Le créateur Jean-Paul Knott s’expose au MAD Brussels

Jean-Paul Knott
© JP KNOTT + Julian Cerruti
Anne-Françoise Moyson

Cela fait 25 ans qu’il écrit la mode, la sienne, faite d’émotion et de respect. Depuis le début de ce siècle, le créateur belge Jean-Paul Knott signe des vêtements qui épousent le temps et les êtres. Pour fêter son anniversaire, il s’expose au MAD Brussels. Knott so Mad, une rétrospective élégante à voir absolument.

C’était il y a 25 ans, une éternité. Jean-Paul Knott lançait sa maison, à son nom, mais en accolant son prénom. Peu de mots et quelques intentions très claires – « faire des collections à collectionner » -. Un ancrage à Bruxelles, un élan vital qui le poussait alors à créer des vêtements pour les femmes et les hommes qui partageraient sa vision de l’intemporel, de la poésie, de l’allure singulière, du tissu qui caresse.

Depuis, en 50 saisons, Jean-Paul Knott a déroulé sa grammaire avec une élégance inébranlable. Voilà pourquoi, arrivé au tournant de ce quart de siècle, il s’est dit que peut-être cela valait la peine de marquer le coup, lui qui déteste les anniversaires. Il a donc investi les espaces blancs du MAD Brussels, avec son passé, son présent et son futur, avec ses archives qui n’ont pas pris une ride, avec ses envies créatives toujours présentes (« construire, déconstruire, reconstruire ») et avec une kyrielle d’amis artistes qui ont œuvré à ennoblir son vestiaire à nul autre pareil. Pour Jean-Paul, l’amitié n’est pas un vain mot. Il a donc tenu à mettre en lumière cette communauté d’artistes qu’il a réussi à agréger au fil du temps. Car il a toujours privilégié ces allers-retours, ces confrontations amicales, ces enrichissements mutuels. On reconnaîtra donc la signature de Cathy Coëz, Danny Venlet, Julian Cerruti, Italo Tavares, Denis Meyers, Rita S., Lina Karam, Mireille Roobaert, Ingrid Plater Syberg, Jean Claude Wouters, Jacques Weemaels, notamment.

Dès l’entrée, sur la Place du Nouveau Marché aux Grains, sur l’imposante vitrine du MAD Brussels, les lettres déliées de Denis Meyers préparent le terrain, il est ici question d’émotion, de transparence, de poésie, de partage, de sincérité et aussi de « fear », à traduire par « peur » –  « parce que la vie n’est pas simple, murmure Jean-Paul Knott, mais avec mon vêtement, j’essaie de simplifier la vie des gens ». « Être utile », dit-il encore dans un souffle. Interview

Vous fêtez vos 25 ans de mode avec votre exposition « KNOTT so MAD ». Qu’avez-vous conscientisé en la préparant?

Je pense que tout est écrit. Et l’on ne peut que suivre ce qui est écrit et faire en sorte que cela se passe le mieux possible.

Tout est écrit, cela veut dire qu’il y a une part de destin inéluctable?

Il y a une part de destin, c’est sûr… se trouver au bon endroit au bon moment… et une part de volonté aussi.

Avez-vous eu l’impression d’avoir été au bon endroit au bon moment?

Oui, j’ai travaillé pour la maison Yves Saint Laurent de 1986 à 1999, cela fait treize ans, c’est beaucoup. J’y suis arrivé comme petit stagiaire et j’ai grandi dans une jolie maison familiale dans un monde qui n’existe plus aujourd’hui.

Qu’avez-vous retenu de ces années passées auprès de Monsieur Saint Laurent?

