Voir grand: les luminaires aussi se la jouent oversize
Dans les aménagements contemporains, on retrouve de plus en plus souvent des luminaires extra-larges, aux formes souvent sculpturales. De quoi métamorphoser complètement un intérieur et la façon dont il est éclairé.
Dans l’éternel balancier des tendances – qui font s’alterner, dans nos dressings comme nos intérieurs, des choses aux antipodes parfois –, l’heure est à l’expressivité. Car même si l’épure des habitations zen garde ses adeptes, de plus en plus de gens misent maintenant sur des aménagements plus personnels et bigarrés. Il faut dire que face à la période troublée que nous traversons, d’aucuns ont besoin de lieux de vie joyeux pour combattre la morosité ambiante. Et les luminaires suivent cette vague d’emphase, tant en ce qui concerne les matériaux utilisés que les volumes, de plus en plus variés… et grands, voire carrément géants. Un peu comme les plantureux lustres d’antan finalement, mais complètement revisités en termes de style. «Après des années marquées par le minimalisme, on observe un retour au maximalisme sous l’égide d’architectes d’intérieur tels que Gert Voorjans qui sont dans l’éclectisme, avec une prolifération d’objets, de formes et de couleurs», confirme le designer Koen Van Guijze, qui crée des objets lumineux pour sa marque éponyme, mais aussi pour Serax. «Ce genre d’éclairage XXL change complètement la perception que l’on a de l’espace, se réjouit-il. Cela donne une ambiance, et pas seulement de la lumière. Et cela apporte une échelle plus humaine aux pièces.»
MISE EN ŒUVRES
Placés au-dessus d’une table de salon ou de salle à manger, mais aussi pendus au sommet d’une cage d’escalier comme dans l’hôtel Hygge signé par le créateur bruxellois Michel Penneman par exemple, ces lustres et autres suspensions grand format canalisent en effet le regard, évitant qu’il ne se perde dans l’espace, surtout s’il est vaste ou haut de plafond. Mais l’objet apporte également une plus-value esthétique. «J’utilise depuis longtemps ce type de luminaires car cela donne une architecture à une pièce et amène de la lumière à des endroits inattendus», explique le créateur bruxellois Lionel Jadot, qui imagine aussi lui-même des modèles avec des matériaux de récup’. Le concepteur installé aux Zaventem Ateliers insiste sur l’intérêt du mouvement pour de tels éclairages, présentant notamment le Light Fan de Studio Elementaires, qui fait référence à la frénésie des enseignes lumineuses aux Etats-Unis et qui, en tournant, donne une dimension cinétique à la lumière qu’il diffuse – «Ici le luminaire devient objet contemplatif», admire Lionel Jadot. C’était d’ailleurs l’optique de la lampe Vertigo créée par Constance Guisset pour Petite Friture, il y a plus de dix ans déjà, et devenue un best-seller. Sa nappe graphique de 2 mètres de diamètre et ne pesant que 500 grammes, qui rappelle la forme d’un grand chapeau, peut osciller subtilement au gré des courants d’air et a clairement contribué au retour de ces éclairages XXL.
Mais ces sources lumineuses big size peuvent aussi se retrouver posées au sol, dans un coin de la pièce. Dans ce cas, certaines marques s’amusent à rééditer en géant l’un de leurs modèles, comme pour l’Edison The Giant de Fatboy, qui mesure 182 cm de hauteur et est dérivée d’une lampe de chevet du label. C’est aussi le cas de la liseuse géante G1 de Pierre Guariche pour Sammode – 1,75 mètre de hauteur – que l’on retrouve entre autres dans un aménagement de l’architecte d’intérieur Caroline Notté. «J’adore le culte de l’objet et je la trouve parfaite juxtaposée à un fauteuil. Ça crée un décalage d’échelle intéressant. On est ici dans quelque chose qui s’apparente plus à une sculpture», commente-t-elle. D’autres designers imaginent des lampes qui s’apparentent d’ailleurs vraiment à des œuvres d’art, déposées par terre, voire accrochées au mur tels des tableaux. Hind Rabii, créatrice de luminaires belge parmi les plus emblématiques, est très exemplative de cette tendance, notamment avec son modèle mural Ya-Ya, fait de fines feuilles de marbre juxtaposées, et son Meridiana en fibre de verre, pouvant être laissé sur le plancher ou fixé à une paroi. «Il ne s’agit pas juste de quelque chose de fonctionnel. C’est d’abord l’objet qui est présent dans l’espace, et puis, il éclaire, dans un deuxième temps», dit-elle.
