Boostée par une nouvelle génération de créateurs formés à Londres ou à New York, Athènes s’affiche comme  » la  » scène urbaine du moment. Une ville en pleine mutation dont le regard est résolument tourné vers le futur.

« At last things happen in Athens  » ( » enfin les choses se mettent à bouger à Athènes « ), s’exclame Danae dans un anglais parfait. Cette jeune consultante en communication revient de Londres et ne peut cacher son enthousiasme pour sa ville natale. Face à cette nouvelle donne, c’est tout son plan de carrière qu’elle a décidé de changer. Désormais, elle rentre au pays et quitte sans regret le job grassement payé qu’elle exerçait en Grande-Bretagne.

Elle n’est pas la seule dans le cas, depuis trois ans Athènes agit comme un aimant vis-à-vis de jeunes créatifs au profil urbain et branché. Ce qui a déclenché le phénomène ? Les mutations subies par la ville lors de l’organisation des Jeux olympiques de 2004. Cet événement sportif a littéralement donné un second souffle à Athènes qui ne s’appuie plus exclusivement sur son glorieux passé. C’est d’abord le tissu urbain qui a radicalement changé. Cette mégalopole de 10 millions d’habitants s’est enfin structurée. Le pimpant métro et un réseau de bus électriques performant ont peu à peu gommé l’image d’une ville étouffant sous la pollution. L’heure est aujourd’hui à une vraie qualité de vie, vitaminée par une technologie de pointe. Pour en prendre toute la mesure, il faut se rendre sur la place Syntagma, foyer central de la vie athénienne, et y voir les jeunes s’y approprier l’espace public en vue de capter gratuitement le wi-fi. Comme si, 2500 ans plus tard, une techno agora voyait le jour.

Du coup, une nouvelle donne bouleverse les clichés. Les perspectives touristiques se voient radicalement modifiées. Si pendant longtemps Athènes a représenté une étape obligatoire pour les voyageurs en partance pour les îles grecques – avec visite du Parthénon pour le même prix -, la ville elle-même est désormais un lieu de passage obligé. De nouveaux quartiers se déploient, de nouvelles perspectives s’offrent aux curieux. En phase avec ces changements, une infrastructure hôtelière différente se développe. Meilleur exemple de cette évolution et phénomène encore inimaginable à l’aube du millénaire, Athènes s’est offert un design hotel très abouti : le Fresh. L’établissement signé par le bureau d’architecture Zeppos – Georgiadi+ Associates fut inauguré à l’occasion des J.O. Conforme à son nom, ce boutique-hôtel décline une approche colorée et pleine de fraîcheur. Du lobby au sky bar – offrant une vue magnifique sur la ville -, le Fresh est bien l’un des symboles d’une cité en pleine reconversion.

Nouvelle vague

Deux quartiers donnent par ailleurs un nouveau ton à Athènes. Le premier est Psiri, un lieu bouillonnant que certains n’hésitent pas à identifier à une sorte de petit SoHo londonien. Le périmètre possède deux visages, l’un diurne et l’autre nocturne. Le jour, au nord du quartier, les rues déclinent galeries d’art et boutiques conceptuelles ainsi que commerces populaires authentiques. Une boutique comme Elixir permet d’en prendre toute la température. On est alors proche du bazar oriental, joliment mis en scène, avec des bouffées d’épices aromatiques mêlant cannelle et cèdre. Les étagères et le comptoir en bois achèvent de camper un décor 100 % pur jus. Authenticité que l’on retrouve au Marché Central logé dans de magnifiques halles du xixe siècle. Viande et poissons s’y échangent ici dans un concert de boniments et de marchandages.

