Mobilier calciné, recouvert de tissu Tudor, de moumoute ou de peinture dorée ; photographie XXL et tapis 3D en trompe-l’oeil, reproductions baroques et Bleu de Delft… Pas de doute, nous sommes chez Moooi, l’excentrique éditeur néerlandais venu bousculer le design il y a quinze ans déjà. Ce label turbulent, volontairement en dehors des conventions, entame aujourd’hui une nouvelle étape de son parcours, après avoir vu s’en aller l’un de ses co-fondateurs historiques. L’occasion pour Robin Bevers, nouvellement aux commandes, de nous parler de son travail… et surtout de sa ville.

ÉCHAPPÉ DU MONDE CORPORATE

 » J’ai pas mal bourlingué, notamment dans l’environnement désespérément barbant des grandes entreprises – et comme vous pouvez le constater, je ne pratique pas le politiquement correct, si je pense quelque chose, je le dis. Après mes études et ce passage dans le monde corporate, Marcel Wanders (NDLR : cofondateur de Moooi, avec Casper Vissers aujourd’hui parti) m’a convaincu de quitter ce triste milieu pour venir m’éclater avec lui dans l’industrie créative. Il l’a fait en deux temps : d’abord il m’a démontré que je perdais mon temps dans les grosses boîtes, et après, il m’a dit « Pourquoi est-ce que tu ne bosserais pas avec moi ? » C’était très malin de sa part.  »

MARCEL WANDERS, LE COMPLICE DE TOUJOURS

 » J’ai une confiance inconditionnelle en Marcel Wanders, c’est pour ça que ça a si bien marché pour nous pendant les dix ans de notre collaboration au sein de son studio, et que j’ai ensuite accepté ce poste chez Moooi. La chose la plus importante qu’il m’ait apprise, c’est que rien n’est impossible. Rien ! Quand on veut, on peut. Et c’est absolument vrai. Tout ce que tu désires accomplir, tu l’as déjà en toi ; si tu l’as imaginé, tu sais le faire. Ce n’est qu’une question de priorités, la poursuite d’un objectif demandera peut-être de nombreux sacrifices, mais ça reste possible.  »

L’ANNÉE ÉCOULÉE

 » C’est vrai que cela fait déjà un an depuis mon arrivée, il faut fêter ça ! Les douze mois écoulés ont été géniaux, très intéressants même si ma vie sociale en a pris un coup. Pour moi, c’était un grand challenge de succéder à Casper Vissers. C’est une autorité dans le milieu. Nous sommes deux personnes différentes, donc nous ne nous concentrons pas sur les mêmes choses. Casper est un pur entrepreneur. Avec Marcel, il a fondé la compagnie en partant de zéro, c’est un vrai bâtisseur. Or, chaque entreprise traverse un certain nombre de phases et d’étapes, et Moooi était arrivé à un palier demandant un peu plus de management. Mon job, c’est de pérenniser et de nourrir ce qui a créé, d’en faire un socle sur lequel construire notre futur. Et peut-être de professionnaliser certains aspects de notre structure.  »

UN ART DE VIVRE

 » La société double de taille chaque année, donc il faut maintenir la croissance ; c’est très important de conserver cette dynamique. Ensuite, on veut développer l’identité de l’entreprise en tant que marque. Il ne s’agit pas que de meubles, de luminaires ou de tapis, mais d’un art de vivre. Nous pouvons devenir cent fois plus grand dans une décennie si on s’y prend bien, le potentiel est illimité. On a déjà quelques idées, mais il est un peu trop tôt pour en parler. Désolé !  »

DIRIGER MOOOI : FACILE OU DIFFICILE ?

