Elles sont chanteuses, la trentaine en beauté. Toutes quatre s’imposent, chacune à leur manière, dans un milieu musical, par excellence, masculin. Rencontrées à domicile Claudia, Stéphanie, Françoiz et Karin nous parlent aussi de Bruxelles. cette drôle de séductrice qui leur rend bien la pareille.

Claudia pop sucrée

Son CV. Claudia Chiaramonte de Starving, 30 ans, est petite-fille d’immigrés italiens. Elle a trouvé dans  » l’ennui profond  » de Saint-Ghislain, matière à écrire des chansons et à former Starving, groupe pop débridé, dont elle est aujourd’hui la chanteuse et le principal repère scénique. Cette autodidacte est également prof de dessin  » pour adolescents « . C’est à eux que s’adresse aussi le second album de Starving, Les Confidences d’Annabelle (Bang !)

La musique.  » Dans les textes, j’aime jouer avec le côté sensuel, sexuel. C’est le travail de composition qui me plaît, je suis ambitieuse. Trop (rires). Je ne me projette dans aucun titre : Annabelle, ce n’est pas moi. C’est comme un prestidigitateur et sa marionnette.  »

Les hommes.  » Généralement, je m’entends mieux avec les hommes parce que je n’aime pas trop le côté fifille-fofolle et les discussions sur les bébés et les feuilletons télés (sic).  »

La scène.  » J’y ai une sensation physique assez forte, c’est jouissif. Si je pouvais y rester des heures, je le ferais. J’aime bien les clubs : quand c’est plus grand, c’est plus froid, différent.  »

La séduction.  » Mon père est né en Sicile, dans une culture très macho. J’ai assez mal vécu tout cela et, au début, je répétais en secret, j’étais le vilain petit canard de la famille. Je le suis encore puisque je ne suis toujours pas mariée et suis sans enfant. Bizarrement, quand mon père m’a vue en scène, il m’a un peu mieux comprise. Ma mère ? Elle plane et collectionne les coupures de presse.  »

Une confidenceà » Je suis toujours maquillée comme celaà Je fais attention à la façon dont je m’habille, avec l’idée que la scène est un spectacle, je m’y sens comédienne.  »

Bruxelles ma belle.  » J’aime Saint-Gilles, son côté serein, familial.  » Avec son compagnon, Claudia vit dans un classique trois-pièces bruxellois. Lumineux et plutôt dépouillé.

Stéphanie fille porcelaine

Son CV. Elle aura 32 ans en juillet. Stéphanie Croibien a quitté son village frontalier pour étudier le stylisme à La Cambre, à Bruxelles. Elle travaille dans le milieu des costumes de spectacle et puis apparaît, au début de cette année, en chanteuse délicate sur le très joli disque gainsbourgien de Liben ( Tout va disparaître, Bang !).

La musique. L’écriture de textes est avec le yoga, sa position favorite.  » Pour moi, l’essentiel, est de ressentir cette chose très subtile, intérieure, qui doit faire sortir les mots des textes. J’aime aussi décortiquer les mots, débusquer les sens cachés. Et j’aime bien les gens qui travaillent par couches, les couches de voix aussi d’ailleurs.  »

Les hommes.  » J’ai une chouette place parce que je suis la seule fille du groupe. Les musiciens et Liben m’apprennent plein de choses même si je n’arrive pas à comprendre quand ils parlent de machines (rires). J’ai l’impression que les filles font davantage le tour des choses, s’occupent du timing. Les filles font dix mille choses en même temps, les garçons, non. Des études attestent de cela (sic).  »

La scène.  » Je ne m’y sens pas actrice, je ne peux pas  » mimer  » les situations. J’y suis plutôt détendue même si je dois et veux faire bien. C’est un défi mais on est du bon côté « à

La séduction.  » Je serais plutôt naïve. Je pense qu’il faut libérer les mots, les interpréter en douceur. On parle d’amour, cela peut toucher. On est à cinq sur scène et j’ai l’impression de vivre le début d’une histoireà Mais séduire ou être séduite par un spectateur ? Il faut connaître les gens pour tomber amoureux, non ?  »

Une confidenceà » Je ne sais pas trop où je vaisà Je me vois assez bien dans un pays nordique plutôt que dans le Sud, je veux garder mon teint de porcelaine (rires).  »

Bruxelles ma belle. Stéphanie va quitter l’appartement sous les toits qu’elle occupe pas loin de la Porte de Hal. Va déménager vers une autre destination bruxelloise. Seule ? C’est, pour l’instant, son secret de jeune fille.  » Je suis contente de ne pas habiter au centre-ville parce que dans ce cas-là, les copains passent tout le temps à la maison, et puis le bruit, les bagarres, la pollution, non.  »

Françoiz Breut brune pas prune

Son CV. Née en décembre 1969 à Cherbourg, cette brunette au sourire généreux, nous offre l’une des chansons les plus audacieuses du moment. Avec, sur son quatrième album solo paru à l’automne ( A l’aveuglette, chez Bang !), des textes insulaires qui lui ressemblent. Elle a mis un peu de temps à ne plus être  » l’ex de  » (de Dominique A, en l’occurrence) mais a fini par trouver un public étonné par cette Françoise Hardy new wave. Cette jolie frimousse d’héroïne de BD dessine, très bien, des personnages mirifiques à destination des enfantsà

La musique.  » Je vivais avec Dominique A. Il partait beaucoup en tournée, j’ai eu envie de le suivreà Le voir en scène m’a poussée un petit peu en avant. Je l’ai accompagné sur certains titres ( NDLR : ensemble, ils chantent Le Twenty-two bar, un tube en 1995) et puis est venue cette envie de faire des groupesà  »

