et une dimension intemporelle. Depuis pas mal de temps, je me refuse à travailler le plastique, je me tourne plutôt vers des matières plus durables comme le bois, la céramique…

Pour la maison, je joue beaucoup sur la dynamique des formes, car les gens se projettent sur le long terme avec leur mobilier. Pour les espaces de travail, j’essaie d’imaginer de nouvelles manières d’interagir. J’adore quand on me donne la chance de créer des solutions vraiment nouvelles.»
alaingilles.com

2015: Muller Van Severen

En 2015, Fien Muller et Hannes Van Severen étaient les étoiles montantes du design belge. Le duo a d’ailleurs été sacré Designer de l’année.

©Anneke d’Hollander

«Ce prix est arrivé relativement tôt dans notre carrière. En 2015, nous ne travaillions que depuis deux ou trois ans. Nous ne nous y attendions absolument pas, sans doute parce que nous n’avions pas une formation de designer. À l’époque, tout se passait encore chez nous. L’atelier n’était pas encore rénové, nous avions juste un petit bureau à l’étage, et un assistant. Nous retrouver en couverture d’un magazine, c’était la toute première fois.

Ce que cela a réellement déclenché reste difficile à cerner. Un commanditaire ne dit jamais ce qui a fait pencher la balance de votre côté. Tout est allé très vite pour nous à cette période. On avait une exposition à Bozar, la Biennale de Courtrai en 2012, et la Milan Design Week en 2013 ont aussi été de très belles opportunités.

Le titre a eu une influence, c’est sûr, nous nous sommes sentis pris au sérieux. Tout à coup, nous avions cette étiquette de «designers», ce qui nous paraît encore étrange aujourd’hui. Le design a quelque chose de lisse, on parle souvent de produits. Certes, oui, nous fabriquons des produits, mais nous les considérons davantage comme des objets − nous nous voyons comme des artistes qui créent des objets fonctionnels.

Un autre tournant décisif a été la collaboration avec HAY, qui nous a permis de créer des objets accessibles à un public plus large et plus jeune. Notre propre production se situe dans une autre gamme de prix, car elle est réalisée en petites séries et localement. Nous avons pu montrer que nous étions capables d’entrer en dialogue avec une marque. Notre langage visuel s’entremêle avec le leur, donnant naissance à des créations qui portent autant notre signature que la leur. Cela nous a rendus intéressants pour d’autres marques et a ouvert de nouvelles perspectives.

On travaille bien sûr toujours pour des galeries. Beaucoup de choses viennent d’être lancées, et nous sommes actuellement revenus à un stade initial où nous dessinons beaucoup − c’est toujours la période la plus agréable. Pour les marques avec lesquelles nous collaborons déjà, pour quelques nouvelles collaborations, et pour une série personnelle que nous aimerions lancer en même temps que notre nouveau livre.»
mullervanseveren.be

2019: Linde Freya Tangelder

En 2019, ce n’est pas un créateur de meubles ou de produits au sens classique du terme qui est élu Designer de l’année, mais Linde Freya Tangelder (Destroyers/Builders), qui conçoit des objets se situant entre l’art et le design. Depuis, elle s’est imposée comme une référence du collectible design.

©Anneke d’Hollander

«Cette reconnaissance a été une grande surprise, car elle est arrivée tôt dans ma carrière. C’était un immense honneur, j’en étais vraiment ravie. La remise du prix et toute la préparation autour ont aussi été particulières à vivre. C’était agréable d’avoir pour la première fois mes collègues et co-designers de Brut Collective réunis autour de moi le temps d’une soirée, et de pouvoir un peu fêter ça. Quand on se retrouve, ils appellent encore toujours cet événement «le mariage de Linde».

Dans la foulée, les projets se sont enchaînés, avec des marques comme avec des galeries. J’ai noué une collaboration de longue durée avec Cassina: nous travaillons maintenant à notre quatrième collection. Avant le prix, je collaborais déjà avec Nilufar. En 2022 j’ai enchaîné trois expositions personnelles à la Licht Gallery de Tokyo, à Athènes chez Carwan Gallery et à la Valerie Traan Gallery. Je reviens tout juste de New York. Avec la galerie belge Uppercut − avec laquelle je viens de commencer à collaborer, notamment pour la Reworked Serie −, nous avons organisé une exposition en duo avec le designer coréen Yoon Shun. C’est une jeune galerie avec les bonnes ambitions, et c’est aussi pour ça que la communication y est plus agréable et plus directe. C’est essentiel pour tisser un vrai dialogue.

Avec Æquō Gallery, j’ai exposé l’année dernière à Mumbai, ce qui m’a permis de voyager en Inde. Quand un voyage et une exposition coïncident, cela laisse une impression encore plus forte. Chaque galerie a un autre type de clientèle, et le style ainsi que les goûts des clients peuvent être très différents, comme en Inde. Je pense que la collection que nous avions conçue pour l’occasion y correspondait bien. Quand je mets sur pied une exposition, je pense inconsciemment à l’endroit où elle sera présentée.

Pour Æquō Gallery, je poursuis la collection SLABS qui est aujourd’hui magnifiquement aboutie, réalisée par des artisans indiens. La collaboration avec Cc-tapis − mon tout premier projet textile − a déjà été lancée à Milan, mais en octobre, elle sera véritablement diffusée dans le monde entier. Je travaille aussi à un nouveau projet pour Cassina!»
destroyersbuilders.com

Retrouvez toutes les interviews de tous nos Designers de l’année

Les vainqueurs au fil des années

2006
Alain Berteau
2007
Nedda El-Asmar
2008
Stefan Schöning
2009
Sylvain Willenz
2010
Bram Boo
2011
Nathalie Dewez
2012
Alain Gilles
2013
Jean-François
D’Or
2014
Marina Bautier
2015
Muller Van
Severen
2016
Vincent Van
Duysen
2017
Studio Unfold
2018
Frederik
Delbart
2019
Linde Freya
Tangelder
2020
Sep Verboom
2021
Sebastien
Caporusso
2022
Studio Biskt
2023
Julien Renault
2024
Paulineplusluis
2025
Maarten
De Ceulaer

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