Barbara Witkowska Journaliste

Sa couleur préférée ? Le rouge mercurochrome. Autour de cette couleur explosive et gentiment  » diabolique « , la créatrice pointue bâtit des collections jeunes et faciles à vivre. L’espièglerie et la fantaisie en prime.

Carnet d’adresses en page 179.

E t maintenant, la lingerie ! Cet automne, on va craquer pour les dessous que Bali Barret a dessinés pour Beautiful People, la nouvelle ligne de Dim qui laisse s’exprimer les créateurs les plus pointus. Le  » rouge mercurochrome « , sa couleur fétiche, sera, bien entendu, en vedette. Pour lui tenir compagnie, la jeune créatrice a sélectionné le noir ( » évident « ), le chair (indispensable en lingerie, sous des vêtements blancs, notamment), ainsi que le vert d’eau (issu de la collection de prêt-à-porter). Bali Barret ne tourne pas autour du pot :  » C’est moi qui ai pris contact avec Dim. Après les premières collections de Beautiful People auxquelles ont participé Vannina Vespérini, Isabel Marant et E2, l’idée d’y participer à mon tour s’est imposée instantanément. Le concept est moderne, accessible et lisible : c’est tout moi. Dim a marqué son accord très vite. J’ai reçu carte blanche avec l’idée de développer une matière nouvelle.  » Bali s’empare du collant, en explorant l’idée de rayures verticales, opaques et transparentes. L’aspect  » seconde peau  » du collant l’enchante, car elle aime la lingerie invisible, facile d’entretien, qui sèche en deux minutes. La simplicité et le classicisme de la matière sont renouvelés et boostés par la couleur, dont ce rouge singulier qui ne manque pas de piment. Les formes ? Elles épousent les tendances avec, notamment, un string taille basse, plébiscité de plus en plus, une culotte taille basse, un soutien-gorge à armatures et un autre avec bretelles transformables dans le dos. Le petit short est un clin d’£il à Dim :  » je prends un collant et je le coupe « . On remarque aussi le retour du body, conçu comme un petit marcel tout léger. La cerise sur le gâteau ? Deux accessoires de beauté, rigolos et ludiques : des chaussettes et un bonnet, taillés dans la même matière.

Malgré son prénom exotique qui évoque les tropiques, la brune et pleine de vivacité Bali est une Parisienne pure souche. Elle s’appelle Marie-Amélie. Un prénom un peu compliqué à prononcer pour ses petites s£urs qui l’ont simplifié d’autorité. La petite tribu (Bali a deux s£urs et un frère) grandit, dans les années 1970, dans deux maisons et dans deux univers plutôt éclectiques. Papa est banquier, amateur éclairé de livres et de meubles anciens. Chez lui, on navigue dans une ambiance bourgeoise, chic et classique. Maman est branchée. Elle travaille dans une agence de pub, dessine, écrit et réinvente le monde avec ses copains chevelus, artistes, photographes ou architectes, dans un appartement design, près des Halles. Les pessimistes qualifieront cette éducation de schizophrène. Les optimistes parleront plutôt d’une jeunesse riche et multiculturelle. Ainsi Bali, jeune femme de 38 ans, douée de grande sagesse, n’en a retiré que des leçons positives :  » Cette double éducation fait partie de ma personnalité, elle constitue la base de mon travail. Sur un fond de qualité, classique et traditionnel, se greffent la fantaisie, l’originalité et des idées nouvelles.  »

Après le bac, Bali tâte les Arts déco, puis fait une halte à l’école de mode Esmod. A vrai dire, elle s’y ennuie un peu. Certes, la mode l’intéresse, elle en a fait sa vocation, mais pense l’aborder différemment.  » Je dirais que j’ai plus envie d’explorer le style et l’allure que la mode. La façon de choisir et de mélanger les genres. Celle des hommes me fascine, je pense à John Cassavetes, par exemple. Il y aussi Bianca Jagger, la première à porter un costume d’homme, ou encore Patti Smith qui s’est approprié différentes choses pour créer son propre style. Et Chanel, bien sûr, intemporelle. La mode évolue dans le temps et intervient dans les proportions, dans les longueurs de jupes, dans les largeurs de pantalons ou dans les couleurs.  » Tel un sociologue, Bali dissèque le milieu de la mode. Sa conclusion ? Les marques de grande diffusion possèdent un grand savoir-faire, mais se contentent souvent de copier les créateurs. Les créateurs, en revanche, pratiquent des prix élevés sans pouvoir se targuer du même savoir-faire. La décision de Bali est ainsi arrêtée : situer sa propre griffe au milieu, proposer des vêtements irréprochables sur le plan technique, dotés d’un esprit fort et créatif, tout en restant doux au niveau des prix. Concrètement : proposer à la cliente trois pantalons au lieu d’un seul, mais des pantalons qui durent.

