Espagne: direction Valence, Capitale mondiale du Design 2022

La Cité des arts et des sciences, conçue par l’architecte valencien controversé Santiago Calatrava. © National

Jusqu’à la fin de l’année, la cité portuaire assume avec foi son titre de Capitale mondiale du design. L’objectif est clair: mettre en avant son patrimoine créatif d’hier et d’aujourd’hui via une série d’événements composés avec soin. Pas trop tôt, nous soufflent ceux qui connaissent depuis longtemps cet atout phare de la belle Ibérique.

Les jardins du Turia, un parc urbain long de neuf kilomètres aménagé dans l’ancien lit du fleuve éponyme. Des musées à l’architecture délirante dessinés par Calatrava, croisés dans quelques films de science-fiction. Une cathédrale qui abrite le seul vrai Saint Graal. De la gastronomie renommée, avec l’incontournable paëlla, sept restaurants totalisant neuf étoiles Michelin, mais aussi deux marchés couverts modernistes nommés Central et Colon. Une plage interminable sous un ciel qui promet trois cents jours de soleil par an. Si la popularité de Valence n’a pas de quoi surprendre, on peut résolument s’étonner que l’argument «design» ne soit pas brandi plus souvent. Un atout qui n’a pas assez été mis en avant au cours des dernières décennies, estime Alicia Matallin Civera, l’une des chevilles ouvrières du Festival du design qui s’apprête à rythmer la vie de sa cité natale pendant un an.

L’illustrateur Isidro Ferrer a conçu cette lampe ludique Big Bird pour LZF.
L’illustrateur Isidro Ferrer a conçu cette lampe ludique Big Bird pour LZF. © SDP

«Les créateurs valenciens ont longtemps choisi d’aller déployer leurs talents à Barcelone, à Madrid ou ailleurs dans le monde, mais on voit depuis quelques années s’amplifier le mouvement inverse, explique-t-elle en commandant un horchata, un lait végétal typique de la région. Bien des enfants du pays reviennent créer des projets ici avec les connaissances et expériences acquises au loin. A côté de cela, de plus en plus de talents issus de toute l’Espagne, dont Jaime Hayon, choisissent de se poser dans cette ville à l’ambiance détendue. Grâce à ce mélange, Valence a retrouvé tout son dynamisme.» Elle dit bien «retrouvé», car la petite sœur de Barcelone est depuis toujours une terre propice aux métiers créatifs.

Les illustrateurs locaux Cachetejack emmènent leur travail dans le jardin botanique de l’Université de Valence jusqu’au 9 octobre.
Les illustrateurs locaux Cachetejack emmènent leur travail dans le jardin botanique de l’Université de Valence jusqu’au 9 octobre. © SDP

DES ARTISANS DE TALENT

Depuis 1860, par exemple, les carrelages Nolla ont permis à l’industrie locale de la céramique de connaître un essor international. «Ces mosaïques et motifs typiques ont même été l’un des moteurs de la révolution industrielle espagnole», précise Xavier Laumain, architecte et président du Centro de investigación y Difusión de la cerámica Nolla. On les trouve non seulement en Espagne, mais aussi à Buenos Aires, à Santiago de Cuba ou à Moscou. Le projet NollaMap (@nollamap sur Instagram) s’est même donné pour objectif de les répertorier, histoire de les sauver de l’oubli. De son côté, la céramiste Ana Illueca a lancé l’initiative ADN ceramico, une plate-forme qui rassemble les actuels ténors du secteur, «non seulement pour alimenter la fierté et l’identité locales, mais aussi pour permettre à des artisans talentueux de transmettre à leurs cadets des connaissances qu’ils ne trouveraient pas dans les cours ou les livres».

Autre preuve de cette effervescence: l’Instituto Valenciano de Arte Moderno (IVAM) accueillera jusqu’au 12 juin l’exposition Graphic Route – Designing the Sound of València, qui rassemble une série d’affiches et accessoires de la vie nocturne des années 80. «Le chaos qui a suivi la mort de Franco s’est doublé, dans le domaine des arts graphiques, de l’émergence d’un nouveau mouvement esthétique haut en couleurs, ludique et un peu absurde que l’on peut comparer au groupe Memphis en Italie», poursuit Alicia Matallin Civera. Les figures de proue de ce courant valencien étaient des dessinateurs de BD comme Mariscal (à qui l’on doit aussi un fabuleux tabouret de bar), Sento Llobell ou Micharmut. Que Valence ait compté – et compte encore – tant d’illustrateurs de renom n’est pas tout à fait un hasard, puisque c’est elle qui a accueilli au XVe siècle la toute première presse d’Espagne.

