En février 2026, le rideau tombera définitivement sur Graanmarkt 13 à Anvers. Le restaurant du même nom, installé dans l’élégante maison de maître de la Graanmarkt, avait déjà fermé ses portes en octobre dernier. Bientôt, ce sera également le tour du concept store iconique, qui vient d’annoncer la nouvelle sur sa page Instagram.
« Ne pas s’aigrir »
«Lâcher prise est une montagne russe émotionnelle», confie Ilse Cornelissens, qui a fondé la boutique avec son mari Tim Van Geloven. « Graanmarkt 13 est né de rien, façonné par nous et par nos goûts. Je chéris tout ce que j’ai appris en collaborant avec des personnes comme Vincent Van Duysen, Base Design, Seppe Nobels et tant d’autres. Mais au final, plusieurs raisons nous ont poussés à prendre cette décision.»
Ils ont toujours aimé le changement, explique-t-elle. «Nous avons toujours dit que nous ne ferions pas cela pendant vingt ans, afin de ne pas nous aigrir. C’était déjà le cas en 2007, lorsque nous avons acheté le bâtiment. Depuis l’ouverture en février 2010, nous avons évidemment vécu énormément de choses, avec toutes les joies et les difficultés imaginables.»
Les années post-Covid ont été particulièrement ardues, reconnaît-elle. « C’était enthousiasmant de construire tout cela, de créer un lieu en collaboration avec tant de personnes. Mais nous sentions aussi que Graanmarkt 13 avait constamment besoin de nous. Cela devenait oppressant. Et lorsque l’envie disparaît peu à peu, il est temps d’y mettre un terme. »
Graanmarkt 13, un « château de cartes »
À cela s’ajoute le fait que le duo a vendu le bâtiment en 2017 à une société d’investissement et paie depuis lors un loyer. « Tous les trois ans, nous devions donc prendre une décision majeure concernant notre avenir », poursuit Cornelissens. « Nous sommes aujourd’hui arrivés à un point où il nous semble plus stimulant de tout recommencer à zéro. De tout laisser derrière nous et de retrouver notre liberté, avec toutes les expériences du passé, mais sans le poids que représente le secteur exigeant du retail et de l’horeca. »
Nous savons par expérience ce que signifie dire adieu à une grande maison et se retrouver soudain avec toutes ses affaires
Ilse Cornelissens
Commercialement, la boutique se portait bien, insiste-t-elle. « Malgré les circonstances difficiles, le chiffre d’affaires était en hausse ces dernières années. Mais pour la partie horeca, nous n’avons plus trouvé les bonnes personnes l’an dernier. Le château de cartes qu’était Graanmarkt 13 s’est alors effondré, car la boutique devait soudain assumer seule tous les coûts financiers. »
Vente aux enchères
Avant la fermeture définitive, Cornelissens et Van Geloven organiseront, sous le titre Beautiful Chaos, une grande vente du mobilier intérieur chez Bernaerts, la maison de ventes aux enchères anversoise. Le 3 décembre, plus de deux cents lots y seront proposés. Des journées de visite auront lieu du 27 au 30 novembre dans la boutique et dans l’appartement situé au-dessus. Le scénographe Bob Verhelst, collaborateur régulier de Graanmarkt 13, créera une scénographie adaptée pour l’occasion.
« L’idée de cette vente s’inspire d’une initiative similaire de l’architecte d’intérieur Gert Voorjans, qui avait tout vendu chez Bernaerts sous le titre Never stop starting. Et nous savons, de notre propre expérience, ce que signifie quitter une grande maison et se retrouver face à toutes les affaires accumulées au fil du temps. Les stocker quelque part, cela ne nous correspond pas. Il est plus juste de les laisser partir et de les partager avec toutes celles et ceux qui appréciaient Graanmarkt 13 et notre esthétique. Nous espérons qu’elles trouveront ailleurs une belle place, et que les gens repenseront ainsi à la maison. »
Pièces maîtresses
Les lots phares comprennent notamment le foodtruck de l’ancien restaurant de Graanmarkt 13 ainsi qu’une Jaguar E-Type de 1967, estimée entre 90 000 et 110 000 euros.
La vente inclut également presque tous les meubles, œuvres d’art et objets que Cornelissens et Van Geloven ont rassemblés depuis 2007 : des chaises de bureau, des luminaires, des tapis… Les pièces proviennent du restaurant, de la boutique et de l’appartement. Parmi elles, des œuvres de Ben Sledsens et Denis Tyfus, ainsi qu’un meuble mural de Dimore Studio. Seront aussi mis aux enchères un dressoir en bois, une table et un lustre de l’architecte italien Vincenzo De Cotiis, ainsi que des bancs de jardin signés Vincent Van Duysen.
Nous approchons de la cinquantaine et nous nous demandons ce que nous voulons encore accomplir.
Ilse Cornelissens
«Les pièces les plus difficiles à laisser partir sont celles liées à des personnes», confie Cornelissens. «Je pense aux chaises du restaurant, témoins d’innombrables conversations, mais aussi au canapé de De Cotiis qui trônait au centre de la boutique, où les clients lisaient le journal pendant que leurs proches faisaient du shopping.»
Avenir
Bonne nouvelle pour les admirateurs de Graanmarkt 13 : la boutique en ligne continuera à exister. « Nous y proposerons une sorte d’essence de ce que nous avons toujours représenté », précise Cornelissens. « Par exemple la vaisselle blanche du restaurant, les pièces d’intérieur de Michaël Verheyden et les produits de Santa Maria Novella. En revanche, nous tournons définitivement la page de la mode.»
Quant à ce que l’avenir leur réserve, elle préfère rester prudente. « Tim et moi sommes presque quinquagénaires et nous réfléchissons à ce que nous voulons encore accomplir. J’ai confiance dans le chemin qui mène à cette nouvelle étape, mais nous n’avons pas encore toutes les réponses. »
Immobilier
Ce qu’ils préfèrent avant tout, c’est redonner vie à des lieux en déclin. «Rendre une maison à nouveau belle, y insuffler notre personnalité, puis la revendre. Nous l’avons déjà fait plusieurs fois et cela a été financièrement intéressant.»
Ce type de projets immobiliers continue de les séduire. «L’avantage, c’est que nous pouvons le faire ensemble, sous la bannière de Graanmarkt 13 — car nous conservons ce nom fort. J’ai également travaillé dans le passé dans le domaine du droit pénal des mineurs. Un projet social lié à la jeunesse pourrait donc aussi m’attirer. Mais il n’y a pas de masterplan. Commençons par clore élégamment l’histoire de la boutique physique.»
Journées de visite du 27 au 30 novembre à Graanmarkt 13, 2000 Anvers. Vente aux enchères le 3 décembre chez Bernaerts. graanmarkt13.com, bernaerts.eu.
