Enfant, elle réaménageait sa chambre chaque mois, au grand désespoir de ses parents. Aujourd’hui, Morgane Sézalory est à la tête de l’ultrabranchée marque de mode française Sézane et des Composantes, une ligne de décoration intérieure. Bienvenue chez elle.
Morgane Sézalory est la fondatrice de Sézane, une marque aujourd’hui ultrabranchée. Rien que l’an dernier, pas moins de 40.000 clientes figuraient sur la liste d’attente pour s’offrir un trench Clyde, l’une des pièces phares de la maison, désormais déclinée en plusieurs coloris. «Un vêtement réussi doit avant tout être utile, explique-t-elle pour justifier cet engouement. Une bonne coupe, de la personnalité, et cette sensation agréable lorsqu’on le porte… Il se vend tout seul.» Le coup de pouce d’une célébrité comme Sienna Miller, qui l’arbore sur Instagram, n’y est évidemment pas pour rien. Tout comme le soutien de Kate Middleton ou Taylor Swift, elles aussi fans de la marque. Tour du propriétaire de cette fan de mode et de déco!
Une simplicité maîtrisée
Nous voici dans une rue reliant le musée Rodin à celui d’Orsay, dans un quartier emblématique du VIIe arrondissement de Paris, au pied d’un immeuble haussmannien classique, avec moulures et ornements d’époque. Quand nous entrons, nous constatons à quel point l’intérieur, lui, est résolument contemporain. Le mobilier date en grande partie des années 1950 ou plus. Un détail frappe immédiatement: aucune œuvre d’art n’est accrochée. Tous les cadres sont posés à même le sol, adossés au mur, dans un désordre soigneusement étudié. «J’ai toujours fait comme ça, quel que soit l’endroit où j’ai vécu», explique l’habitante, Morgane Sézalory (40 ans), née à Kinshasa, en République démocratique du Congo. Elle n’avait que 4 ans lorsque ses parents sont rentrés en France et se sont installés en banlieue parisienne. «Accrocher les œuvres, c’est vraiment ce qu’on fait en dernier lorsqu’on emménage quelque part, non? Et puis, j’adore réorganiser. J’aime aussi l’atmosphère décontractée que cela crée.» Pourtant, quelques pièces méritent le détour. Des œuvres de Georges Braque, de Pierre Boncompain, et une toile expressionniste monumentale de Caroline Denervaud, de la taille d’une porte.
S’offrir de la liberté
Morgane Sézalory est l’exemple parfait de la self-made woman. Adolescente, se sentant oppressée par la rigidité du système éducatif, elle opte pour l’instruction en famille, en construisant elle-même son programme d’études, jusqu’à décrocher brillamment le baccalauréat. Après l’obtention de son diplôme, elle se met à vendre des vêtements vintage sur eBay, sans se douter que cela poserait les fondements de ce qui deviendra plus tard sa signature. Elle veut surtout s’offrir du temps et de la liberté pour réfléchir à son avenir.
En 2008, elle lance son e-shop Les Composantes. Si elle ne peut alors proposer que 100 pièces par mois, elle transforme cette contrainte technique en atout: ses sélections mensuelles, minutieusement composées, deviennent des rendez-vous très attendus. Quand elle commence à y intégrer ses propres créations, le succès est immédiat. En 2013, elle trouve enfin sa vocation: elle abandonne définitivement le vintage pour se consacrer à sa propre ligne, entre Parisienne chic et allure de «girl next door» accessible. Une esthétique inspirée des actrices et chanteuses françaises des années 1960 et 1970, à même de transformer, avec un peu de maquillage et quelques bons accessoires, un simple combo jeans-tee-shirt en tenue sublime. Sézane, contraction de son prénom et de son nom, voit le jour.
Le début d’une nouvelle vie: Sézane
Deux ans plus tard, elle inaugure sa première boutique physique à Paris, baptisée L’Appartement – aujourd’hui il en existe six dans la capitale. Des adresses ouvriront ensuite leurs portes ailleurs en France et à Londres, Madrid et aux États-Unis. Que les fans belges se réjouissent: un pop-up éphémère posera ses valises à Bruxelles le 12 septembre prochain.