Valence a eu son propre mouvement Memphis dans les années 80. Le travail graphique d’Armando Silvestre et Elisa Ayala pour la boîte de nuit Barraca et le tabouret Duplex de Mariscal en sont des rappels. Tous deux sont visibles à l’expo Graphic Route - Designing the Sound of València, à l’IVAM.

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Valence a eu son propre mouvement Memphis dans les années 80. Le travail graphique d’Armando Silvestre et Elisa Ayala pour la boîte de nuit Barraca et le tabouret Duplex de Mariscal en sont des rappels. Tous deux sont visibles à l’expo Graphic Route – Designing the Sound of València, à l’IVAM.

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Valence a eu son propre mouvement Memphis dans les années 80. Le travail graphique d’Armando Silvestre et Elisa Ayala pour la boîte de nuit Barraca et le tabouret Duplex de Mariscal en sont des rappels. Tous deux sont visibles à l’expo Graphic Route - Designing the Sound of València, à l’IVAM.

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Valence a eu son propre mouvement Memphis dans les années 80. Le travail graphique d’Armando Silvestre et Elisa Ayala pour la boîte de nuit Barraca et le tabouret Duplex de Mariscal en sont des rappels. Tous deux sont visibles à l’expo Graphic Route – Designing the Sound of València, à l’IVAM.

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UNE NOUVELLE ÈRE

On voit actuellement resurgir le style ludique de l’époque dans une version remise au goût du jour – notamment dans l’œuvre graphique du duo féminin Cachetejack (auteur de campagnes pour Nike et Burger King) ou les illustrations de Malota, publiées dans des magazines du monde entier, mais aussi dans l’architecture, la décoration d’intérieur ou les meubles. Après Inma Bermúdez (la seule créatrice espagnole à avoir déjà travaillé pour IKEA), Yonoh (qui vient de décrocher un Reddot Design Award pour son canapé Bufa) ou ERRE (en train de construire la Casal España Arena, un stade de 18 000 places qui se double d’un parc, d’une école et de logements), on voit aujourd’hui émerger des voix nouvelles comme Clap Studio, Masquespacio et MUTdesign qui apportent, en collaboration avec des marques établies comme LZF Lamps, Andreu World ou GAN, une touche de design typiquement valencien à divers espaces et objets. Une griffe qui orne galeries, boutiques, musées ou restaurants… dont on répertorie ici même une liste non exhaustive.

Les céramiques ludiques d’Ana Illueca, qui a inspiré la plate-forme ADN ceramico.
Les céramiques ludiques d’Ana Illueca, qui a inspiré la plate-forme ADN ceramico. © SDP / Pau Rodilla
Viva Valencia
Quelques adresses pour les amateurs de design prêts à parcourir la ville de long en large.

SHOP
POPPYNS
Conçu par le studio Arqueha, le premier (et jusqu’ici unique) «life store» de Valence propose à la fois une gamme d’objets déco, cosmétiques et gadgets design, mais arbore aussi une sélection de labels de mode et d’accessoires pour dames et messieurs. Le tout doublé d’un café pour siroter ou manger un morceau.
21, carrer d’Isabel La Catòlica. @poppyns_store

BOUTIQUES
CUADERNOS RUBIO
Cela fait soixante ans que des générations de petits Valenciens apprennent à calculer, à lire et à écrire dans les cahiers Rubio. Dans ce premier et unique flagship store de la marque, les clients de tous âges dégottent non seulement les fameux carnets (déclinés dans toutes les couleurs et tous les formats possibles et imaginables), mais aussi des jeux de logique, des feutres et des crayons. L’intérieur a été aménagé par Masquespacio.

