Les Américains le surnomment  » Big Sky Country « . Ici, la nature est reine : forêts insondables, rivières gorgées de truites, falaises abruptes… Le Montana est un pays à vivre de l’intérieur.

Guides pratiques en page 82.

Nées il y a 65 millions d’années, les Montagnes Rocheuses traversent tout le continent nord-américain depuis l’Alberta au Canada jusqu’au Nouveau-Mexique sur près de 5 000 kilomètres. Cette longue chaîne, qui alterne montagnes et grandes plaines, représente la ligne de partage des eaux : à l’ouest, les cours d’eau dévalent vers l’océan Pacifique et à l’est, ils se dirigent vers l’océan Atlantique. Au sud des Etats-Unis, les Etats du Colorado et de l’Utah recèlent des curiosités géologiques spectaculaires qui font courir les touristes du monde entier. Mais c’est oublier que les Rocheuses centrales qui chevauchent les Etats du Montana et du Wyoming abritent, eux aussi, de multiples trésors : paysages grandioses et réserves naturelles sans parler de tous les ingrédients qui alimentent le mythe du western.

Ni le Montana ni le Wyoming ne sont jalonnés de sites touristiques incontournables. Ce sont des régions à vivre de l’intérieur. Un immense musée à ciel ouvert. Le décor grandiose, multiple et sauvage des Rocheuses abrite les traditions encore vivaces du Far West. Dans le nord-ouest des Etats-Unis, la chaîne de montagnes trace une interminable muraille de granit hérissée de cimes dentelées et enneigées où se nichent des lacs glaciaires scintillants. La nationale qui relie Cody dans le Wyoming à Missoula dans le Montana part se perdre dans de profondes forêts de sapins, puis s’insinue dans de belles vallées verdoyantes où coulent d’impétueux torrents. Le paysage s’ouvre alors sur des contreforts rocheux arrondis où surgissent de petits villages de maisons en bois cernées de corrals, de champs cultivés et de prairies où paissent des chevaux. L’Amérique des grands espaces, insolite et authentique, commence ici, là où la piste caillouteuse s’estompe entre les épineux, sur les traces du grizzly ou de l’antilope ou encore sur les berges marécageuses de plans d’eau fréquentés par des castors, des loutres de rivière et des hérons bleus. Partir à la découverte des réserves américaines, c’est se fondre dans l’immensité des paysages balayés par le vent et la poussière. C’est aussi écouter battre les souvenirs du Far West, avec ses héros mythiques, les cow-boys et les Indiens. Même si la conquête de l’Ouest est achevée, le rêve de l’Ouest ne s’éteint jamais.

Les cow-boys, une légende vivante

Berceau du Far West, la région des Rocheuses a toujours attiré les amoureux de liberté et d’aventure : tribus indiennes, coureurs des bois, prospecteurs d’or, pionniers et colons. C’est ici que prend corps le mythe américain qui berce tous les rêves d’enfant, celui du cow-boy, ce cavalier infatigable, expert dans l’art de manier le lasso et le revolver. Au Montana et plus encore au Wyoming, le couple cow-boy-cheval est une réalité incontournable pour assurer le travail du bétail. Les grandes transhumances û les cattle drive û ont disparu depuis que les terres sont protégées par des kilomètres de fil barbelé. Mais chaque année, au printemps, les  » wranglers  » conduisent les troupeaux vers les pâturages d’été situés en altitude. Les bêtes sont ensuite redescendues à l’automne, dans les basses vallées, mieux abritées du blizzard et de la neige. D’un pâturage à l’autre, sur des pistes non carrossables, le cow-boy passe l’essentiel de son temps en selle, à la recherche de clôtures effondrées ou de bêtes égarées que seul le cheval n’effarouche pas.

Les saloons ont disparu mais les ranches ont subsisté et même, ils sont de plus en plus nombreux à ouvrir leurs portes à ceux qui rêvent de vivre la véritable expérience de l’Ouest, loin de la fureur des villes. Partager la vie de ces hommes, attachés à leurs terres sauvages, à leurs rodéos traditionnels et à la country music, c’est prendre une leçon d’humilité. Après une journée en selle, à parcourir dans le vent et la poussière de vastes espaces arides et escarpés, les soirées se passent autour d’un feu qui projette une pluie d’étincelles dans le ciel étoilé. Le silence à peine troublé par les hennissements des chevaux se laisse entendre à des miles à la ronde.

La magie sacrée d’un exceptionnel pow-wow.

Le Montana est aussi l’Etat qui rassemble le plus grand nombre de réserves indiennes, sept, dont la plupart se trouvent dans le nord, non loin de la frontière canadienne, au pied du massif des Rocheuses. Rien ne signale clairement que l’on pénètre dans une réserve si ce n’est un panneau généralement discret indiquant son nom. Toutefois, très vite, la configuration même des lieux fait comprendre que l’on a quitté l’  » American way of life « . Les terres sont laissées en friche et de rares bisons surgissent au bord des routes, apparemment indifférents à la circulation automobile. Au loin, quelques tentes blanches coniques s’éparpillent, perdues au c£ur de la plaine.

Chaque été, aux alentours de la petite ville de Browning, un pow-wow réunit au sein d’une même arène sacrée des centaines d’Amérindiens, toutes tribus confondues. Pendant trois ou quatre jours, ils dansent et célèbrent leurs traditions, dans le but de ressouder leur communauté éparpillée au sein des réserves. Le tambour réunit toutes les générations. Il est l’âme sacrée de la terre, fertile et féminine, et la frappe menée par les hommes en est le battement de c£ur, autant que celui de la communanuté. Tous martèlent inlassablement le sol avec leurs pieds chaussés de mocassins perlés, rehaussés de jambières colorées. Ils honorent la mémoire de leurs aïeux en imitant leurs gestes lorsqu’ils foulaient les hautes herbes des prés pour y installer le campement. Les clochettes nouées autour des chevilles des hommes et les centaines de petits cônes métalliques fixés sur les longues tuniques des femmes émettent à chaque mouvement un léger tintement.

Plus vives, certaines jeunes femmes tournoient sur elles-mêmes en donnant d’étranges coups de pied dans les airs et en déployant autour d’elles un châle bordé de longues franges donnant l’impression d’être joliment parées d’ailes de papillon bigarrées. A l’intérieur du cercle, les hommes dansent en se souvenant des histoires vécues par leurs ancêtres. Ils arborent un large plastron en os d’animaux ou en coquillages. De longues queues d’animaux décorent les bras, les poignets, le cou. A la main, ils brandissent un bâton orné de plumes multicolores et un casse-tête en corne de bison surmonté d’une griffe d’aigle. Un spectacle haut en couleur qui force à chaque fois l’admiration.

A la nuit tombée, les ombres s’allongent démesurément entre les rares buildings de la ville toute proche de Browning. C’est à peine si on devine encore au loin la longue barre montagneuse des Rocheuses. Deux ou trois tepees signalent l’entrée du campement, la majorité des Indiens leur préférant le confort moderne des mobil homes. Un groupe de jeunes gens partagent en riant les souvenirs de la journée. Ils affichent sans complexe les attributs de leur double culture : tunique indienne et baskets, plumes d’oiseaux fichées dans les nattes soigneusement tressées et recouvertes d’une casquette.

Le tambour s’est tu, le soleil bascule derrière la montagne et chacun éprouve alors avec reccueillement l’enchantement ineffable qu’exercent ces immenses terres toujours habitées par l’esprit bienveillant des nobles ancêtres amérindiens.

Reportage texte : Christiane Goor

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