Son dernier projet s’intitule à nouveau Les Composantes. Mais cette fois, il s’agit d’une collection d’objets d’intérieur qui connaît elle aussi un succès fulgurant auprès de sa communauté. «Comme pour les vêtements que je vendais avant, mes amis me demandaient souvent d’où venaient certaines pièces. Puisqu’elles étaient vintage pour la plupart, j’ai décidé de les recréer moi-même.»
Une cuisine invisible
Dans l’appartement – en réalité deux appartements réunis, dont seule la première moitié a été aménagée – on trouve çà et là des coussins, de la céramique, des bougies parfumées et des luminaires de sa propre ligne. Dans le salon immense trône un canapé encore plus immense, qu’elle a dessiné pour elle et ses enfants.
En observant les lieux, un élément semble manquer: où est la cuisine? Elle rit. «J’en ai conçu une qui se fond dans le reste de la pièce.» En y repensant, nous nous trouvions bel et bien dans la cuisine depuis le début de l’entretien, sans l’avoir remarqué.
Dans cet espace tout en longueur, un tapis Oushak recouvre le sol et des appliques Las Palmas en laiton poli ornent les murs. La table ronde, entourée des emblématiques chaises sixties Warren Platner de Knoll, sert de coin petit-déjeuner. Nous nous demandions justement à quoi servait l’évier en marbre, et pourquoi de grands placards en bois couraient le long du mur. À première vue, on aurait dit un élégant bar encastré. Il n’en est rien. C’est la cuisine, que l’habitante peut isoler du reste de l’appartement grâce à des portes vitrées pliantes. La cuisinière est dissimulée, les autres appareils sont soigneusement encastrés derrière des façades qui auraient tout aussi bien pu se retrouver dans une chambre élégante. «Je ne commence jamais un aménagement avec une idée toute faite en tête, confie Morgane Sézalory. Pour la cuisine, j’ai d’abord trouvé la table, puis j’ai cherché une teinte vert olive pour les murs. Le reste a suivi.»
Une décoration au fil du temps
Pour elle, il existe un lien évident entre son intérieur, les objets des Composantes et l’univers mode de Sézane. «J’aime les choses qu’on trouvera encore belles dans cinquante ans. Je ne voudrais jamais cacher les éléments d’origine de ce bâtiment. C’est justement ce contraste avec des créations contemporaines qui est intéressant. Je reste toujours curieuse de nouvelles associations.»
Ses filles, âgées de 9 et 11 ans, écoutent de la musique qu’elle-même n’aurait jamais choisie spontanément. «Mais pour pouvoir communiquer avec les gens, il faut savoir ce qui les anime. Mes filles portent des pantalons ultralarges et des crop tops. Quand elles ont commencé à affirmer leur propre style, j’aurais voulu qu’elles s’habillent avec ce que j’avais créé. Mais il faut laisser chacun développer ses goûts», sourit-elle. Le changement est toujours la meilleure manière de créer de la nouveauté. Morgane Sézalory le savait déjà lorsqu’elle était enfant.
Morgane Sézalory, 40 ans, en bref
– Elle est née à Kinshasa, en République démocratique du Congo. À l’âge de 4 ans, ses parents rentrent en France et s’installent en région parisienne.
– Après avoir obtenu son bac, elle lance une boutique en ligne de vêtements vintage, qui devient Les Composantes, un e-shop où elle propose chaque mois une sélection de 100 pièces.
– En 2013, forte du succès de ses propres créations, elle fonde Sézane. Deux ans plus tard, elle ouvre sa première boutique physique à Paris, suivie de cinq autres, et puis ailleurs en France (Lille, Lyon, Bordeaux, Aix-en-Provence), ainsi qu’à Londres, Madrid et aux États-Unis, où elle compte neuf enseignes.
– Une boutique éphémère ouvrira à Bruxelles le 12 septembre, au 39, rue Antoine Dansaert.
– Elle a aussi lancé avec succès une ligne pour hommes (Octobre Éditions), une collection enfant (Petit Sézane) et une ligne d’objets de décoration (Les Composantes).
– L’e-shop attire quelque dix millions de visiteurs uniques par mois.