Cuadernos Rubio
9, carrer de Sorni. @cuadernosrubio

SIMPLE
Marre des échoppes de souvenirs made in China? Ne ratez pas cette adresse qui propose exclusivement des créations locales originales: céramiques, textiles, épices, cosmétiques, bijoux, jouets et paniers.
5, carrer del Palau. @simpletienda

LITTLE STORIES
Une boutique de chaussures et accessoires pour les tout- petits. Le lieu collectionne les distinctions grâce à son intérieur ludique imaginé par Clap Studio.
30, carrer del Pintor Salvador Abril. @littlestories.es

BOIRE & MANGER
LA SASTRERIA
Cette adresse, réputée dans les années 50 pour ses costumes sur mesure, abrite désormais un restaurant où déguster la crème des produits de la mer, mitonnés avec amour par le chef Sergio Giraldo. L’intérieur est une ode aux céramiques Nolla composée par Masquespacio.
42, carrer de Josep Benlliure. @lasastreriavalencia

VACHATA
Quel meilleur endroit pour déguster un horchata que cette adresse tenue par l’héritière d’une famille de producteurs réputés? L’intérieur ensoleillé arbore des carreaux de céramique jaunes signés Laura Losada et Carlos Pinazo, tandis que les fresques murales ont été réalisées par l’Estudio Merienda.
Vachata
22, carrer de Mossèn Femenia. @Vachatahorchata

OSTRAS PEDRIN
Amateur d’huîtres, de vin et (surtout) de poisson en conserve? Vous allez adorer cet endroit où tout – des sardines aux coquilles Saint-Jacques en passant par le caviar – est servi directement dans la boîte. Un bar ultraconvivial malgré son cadre minimaliste, aménagé par Studio Montañana.
23, carrer Bonaire. @ostras_pedrin

POPS’N BOPS
Pétri du sympathique esprit Memphis valencien, ce bar à glaces fait fondre les plus jeunes avec son décor signé HUUUN… et ses délicieuses crèmes glacées artisanales. Y a pas à dire: tout cela est très photogénique.
3, plaça de l’Escolania de la Mare de Déu dels Desemparats. @popsnbops

CULTURE
BOMBAS GENS
Après des années d’abandon et un incendie, cette ancienne usine dessinée dans les années 30 par l’architecte visionnaire Cayetano Borso di Carminati a été réhabilitée par le studio Ramon Esteve et abrite aujourd’hui un centre d’art. On y admire notamment la collection de photos contemporaines de la fondation Per Amor, et on s’y attable pour goûter les mets du chef étoilé Ricard Camarena. Bon à savoir: ce dernier signe également la carte du Bar X, dans le Mercado de Colon, qui propose un joli éventail streetfood sept jours sur sept.
Création d’Inma Femenia, au centre Bombas Gens, pour la fondation Per AmorCréation d’Inma Femenia, au centre Bombas Gens, pour la fondation Per Amor
54-56, carrer de Burjassot. bombasgens.com

HÉBERGEMENT
HAYON GUESTHOME
C’est au créateur Jamie Hayon que l’on doit cet appartement unique au cœur de Valence. Non content de choisir les sculptures, tableaux, céramiques, lampes et accessoires, il a dessiné lui-même une partie des meubles. Si le lieu est souvent réservé aux résidences d’artistes, les particuliers peuvent y séjourner 10 à 14 jours maximum.
@hayonguesthome

CARO
En plein centre historique, cet ancien hôtel de maître a été rénové par l’architecte Francesc Rifé. Autour des chambres, du restaurant et de la petite piscine, se déploient splendides mosaïques, arcades gothiques, escaliers médiévaux, fragments de l’enceinte originale de la ville, plafonds peints et maçonneries arabes. Un lieu chargé d’histoire…
Caro
14, carrer de l’Almirall. carohotel.com

AGENDA
Jusqu’au 26 juin, l’expo Designing the Air, dédiée à cet objet cher aux Valenciens qu’est l’éventail, se tiendra au Museo Nacional de Cerámica y Artes.
Du 10 juin au 4 septembre, le Museo de Cerámica de Manises accueillera la biennale internationale de la céramique.
Du 6 octobre au 16 avril 2023, le Centre del Carme Cultura Contemporánea (CCCC) proposera une grande rétrospective Jaime Hayon.

Aperçu complet de Valencia World Design Capital: wdcvalencia2022.com

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