C’est là que j’ai tout appris sur mon travail, sur le respect du tissu, sur le respect des gens. Et ma vision de comment faire un vêtement vient de là. J’essaie de travailler sur une garde-robe, qui évolue petit à petit. Et c’est cette vision là que j’essaie de montrer dans cette expo. Ma réflexion a toujours été la même depuis 25 ans : je fais des vêtements et je les mets dans une actualité ou en dialogue avec quelqu’un pour leur donner une autre réalité. Mon vêtement est donc dans une actualité, et souvent l’actualité de mes amis artistes.

Vous avez toujours privilégié les collaborations, en laissant le champ libre aux artistes auquel vous proposez une création à 4 mains…

J’ai toujours voulu créer un dialogue. Je pense que c’est important, le dialogue, surtout aujourd’hui, et je le pensais déjà à l’époque. Je crois l’avoir appris chez Saint Laurent parce qu’il y avait cette rigueur-là dans la volonté d’exceller à plusieurs, seul on n’arrive à rien. Et puis pour moi, c’était aussi ma manière de me ressourcer. Comme je voyageais tout le temps, que je n’étais jamais à la maison, c’était une façon de reprendre contact avec les gens, de nourrir des amitiés… Et ce qui est fascinant, c’est que tous les artistes que j’ai contactés pour participer à cette exposition ont dit oui tout de suite.

JeanPaul Knott, printemps-été 2002.

Quel était votre rêve en imaginant cette exposition?

Je n’avais pas de rêve, juste une idée. Mais je me disais que ce serait bien que je puisse revoir tous les gens avec qui j’ai collaboré pendant 25 ans. Je ne suis pas très anniversaire, même si j’avais fêté les dix ans de ma maison. Mais je trouvais qu’il fallait essayer de trouver un moyen de marquer ces 25 ans. C’était aussi une raison de refaire un point sur ce qui s’est passé… Et tenter de recréer mon monde fait du présent, du passé et du futur…

Ce que j’ai essayé de faire pendant 50 saisons, c’était non pas des vêtements qui étaient à la mode mais faire des vêtements et puis les mettre dans une actualité ou dans la mode qui me plaisait. Quand j’ai commencé, on trouvait ce genre de définition dans le dictionnaire : « à la mode » : « groupe de gens ayant la même sensibilité à un endroit précis et à un moment donné ».  Je m’étais dit plutôt que travailler après ça, je préférais mettre mon vêtement dans une autre actualité. Donc dans une autre sensibilité et toucher peut-être une autre cible, un autre style de personne.

Pour votre toute première saison en 2000, vous écriviez que vous aviez la ferme intention de « faire des collections à collectionner »…

C’était vraiment mon projet de départ : tu achètes une veste, une saison, le pantalon la saison d’après, la chemise la saison suivante et puis petit à petit, tu te fais ta collection.

Et 25 ans plus tard, avez-vous réussi à générer cette idée-là chez les femmes et les hommes qui s’habillent en JeanPaul Knott?

Je pense que j’ai réussi ce petit coup-là pour un créneau, pas énorme, petit. Mais c’était aussi un choix que j’ai fait un beau jour.

Avez-vous l’impression d’être le dernier des Mohicans?

Je ne pense pas être le dernier des Mohicans. Je prends mon temps dans mon fonctionnement, qui n’a peut-être rien à voir avec celui des autres. Si j’ai créé ma maison, c’est parce que je ne voyais pas pour qui d’autre je pourrais travailler après Yves Saint Laurent. Je ne me voyais pas choisir des coloris de moquette et de rideaux tout le reste de ma vie non plus. Il n’y avait que ce métier-là qui me plaisait. Après, il faut réfléchir à comment le faire de façon personnelle, différente. Et moi, je fais des choses parce que je les aime. Aujourd’hui, après 25 ans, je peux dire que j’ai trouvé mon alphabet, ma manière de parler. Et j’espère que c’est différent des autres…

Au bout de tant d’années, votre processus de travail a-t-il changé?