L’avantage: même en journée, ces éléments ont un rôle, qui peut être purement graphique, comme avec la dernière collection Extruded du Belge Alain Gilles, faite de tubes extrudés depuis le plafond. Ces longues tiges donnent une verticalité à la pièce et même éteintes ont un attrait puisque leur surface est nervurée de manière à jouer avec la lumière du soleil.
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MATIÈRES PREMIÈRES
Plus largement, les matériaux de ces éclairages géants ont une grande importance. D’autant que l’avènement de la technologie LED multiplie les possibilités. «La matière d’un appareil d’éclairage a une forte influence sur la lumière qui sera diffusée, souligne Eric Desmyttère de la boutique spécialisée L’autre Lumière, à Bruxelles. Le LED ne chauffant pas, on peut se permettre des choses plus osées. Il y a véritablement une mode autour des lustres faits de matières naturelles et inflammables telles que l’osier et le bois…» On pense aussi aux fameuses lampes en papier des fifties, lancées par Isamu Noguchi, moult fois copiées depuis et qui reviennent aussi en force dans la déco…
L’expert prévient toutefois qu’il ne suffit pas de choisir une matière d’apparence chaleureuse pour offrir une lumière chaude à sa maison. Le plus important reste le choix… de l’ampoule! «Il y a cinquante sortes de vinaigre balsamique à cinquante prix différents, c’est la même chose pour les ampoules», illustre-t-il, insistant sur le fait qu’il ne faut pas hésiter à mettre un peu plus d’argent dans l’achat de celles-ci pour ne pas gâcher l’effet d’un joli lampadaire. Le Bruxellois en profite aussi pour rappeler qu’il faut éviter que ces ampoules soient visibles. D’une part car elles peuvent nuire à la rétine si on les regarde trop longtemps. Mais aussi pour des raisons esthétiques: «Il faut bien réfléchir lorsque l’on place une suspension au fait que si on voit l’ampoule, cela peut être très laid. Au-dessus d’une table, vu qu’elle est basse, le luminaire peut-être fermé uniquement au-dessus. Mais dans un hall d’entrée par exemple, mieux vaut que l’ampoule soit enfermée complètement.»
De son côté, Koen Van Guijze pointe le fait qu’une matière a aussi une influence sur… l’acoustique. Une suspension ou une applique en tissu XXL, par exemple, permettra d’absorber les sons. Un détail intéressant qui ne saute pourtant pas aux yeux quand on choisit habituellement la lampe de ses rêves.
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QUESTION D’ÉQUILIBRE
Reste qu’avec cette variété impressionnante d’objets lumineux aujourd’hui disponibles, la réflexion sur l’éclairage se complexifie davantage. L’effet showroom que généraient souvent les spots encastrés est banni mais encore faut-il trouver un équilibre dans son aménagement quand on multiplie les audaces stylistiques. «Eclairer, c’est jouer sur les ombres, pénombres et lumières, résume Eric Desmyttère. Si vous mettez en valeur un point lumineux par-ci et par-là, vous allez créer ce jeu d’ombres, et donc du relief. Un grand luminaire apporte une large diffusion de la lumière. Il faut absolument le contrebalancer par d’autres petits points lumineux sinon l’ensemble sera fade. Souvent, les gens ont un coup de cœur pour un objet mais ils ne réfléchissent pas à l’association. Quand on a une belle suspension, il ne faut pas la noyer avec d’autres. C’est un peu comme si vous aviez plusieurs jolis tableaux et que vous vouliez tous les exposer à la fois.»
«Après, c’est également une question de style, nuance Lionel Jadot. Personnellement, je n’hésite pas à créer des collisions visuelles, cela dépend de l’atmosphère que l’on veut générer. Mais quoi qu’il en soit, il faut trouver là aussi un équilibre. Il faut mixer les sources diffuses et franches et travailler de façon assez libre et pas trop codifiées. J’aime le côté déconstruit de la lumière.» Autant d’idées lumineuses pour transformer son chez-soi de façon radicale, et pas seulement quand il fait noir…
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