Les hommes.  » Quand j’étais en tournée avec Dominique A, je me souviens d’un régisseur qui me considérait juste comme une pauvre suiveuse (rires). Aujourd’hui, le fait de ne pas être musicienne, de ne pas savoir lire la musique, c’est difficile. Et travailler uniquement avec des hommes exige de savoir gérer les egos. Si je n’ai jamais travaillé avec des filles, c’est juste une question de rencontresà La chanson Nébuleux bonhomme est ma manière de chanter le désir de ne plus souffrir.  »

La scène.  » Je m’y sens comme poussée par un réacteur, comme si j’avais un peu le feu aux fesses. Ce qui ne se produit pas forcément lors des meilleurs concertsà  »

La séduction.  » Je n’ai pas une âme d’actrice, j’ai beaucoup de mal à jouer. En concert, je n’ai toujours pas appris à communiquer avec le public (rires). Mais j’essaie de transmettre du plaisir. En même temps, le silence est important : je ne suis pas là pour raconter ma vie, même si je savais le faire (rires). Quand on me dit  » Je vous aime « , je le prends au sens artistique.  »

Une confidenceà » A l’époque de mon second disque, celui qui a le plus marché, j’étais chez Labels ( NDLR : maison de disques française) et le directeur artistique voulait absolument que j’enchaîne très vite sur un troisième disque. Je suis tombée enceinte de mon second enfant et le lui ai annoncé, un soir à l’Olympia. Il a fait une de ces têtes ! Peu après, je me suis fait virée de chez Labels (rires).  »

Bruxelles ma belle. Françoiz vit avec son compagnon et ses deux enfants dans un appartement en béton/bois au c£ur de Bruxelles.  » J’habite à Bruxelles depuis huit ans, par amour. J’y ai une première fois résidé entre 1993 et 1995, avec Dominique A, et je n’ai pas du tout supporté cette ville. Pendant deux ans, j’ai seriné mon amoureux pour repartir en France, et puis, je me suis adaptée. Maintenant, j’adore, c’est tellement riche au niveau culturel, même si le centre manque d’espaces verts.  »

Karin Clercq fatale blonde

Son CV. Premier Prix d’art dramatique et de déclamation au Conservatoire royal de Liège, Karin Clercq (1972) n’a pas grand-chose à voir avec la comédienne fantasmée, sauf peut-être ce croisement plastique de jeune Catherine Deneuve et d’Emmanuelle Béart. Le profil qu’aurait pu caster Claude Sautet dans ses comédies seventies. Une grande fille nature qui se rappelait d’elle comme d’un garçon quasi manqué. Pour son troisième album, La Vie buissonnière (Bang !), Karin retrouve le charme de ses premières esquisses, sous forme de pop ravageuse, notamment avec les guitares inspirées du talentueux Geoffrey Burton (Arno, Bashung).

La musique.  » Cela a commencé par hasard. Parce que j’ai chanté un morceau de Leonard Cohen au lycée, une fille m’a demandé de faire la même chose dans son court-métrage. Et puis j’ai rencontré Guillaume Jouan, le guitariste de Miossec. On a fait deux albums ensemble. Sur le second, j’ai l’impression qu’on s’est un peu perdu en chemin.  »

Les hommes.  » Ce que j’aime dans la sphère musicale, c’est justement le côté masculin, franc du collier, parfois brut et bourru. Je m’y sens bien. Davantage que dans un milieu où il y a énormément de femmes. J’adore me retrouver dans le camion, avec mes cinq musiciens, tous des hommes, en tournée. On raconte des bêtes blaguesà Et puis les stations-service, les sandwiches, j’adore. Parfois, je m’installe au fond du camion pour piquer un roupillon en écoutant ce que les mecs racontent (rires). Pas de doute, la présence d’une fille change la balance chimique : cela amène un soupçon de courtoisie.  »

La scène. «  Sur scène, je ressens quelque chose au niveau du bassin et du ventreà Un tremblement de terre permanent. Si le concert prend, cela me permet de me lâcher complètement : il y a quelque chose de l’ordre de l’orgasme, de saut dans le vide. Chanter sur une scène ses propres textes est un plaisir grisant, toujours trop court ! J’essaie de ne pas la jouer aguichante sans pour autant m’habiller d’un sac poubelle.  »

La séduction.  » Le rapport à la séduction est venu assez tard. Je suis entre ombre et lumière et c’est dans les allers-retours entre les deux, que je tisse ma toile.  »

Une confidenceà » Formatée ? J’ai toujours été frileuse à l’idée d’être formatée. Plus jeune, j’ai eu des propositions pour jouer dans des sitcoms, mais j’ai décliné. J’ai habité un an en Thaïlande et là, j’ai fait des catalogues de lingerie mais le formatage ne cadre pas avec moià Devenir mannequin, cela n’aurait pas collé.  »

Bruxelles ma belle. Karin habite un duplex coloré avec homme et (deux) enfants à Auderghem. Vue imprenable sur les toits de tuile rouge.  » En 1996, je suis revenue habiter à Bruxelles, où je suis née, après un séjour à Louvain-la-Neuve. Ici, c’est plus calme, plus familial, mais ce qui me manque, c’est peut-être le côté plus socioculturel, mélangé, de la place Flagey où j’habitais autrefois. Je suis issue de la bourgeoisie intellectuelle – mon père est architecte – mais j’ai toujours un côté bohème « .

Propos recueillis par Philippe Cornet

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