Il est identique et il a énormément changé. Quand j’ai ouvert ma boîte en 2000, je n’avais jamais ouvert un ordinateur. Mais ma manière de concevoir un vêtement n’a pas changé. C’est aussi peut-être parce que je suis un monsieur qui travaille depuis très longtemps. Ca fait presque 40 ans que je travaille et 25 ans que ma marque existe.

Ma manière de concevoir le vêtement entre hier et aujourd’hui n’a donc pas vraiment évolu. Mais tout le reste a évolué et est devenu plus important même que la création…  Chez Saint Laurent, on ne m’avait jamais parlé d’un business plan, de chiffres d’affaires.. On me demandait juste de faire des jolies choses – c’est assez magnifique comme manière de voir le monde ! Mais des décennies plus tard, le monde n’est plus comme ça…

JeanPaul Knott, printemps-été 2014

« Faire des jolies choses… », qu’est-ce pour vous?

C’était la manière dont les gens parlaient à l’époque… Une jolie chose, c’est faire quelque chose en harmonie avec ce qui est autour. C’est vraiment la manière dont j’ai été formé chez Saint Laurent. On essaie d’accompagner sa cliente durant tous les moments de sa vie. C’est plutôt une histoire de construire une garde-robe, ou comment faire des vêtements qui peuvent avoir cette utilité-là.

Et de là, on réfléchit à ce qu’on met dans une garde-robe. On réfléchit à son pantalon, à sa robe, à sa chemise blanche, à son manteau. Et puis je pense que chaque individu a son style de vêtement qu’il aime… Je vais donc créer des vêtement pour les gens que j’imagine ou que je connais, en réfléchissant à leur vie, donc à ma vie aussi… Quelque part faire une collection, c’est écrire un roman. Et moi, je préfère façon Proust ou même Balzac… En langage Netflix, je suis plutôt série longue.

Votre découverte du Japon a également influencé votre manière d’être et de créer …

J’ai appris au Japon le respect de la matière et le respect des gens et de soi-même. L’Asie m’a appris que seul, on est moins fort qu’à plusieurs. Et puis surtout, et ça a été un moment important dans ma vie, j’ai pu essayer de comprendre le kimono. C’est l’un des plus anciens vêtements au monde, qui s’adapte à tous les corps avec une seule taille, sans jamais être coupé. Et on y trouve cette réflexion d’éco-responsabilité et de transmission de génération en génération. Cela m’a fait réfléchir à la façon de faire des vêtements où il n’y a rien d’inutile.

Cette expo marque-t-elle la fin d’un chapitre et le début d’un nouveau?

Je ne me suis pas posé la question… Est-ce le début d’autre chose? Je ne sais rien faire d’autre.

Knott so MAD, rétrospective de JeanPaul Knott au MAD Brussels, Place du Nouveau Marché aux Grains, 10 à 1000 Bruxelles. Du 28 novembre 2025 au 31 janvier 2026.

Prolongez votre visite, avec une halte chez Stijl, rue Dansaert, où Sonja Noël rend hommage à sa manière au travail de Jean-Paul Knott. Puis arrêtez-vous à l’Hôtel Amigo, rue de l’Amigo, qui expose les sublimes aquarelles de Jean-Paul Knott. Son trait poétique, noir et blanc, esquisse son printemps été 2026 avec une beauté, une fragilité émouvante.

Jean-Paul Knott en bref

1966 Naissance à Verviers
1984 Etudie la mode au Fashion Institute of Technology de New York
1986 Entre chez Yves Saint Laurent
2000 Fonde la maison JeanPaul Knott
2001 Nommé directeur de la création chez Krizia
2002 Crée les costumes pour le Béjart Ballet
2004 Inaugure sa première galerie et des chemises-poèmes avec Esther Henwood
2007 Nommé directeur artistique de Cerruti 1887
2011 Collection Knott au Japon
2021 Inaugure son nouvel atelier-boutique au cœur du quartier Brugmann
2025 Fête les 25 ans de sa maison avec une exposition Knott so MAD, à Bruxelles.

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