Avant de monter sa propre marque, Bali travaille pour les autres, collectionne plusieurs expériences, notamment dans la grande diffusion, pour acquérir ce savoir-faire qui lui est tellement cher. En 1999, son projet est mûr. La première collection est encore modeste, mais incorpore déjà tous les codes de la griffe Bali Barret : des vêtements quotidiens et basiques dans l’air du temps, bien pensés, bien faits et jolis à l’intérieur. On y retrouve aussi son concept des quatre couleurs, dicté aussi par un facteur pratique, relevant bon sens.  » Je n’avais pas encore ma boutique, explique Bali, et j’ai travaillé avec les boutiques multimarques. Or, celles-ci, pour ne pas prendre trop de risques, ne peuvent consacrer que peu d’espaces aux créateurs en herbe. Résultat, la collection est reléguée dans un coin et manque de visibilité. J’ai donc proposé une mini-collection, pouvant tenir sur un portant, composée d’un joli camaïeu de quatre couleurs, immédiatement identifiable.  » Bien vu ! La griffe Bali Barret est repérée tout de suite. Et adoptée. Il a donc fallu accélérer le tempo. Sa première boutique ouvre en février 2002. Bali pense à tout et développe une vaste collection d’accessoires : ceintures, sacs, gants, bonnets, chapeaux, maroquinerie, chaussures.

Ce qui frappe quand on pousse la porte de sa boutique (dont les boiseries extérieures sont peintes en rouge mercurochrome) ? La cohérence et l’harmonie. Tout est impeccablement coupé et fini, agrémenté de petits détails sympas, parfois ludiques. Tout va avec tout, se coordonne et se mélange avec bonheur. Le parti pris chromatique se poursuit. Les tonalités tournent un peu en fonction des tendances, mais ses couleurs favorites sont toujours prioritaires. En premier lieu, le rouge mercurochrome, car il est moderne et éclatant, intense et graphique. Ensuite, le blanc, classique et élégant, le bleu  » chemise « , indissociable de l’allure masculine et, enfin, les tabacs et les havanes, coloris  » mythiques « . Les inspirations ne varient pas. Bali les puise dans ses propres archives, des centaines de photos, des images de cinéma, un mélange d’ambiances, de souvenirs et d’allures qui ont frappé son imagination. Dans chaque collection, on retrouve aussi, en filigrane, une pensée pour Paris, sa ville chérie. Après  » Paris est Paris « ,  » Paris nous appartient  » et  » 75001 Paris « , voici cet hiver :  » Paris mon amour « . Ce slogan accompagne une collection inspirée largement… du  » swinging London  » des années 1960. On verra beaucoup de tailleurs-pantalons,  » étriqués à l’anglaise  » en velours lisse ou mille raies, des parkas des années 1960, des cotons délavés et, toujours, le jeans, incontournable. La pièce forte ? Ce trench en cuir camel à l’envers blanc.  » Ce trench, c’est Romy Schneider, confie Bali. Il est comme une évidence, il a toujours existé.  »

Aujourd’hui, l’homme a rejoint la femme. La collection masculine affiche la même philosophie et le même concept : des vêtements basiques, personnalisés par des petits détails que l’on ne voit nulle part ailleurs, des classiques qu’on a envie de garder longtemps.

Bali Barret habite Montmartre. C’est là-haut, dans la tranquillité,  » hors du tumulte « , qu’elle peaufine ses projets : développement de sa griffe à l’exportation, notamment au Japon, mais aussi la création d’une Eau de Cologne. Oui, une Eau de Cologne et pas un parfum. Quelque chose de doux, frais et mixte, un grain de folie en prime. Classique comme papa, fantaisiste comme maman.

Barbara Witkowska

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