C’est une île grecque à la virginité préservée des foules. Dont le luxe est la simplicité et l’authenticité. Amorgos est une destination de rêve pour voyager autrement.

S ans le savoir, nous sommes des millions à avoir déjà vu Amorgos, à tout le moins un de ses joyaux, le monastère de Panaya Khozoviotissa. L’apparition de cette étonnante construction, suspendue aux parois rocheuses plongeant à pic dans la Méditerranée, a été furtive, mais bien réelle, dans les premières images du film  » Le Grand Bleu  » de Luc Besson. C’est en effet là que le réalisateur a imaginé l’enfance de Jacques, le personnage principal interprété par Jean-Marc Barr.

Seize années ont passé depuis l’événement. Les cinq semaines de tournage de Luc Besson et de son équipe n’ont guère laissé de traces à Amorgos. Certes, les premières années, quelques grappes de touristes ont fait le détour par ici mais sans pour autant donner naissance à un flux significatif.

Amorgos, l’île la plus orientale des Cyclades n’a donc guère changé au fil du temps. Ce bout de rocher de 121 km2 est resté ancré en mer Egée, à une dizaine d’heures de traversée du port du Pirée, point de passage obligé d’une incursion dans la plupart des îles grecques. On l’atteint grâce à un bateau, moderne et confortable, qui fait escale à Naxos, Koufonisi ou Donoussa. Avant d’accoster à Aighiali ou Katapola, les deux ports de l’île.

A peine débarqué, une certitude s’impose : Amorgos est tout entière dédiée au bonheur simple. Longue de 33 km, large de 3,5 à 9 km, dans ses plus gros renflements, l’île est immergée entre l’azur du ciel et le bleu des eaux. Et elle semble s’y être endormie, loin du tourisme de masse. Le seul établissement d’envergure, l’hôtel Aegialis, compte une cinquantaine de chambres. En dehors des mois d’août, qui voit les Grecs en villégiature affluer sur l’île, les villages vivent au ralenti, accueillant un tourisme clairsemé, en quête surtout de nature et de grandes promenades sur les sentiers pédestres. Avant que l’hiver revienne, laissant les quelque 1 600 habitants riches de légendes dans leur isolement au milieu des oliviers.

Cinq mille ans avant notre ère, les îles de la Méditerranée représentaient déjà des points stratégiques importants pour les premiers navigateurs et commerçants. Occupant une position clé entre la Grèce et l’Asie Mineure, Amorgos dispose, pour les conquérants de tout poil, d’un atout majeur : le golfe de Katapola. Couloir pénétrant dans les terres, il permet aux bateaux des premiers marins d’accoster aisément et d’en contrôler l’accès depuis chacune des rives opposées.

Dès 3 000 ans avant Jésus-Christ, émerge une civilisation cycladique évoluée qui a laissé pas moins de 12 acropoles réparties sur toute l’île. Les petits objets d’art exhumés des tombes, dont des statuettes d’une rare beauté, témoignent d’un savoir-faire remarquable. Mille ans plus tard, la Crète colonise l’île et y développe, autour de Katapola, la région de Minoa. Elle est délogée par un nouvel envahisseur mille ans plus tard qui débarque de l’île voisine de Naxos. La société se structure, notamment par le regroupement des habitations en hameaux, puis en bourgades.

Le dernier millénaire avant notre ère confirme, lui, Amorgos comme n£ud de communication. Trois cités souveraines et indépendantes se développent avec pour base la navigation, le commerce, et l’artisanat. Les tuniques amorgiennes, subtilement transparentes, séduisent les belles Athéniennes du ve siècle avant Jésus-Christ. Les £uvres architecturales, la sculpture et la poterie se développent. Les temples dédiés aux dieux se multiplient. On construit même un stade et un gymnase sur les hauteurs de Minoa. Les traces de ce prestigieux passé sont éparpillées aujourd’hui sur Amorgos car les fouilles, ici, ne font que commencer. On peut en apprécier les premiers résultats dans le petit musée de l’île.

L’ère chrétienne verra, elle, débarquer à Amorgos les Francs, les Turcs, les Vénitiens, les Sarrasins et les Byzantins qui élèveront, en 1088, le fameux monastère de Panaya Khozoviotissa. Monument le plus visité d’Amorgos, Panaya Khozoviotissa est particulièrement vénéré au moment de la pâque orthodoxe. La semaine qui la précède est l’objet d’une ferveur particulière. Emmenée à un train soutenu par un ou plusieurs popes, une procession parcourt l’île de part en part, suivie d’un chapelet de croyants. Les plus importantes icônes du monastère sont ainsi littéralement promenées dans le paysage chaque jour pour faire halte le soir dans une église ou une chapelle à chaque fois différente.

Insulaire et romantique, Nikos Vassatos apporte tous les jours de l’année la preuve que vie locale et tourisme peuvent faire bon ménage. Son petit hôtel propose une vingtaine de chambres d’hôtes réparties dans plusieurs maisons dont les terrasses en toiture offrent une vue imprenable sur la baie d’Aegiali. La cuisine de Nikos, considérée comme la meilleure d’Amorgos, est réalisée avec l’huile d’olive qu’il produit. Tous les matins, sa mère confectionne dans les petits paniers traditionnels le fromage frais réalisé avec le lait des chèvres de son père. Et Nikos est fier de montrer le potager ou le poulailler qui alimentent en matières premières ultrafraîches son garde-manger.

Pour garantir le développement harmonieux de cet environnement, il faudrait d’autres Nikos encore. C’est sans doute ce dont rêve Nikolaos Fostieris, le maire de l’île. Elu sur la base d’un programme écologiste û bien qu’il se défende de cette étiquette û cet ancien capitaine de la marine nationale s’est notamment opposé à la construction d’une marina.  » Une telle infrastructure massacrerait une partie de nos côtes, sans doute la plus belle. Et elle ne serait de toute manière occupée qu’en août, lorsque les Grecs viendraient y mouiller leurs bateaux. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un tourisme qui s’accorde avec la nature et la vie d’Amorgos. Pas de vendre notre âme.  »

Reportage : Jean-Pierre Gabriel

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