Psiri est aussi un lieu de rencontres. Tout un réseau de créateurs formés à l’étranger y a pris ses quartiers. Parmi ceux-ci, Andreas et Dimitris. Ensemble, ils ont ouvert Mofu, une enseigne dédiée au design scandinave et américain des années 1950 à 1970. Cet endroit flashy et inattendu attire des collectionneurs venus du monde entier.  » D’origine chypriote, j’ai fait mes études à New York, nous explique Dimitri. Je suis devenu directeur artistique. Tout allait bien. Mais à un moment j’ai senti que j’étais en désaccord avec ma véritable nature. J’ai réfléchi et, lors d’un voyage à Athènes, j’ai compris que ma place était ici. Dans cette ville qui est parfois un peu chaotique, la parole a une importance capitale. Les gens se parlent, c’est une activité à temps plein. La discussion et le plaisir passent avant le travail, cela me va à merveille. J’aime aussi le rythme de vie effréné et festif : la coutume veut que l’on prenne un café frappé entre amis de 18 à 21 heures, puis l’apéro entre 21 et 23 heures, puis qu’enfin on mange… « 

Autre adresse qui compte à Psiri : Formika. Cet  » Interactivedesignstore « , a été imaginé par Costas, un jeune Athénien formé en Grande-Bretagne et désireux d’importer l’univers des concept-stores dans sa ville natale. Sa boutique offre mobilier, objets et vêtements pointus. Avec une attention toute particulière portée aux jeunes créateurs grecs.  » En trois ans, on a assisté à l’émergence d’une création locale digne de ce nom « , confirme Costas. Même constatation chez Epedemic, l’une des adresses phares de la très hype rue Agion Anargyron. Le patron, Peter, a imaginé un concept sur trois étages se terminant par un salon de coiffure totalement déjanté. La plupart des vêtements viennent de Londres et Paris. Un corner spécial est toutefois réservé au travail des jeunes créateurs de la Royal School of Arts d’Athènes.  » Le magasin est ouvert 7 jours sur 7, de 11 à 21 heures. C’est une petite révolution dans la ville mais cela répond à la soif de nouveautés des jeunes Athéniens « , commente Peter. Plus loin, la galerie The Breeder s’impose comme référence en matière d’art contemporain. Derrière une façade anodine, cet espace à la blancheur éclatante accueille des créateurs internationaux tels que l’artiste new-yorkais Matt Conors.

Côté nightlife, Psiri est l’un des quartiers les plus chauds. Certaines rues dépourvues d’intérêt la journée se révèlent torrides le soir. Les bars s’y alignent et une foule dense se presse jusqu’à bloquer la circulation. Ainsi en est-il de la rue Odos Avramiotou où quatre night-clubs à la décoration quelconque vibrent au son des DJ.

Totale effervescence

Tout à l’avant-garde : le quartier de Gazi fait songer au Lower East Side à New York. Une usine à gaz y fut construite en 1862. Elle a cessé définitivement ses activités en 1984. Très inspirée, la municipalité a récupéré le site pour en faire le centre culturel Technopolis où se déroulent, créations contemporaines, expositions et concerts. L’ensemble a conservé ses lignes industrielles lui conférant ainsi un aspect underground du plus bel effet. Aujourd’hui, cette partie de la ville jadis malfamée s’est repeuplée en drainant un public jeune et non conformiste. Artistes, designers, architectes ou écrivains ont redonné à présent vie aux différentes rues.

C’est dans un ancien garage de Gazi que se loge Nu, le bureau de tendances le plus prisé. L’adresse rassemble des consultants en communication, des directeurs artistiques et des créatifs free-lances. Dans un décor où domine le blanc, ceux-ci ont crée un espace d’un genre nouveau, entre boutique et laboratoire. Telle cette collection de tee-shirts satiriques où apparaissent Aristote Onassis et Marias Callas.  » Notre espace se veut pluriel, précise Danae Konstantinou, l’une des responsables du projet. Nous y faisons des shootings de mode et en septembre dernier le lieu hébergea plusieurs événements pour la fashion week. « 

Gazi, usine à idées et creuset créatif, engendre dès lors une foule de bars et de restaurants décalés où règne une vraie inventivité. A l’image de la rue Persefonis où l’on retrouve deux des projets de restaurants les plus aboutis. Dirigés par le même propriétaire, l’un est dédié à la viande et l’autre au poisson. Le premier, The Butcher Shop, fait inévitablement songer aux adresses, à Paris et Londres, qui remettent les abats au goût du jour. L’autre, Sardelles, est tout particulièrement dédié à la sardine.

Michel Verlinden Photos : Renaud Callebaut

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