Jean-Paul Knott, créateur de mode: « Je ne sais rien faire d’autre »

© Titus Simoens
Anne-Françoise Moyson

Depuis vingt-cinq ans, sous son nom, il crée des vêtements d’une rare élégance. Jean-Paul Knott (58 ans) a étudié la mode à New York, œuvré treize ans aux côtés d’Yves Saint Laurent, été directeur artistique de Krizia, Louis Féraud et Cerruti. Pour l’heure, il s’expose à Pékin au Musée d’Art Contemporain, présente son automne-hiver 25-26 à la Fashion Week parisienne et prépare l’anniversaire de sa maison, à fêter à la fin de l’année.

Tourner la page

On peut changer de carapace. Quand j’ai quitté Saint Laurent, cela faisait treize ans que tout mon vestiaire était siglé YSL, même mes draps de lit, mes serviettes-éponges, mes caleçons, mes chaussettes ou mes cravates, c’était presque devenu une blague. Puis, du jour au lendemain, quand je suis parti, j’ai tout mis à la poubelle, il le fallait pour tourner la page, c’était le passé, désormais.

Se construire

J’étais un garçon très sérieux. J’ai vécu en Angleterre durant mon adolescence — ce sont les années où on se construit une identité. Londres a laissé des traces en moi. J’y ai découvert Vivienne Westwood et sa boutique, c’était l’époque des punks, j’étais plutôt rockabilly. A l’époque, c’était la liberté, une vision du monde extrêmement ouverte, où tous les styles, tous les genres, toutes les possibilités d’êtres humains se mélangeaient. On retrouve un peu cela à Bruxelles aujourd’hui et c’est ce qui me plaît.

Durer

Un quart de siècle, c’est peu et beaucoup à la fois. C’est fulgurant et rien du tout en même temps. Cela fait vingt-cinq ans que j’ai créé ma marque et il n’y a jamais eu un seul moment de stable. Cela n’a été qu’une succession de hauts et de bas… Mais je ne sais rien faire d’autre. A part le ménage, qui me vide la tête. C’est le seul moyen pour moi de faire de l’ordre dans mes idées. D’ailleurs, tous les six mois, pour avoir une page blanche et recommencer une nouvelle saison, je jette. Je trouve pathétique de tout garder — les souvenirs, on les a dans la tête.

Faire de jolies choses

Le monde de la couture n’existe plus. Du moins celui que j’ai connu chez monsieur Saint Laurent. C’était merveilleux, on était peu nombreux, on était soudés même s’il y avait de temps en temps des mots et de la jalousie, mais chacun était dévoué corps et âme à essayer de faire plaisir et de rendre cet homme heureux. C’était aussi un monde où on ne m’a jamais parlé de chiffre d’affaires, la seule chose qu’on nous demandait, c’était de faire des choses jolies tout en nous expliquant que seul monsieur savait les faire.

Rester éveillé

Le travail occupe mes nuits. Je dors très peu, en moyenne 4 heures. Mon rythme s’est cassé, je ne suis jamais arrivé à m’en remettre, car pendant vingt ans, j’ai passé mon temps dans les avions, entre l’Europe et l’Asie. J’ai appris que si on veut échanger avec l’autre moitié du monde, il faut rester éveillé.

« Un vêtement ne devrait pas avoir de genre »

Vivre

Le Japon est le plus beau pays du monde. Mais en tant qu’étranger, j’insiste. Quand on n’est pas japonais, et je ne suis qu’un homme blanc, un gaijin, c’est l’endroit le plus doux pour vivre. Il y a là un respect des êtres humains, des plantes, des animaux, de l’eau, de la terre, du ciel, de la vie. Mais surtout, c’est un monde qui n’est pas monothéiste, lequel ne fait que provoquer des guerres et s’entretuer les gens.

Croire

Je crois en l’amour. C’est la seule chose importante dans la vie. Certes, quand on est jeune, c’est compliqué, c’est douloureux. Mais en vieillissant, on prend de la maturité et on arrive à gérer ses sentiments un peu mieux.

Dégenrer

Un vêtement ne devrait pas avoir de genre. Je n’ai jamais compris pourquoi il fallait faire la distinction. Cela n’a pas de sens. Quand j’ai lancé ma collection, on me posait sans cesse la question, je répondais qu’en 1962, Saint Laurent habillait la femme avec un smoking et qu’en 1982, Jean-Paul Gaultier faisait défiler des hommes en jupe et en robe bustier. Heureusement, la société évolue et la nouvelle génération a tout compris.

Etre ouvert

Je me sens citoyen du monde. J’aurais dû naître à Kinshasa mais j’ai vu le jour à Verviers, j’ai grandi à Londres puis à New York et j’ai longtemps travaillé à Paris. J’ai toujours eu du mal avec les nationalités et le fait de ranger les gens dans des cases. Je pense aussi que cela vient de mon éducation: mes parents ont essayé d’être des gens ouverts et ils nous ont expliqué, à mes deux sœurs et à moi-même, qu’on était tous égaux et qu’il y avait de la beauté partout.

jeanpaulknott.com

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