Visite d’une maison néoclassique gantoise, entre sobriété et intemporalité
Comment faire entrer une maison gantoise, bourgeoise et néoclassique dans le XXIe siècle? En conservant l’esprit du lieu tout en choisissant résolument la sobriété, la fonctionnalité, l’intemporalité. Et surtout en y laissant vivre une petite famille avec enfants et chien jouette.
C’est une maison bourgeoise, néoclassique, qui date de 1898 et affiche sa façade classée, dans une avenue arborée elle aussi classée et qui porte bien son nom, Parklaan. Tout ici est si vert, dans la parfaite prolongation du Citadel Park et du Jardin botanique de l’université de Gand. Avant même de sonner à la porte avec impostes, on a compris que l’intérieur serait à la hauteur. Le soleil du matin y entre par les fenêtres du rez-de-chaussée et plus haut, par la baie vitrée trapézoïdale posée avec élégance sur deux petits supports sculptés.
Y vit une petite famille, deux enfants, un chien, avec vue sur le jardin. C’était le premier critère de la maîtresse de maison Tamara De Mey et de son compagnon Julien Malingreau: ils voulaient de l’herbe pour que leurs petits puissent y courir pieds nus. «On est venus la visiter, se souvient-elle. Elle était habitée par un couple de nonagénaires, lui avait été professeur de peinture à Sint Lukas, dans les années 60. Elle était dans un tout autre état, c’était moins lumineux, il y avait des faux plafonds partout… Mais j’en suis tout de suite tombée amoureuse. J’ai aimé qu’elle soit traversante ; des deux côtés, on peut voir des arbres et un peu de nature. Elle me rappelait ma maison d’enfance au milieu des bois.»
Elle, est attachée de presse spécialisée dans la mode et le lifestyle, romaniste et linguiste et fut un temps rédactrice pour le quotidien De Standaard, lui est ingénieur industriel et fondateur de restaurants et bars gantois très «place to be», connus sous le nom de Mòris, Ray, Millie Vanillie, Turbo Gantoise ou The Serve. C’est dire si ce tandem fraîchement quadragénaire est complémentaire, surtout quand il s’agit de métamorphoser 460 m2 néoclassiques et abîmés par les ans en un nid familial minimaliste, fonctionnel mais chaleureux.
Il leur faudra plusieurs années de rénovation pour la transformer à leur goût. Avec les plus grands égards pour sa beauté intrinsèque, en abattant les murs inutiles, en restaurant les éléments d’époque qui en valaient vraiment la peine et qu’ils ont ainsi mis en lumière − les radiateurs, les moulures au plafond, le granito dans la cuisine, le parquet point de Hongrie dans le salon, la balustrade et l’escalier qui mène au jardin… «On a réfléchi au fur et à mesure et fait les travaux en plusieurs phases: le rez-de-chaussée et les étages des chambres d’abord, en 2016, avant notre emménagement, la cave et les combles dans un deuxième temps et ensuite la façade, en 2021. On l’a rénovée dans les règles de l’art puisqu’elle est classée. On a remplacé toutes les fenêtres, les châssis sont à guillotine, le verre étiré, le cadre mouluré avec des parapets cannelés au premier. Il fallait également que l’on respecte la couleur originelle – un spécialiste du Patrimoine est même venu gratter avec un petit couteau pour la retrouver sous les couches de peinture et en déterminer la nuance Pantone. C’était exigeant mais cela en valait la peine.»
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Une sobriété heureuse
Le cœur battant de ce grand espace de vie se concentre dans la cuisine ouverte, elle attire comme un aimant. «On y vit beaucoup, on y reste des heures, surtout Julien qui aime cuisiner. On y invite nos amis et on finit presque toujours par danser sur le plan de travail en granito…» On imagine la scène sans peine même si pour la séance photo, Tamara De Mey a veillé à n’en pas laisser de traces, rassemblé quelques plantes, même si elle n’a pas la main verte, rangé le village Playmobil de son fils et posé là un plat de Glenn Sestig qui dit son amour du design et des objets qui traversent le temps. Car elle se reconnaît dans l’esprit d’une Charlotte Perriand, d’un Jean Prouvé, d’un Le Corbusier, d’un Mies van der Rohe. «J’aime beaucoup, beaucoup la fonctionnalité, la sobriété, l’intemporalité.»
Dès lors, où que l’on pose le regard, on peut apprécier sa constance. Ici, des chaises signées Marcel Breuer, là, une grande table de Maarten Van Severen, sur la terrasse, des chaises Joe Colombo et, près de la grande baie vitrée, un fauteuil Poul Kjaerholm que le jeune chien Edgar adore, cela se voit, il y a amoureusement fait ses griffes. «Je ne trouve pas cela si grave, dit-elle en riant. Une maison doit pouvoir vivre, ce n’est pas un musée. Je sais que je ne suis pas très pragmatique dans mes choix, surtout avec des enfants, c’est donc absolument normal que cela souffre un peu.» Et c’était évident de même de penser des territoires totalement «kids friendly» où Rémi, 10 ans, et Clémence, 5 ans, auraient leur petit monde à eux et leur terrain de jeux.
Il faut donc grimper les escaliers repeints en blanc monacal, passer devant la salle de bains tout de marbre vêtue, gravir les quelques marches qui mènent au premier étage dévolu aux parents et au bureau-salon télé. On arrive alors au deuxième où chacun a choisi comment décorer sa chambre, avec la bénédiction de maman et des jouets en bois. «Je les aime, surtout quand ils sont vieux!», reconnaît Tamara qui est aussi la reine des chineuses. On en veut pour preuve les deux armoires Pastoe «dans un espace qui n’a pas vraiment de rôle», dans la suite parentale, où dans une déclinaison crème, elle a assorti les doubles rideaux en lin au canapé de Mario Marenco. Et quand elle ne trouve pas ce dont elle rêve, elle fait réaliser ce qu’elle a très précisément en tête, comme le lit en mélèze sur mesure qui fait face aux armoires encastrées et d’origine.
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«Les designs les plus sobres sont les plus forts», résume-t-elle en caressant le bois de la chaise Zigzag signée Gerrit Rietveld qui sert de bout de canapé dans le salon mezzanine. Tout est toujours une question d’équilibre. Cela n’a rien de dogmatique, surtout pas dans ce havre de paix où elle a appliqué le principe avec élégance et décontraction.
EN BREF Tamara De Mey
Elle est née à Gand et a étudié la philologie romane et la linguistique appliquée à Gand.
Elle a travaillé durant six ans comme rédactrice pour De Standaard.
Elle a cofondé en 2011 l’agence de presse et de communication spécialisée dans la mode et le lifestyle, Turbulence.
Depuis 2016, elle vit dans cette maison à la façade néoclassique classée avec Julien Malingreau, leurs deux enfants, Rémi et Clémence, et le chien Edgar.
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