 » C’est surtout plus fun qu’ailleurs. C’est une équipe de personnes talentueuses, liées par une culture commune et dévouées à leur boulot. Elles ne dépendent pas d’un gars au sommet de la hiérarchie qui leur dicte ce qu’elles doivent faire . Elles m’aident, je les aide, et ensemble on va dans la même direction. D’accord, ça, ça sonne affreusement politiquement correct (rires). Mais c’est vrai. Même dans une entreprise comme la nôtre, il y a néanmoins des règles. Mais elles ne sont pas gravées dans le marbre. Il ne faut pas oublier de s’amuser. Notre leitmotiv : « Stop the boring business. » C’est la raison pour laquelle la société a vu le jour : Casper et Marcel en avaient marre, toute l’industrie devenait ennuyeuse. Toutefois, ça reste du business, on veut croître et il faut financer cette croissance, donc les résultats doivent suivre. Mais la frontière est très ténue entre ce qui sera une réussite ou un flop. Est-ce que l’on ne veut que des produits qui se vendent bien ? Non ! On veut avoir une collection, qui puisse montrer nos différentes facettes, l’harmonie et la rébellion, tout en meublant les maisons.  »

UNE IDÉE DE LA DURABILITÉ

 » Quand on voit les premières créations, les campagnes photo datant des débuts, en 2001, une chose saute aux yeux : ça ne vieillit pas. C’est notre idée de la durabilité, faire quelque chose que les clients n’aient pas envie de jeter. Les gens achètent des biens neufs parce qu’ils se lassent de ce qu’ils possèdent déjà. C’est pourquoi on ne cherche pas à être à la mode.  »

UN MOT SUR LES NEWS

 » Tout a été présenté à Milan lors du Salone, et le fait d’avoir séparé le show en deux, avec une piazza consacrée aux nouveautés, et derrière les rideaux, notre catalogue existant, a montré toute la richesse de celui-ci. Je tenais à valoriser ce que nous avions déjà, ce qui n’est pas neuf, mais qui est presque plus important que les news – même si on a eu quelques gros hits cette année, comme le Perch Light, le Compression Sofa ou le Dancing Sofa. Evidemment, on fera quelque chose de complètement différent pour l’an prochain. On vient de tomber d’accord sur un concept, c’est un événement sur lequel on bosse tout au long de l’année. Pour nous, c’est comme Noël et Nouvel An en même temps.  »

UN COUP DE CoeUR

 » Chacun a son préféré. Pour moi, un bon produit, c’est une chose qu’on continue à remarquer quand on l’a chez soi ; celui qu’on ne voit plus après un certain temps sera peut-être « bien », mais à mon sens, ce n’est pas suffisant. Par exemple, j’ai trois grandes suspensions Valentine, créées par Marcel Wanders, au-dessus de ma table de cuisine. Quand je me lève le matin, j’ai une heure rien qu’à moi pour déjeuner tranquille et lire mon journal. Ce temps, je le passe en compagnie de ces luminaires – tous les jours, je les regarde et ils me font encore leur petit effet. Pour en revenir à ce que je préfère dans le catalogue, j’adore l’Arion, le cheval à bascule de Marcel. Mais moi, j’habite à Amsterdam, il ne rentre pas dans mon salon.  »

MOURIR À AMSTERDAM

 » Je vis ici depuis la fin des années 80 mais j’ai grandi à la campagne, à la frontière allemande. Plus tard, j’ai fait mes études à Barcelone, puis retour à la campagne, et enfin, je me suis installé ici. Et vous savez quoi ? Je crois que je vais mourir ici. J’adore la qualité de vie que l’on retrouve dans une ville comme Amsterdam. Il y a une telle « vibe », il se passe énormément de choses, et en même temps, on peut y habiter très tranquille, comme dans un village. Et le centre est encore occupé, ce n’est pas Los Angeles. Est-ce que l’image de Moooi est liée à cette cité ? Son esprit très ouvert et irrévérencieux lui correspond particulièrement bien, c’est vrai. Mais plus que ça, je dirais que notre label s’accorde aux grandes métropoles, c’est une marque urbaine. On vient d’ailleurs d’ouvrir une boutique à Tokyo et elle s’intègre parfaitement à son environnement.  »

PAR MATHIEU NGUYEN

 » TOUT CE QUE TU DÉSIRES ACCOMPLIR, TU L’AS DÉJÀ EN TOI ; SI TU L’AS IMAGINÉ, TU SAIS LE FAIRE.  »

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