La rue y est plus délurée qu’à Madrid. A Barcelone, on affiche un style un peu grungy, un brin punky mais toujours dans la tendance… Et on ose les associations colorées et décalées. Zoom sur une bluffante  » estetica maccara « .

Carnet d’adresses en page 86.

L’auberge espagnole des styles

Robes en crochet, shorts, tongs et débardeurs… la Barcelona street life commence par la Barcelona beach life. Dans la capitale catalane, on vit en marcel et en jeans retroussés, on ressort les tee-shirts tie and die, on associe les tops tricotés avec des pantalons paréos à l’indienne et on complète le tout avec une multitude de bijoux en plastique colorés. La mode barcelonaise est ludique, explosive, osée et délurée à l’image de la marque Custo Barcelona, célèbre dans le monde entier, et qui a fait des personnages excentriques de la jet-set barcelonaise une marque de fabrique. Même esprit  » dessin de mode  » pour les créations signées par le dessinateur catalan Jordi Labanda qui appose ses héros branchés sur des tee-shirts, des sacs, des accessoires, de la papeterie et même des bouteilles d’eau. On retrouve aussi sa bande de  » gente cool  » (les gens cool) peinte sur les murs de  » Sandwichs and friends « , une sandwicherie à la mode du quartier del Born.

C’est dans ce quartier, où les jours de chance on peut croiser le chanteur français Manu Chao en vélo, que l’on déniche, en effet, les spécimens les plus branchés. Un esprit gentiment punky règne sur la jeunesse barcelonaise qui n’hésite pas à se teindre les cheveux en blanc ou en bleu, à opter pour des coupes déstructurées avec des franges en escalier, à ressortir les bijoux cloutés et à se recouvrir les bras, l’épaule, le bas du dos ou le nombril de tatouages. Grungy, un brin kitsch et empruntant beaucoup aux Eighties. L’accessoire indispensable cette année : la réédition des Ray Ban des années 1980. Sur les plages de Barcelone, on sort ses Ray Ban à la terrasse des chiriguintos (les petites paillotes). Celui de Bogatell est de loin le plus couru avec ses beaux people et sa musique loungy diffusée en continu. Le meilleur moment pour y trouver les looks les plus pointus ? A la fin de l’après-midi, quand la lumière tombe, qu’on enfile un tee-shirt sur le maillot, que le DJ monte le son et que l’on se met à danser pieds nus face aux vagues.

Le soir, on garde ses Ray Ban comme tout le monde. Que ce soit sur la plage ou dans les night-clubs de la ville, les Catalans aiment frimer. Même si dans le reste de l’Espagne, ils passent pour les Nordiques du pays, ils cultivent bel et bien l’âme latine. La Barcelona street life se poursuit donc par la Barcelona night life. Barcelone fait encore sa movida, et on ne s’étonnera pas de voir des personnages sortis en droite ligne des films de Pedro Almodovar hanter les bars de la ville. Dans les restaurants à la mode, le serveur travesti est la dernière tendance. A Barcelone, un peu comme à Londres, tout est permis et l’extravagance est même vivement recommandée.  » Ici, c’est l’estetica maccara (la mode clochard de luxe) qui prévaut. Ce qui fait le style barcelonais, c’est aussi des vêtements (robes, tops…), tricotés au crochet et puis beaucoup de couleurs, de bijoux « , résume Ricardo Ramos, styliste d’origine colombienne qui a choisi la capitale catalane comme terre d’adoption.

Dans les ruelles del Born ou du Barrio Gotico, un grand nombre de stylistes indépendants ont ouvert leurs échoppes.  » Ici, tout le monde prétend qu’il est styliste « , commente, lucide, Marc Ribas, vendeur dans une nouvelle boutique à la mode et designer de chaussures. Aussi, la concurrence est-elle rude et les joutes critiques entre jeunes stylistes vont-elles bon train. Mais la création indépendante est active et dans le centre, on se réjouit de découvrir les petites boutiques des calle Ferran, d’Avinyo ou Bonnaire.

Aux côtés des marques espagnoles, on note de plus en plus de créateurs venus d’Amérique latine. C’est un des autres visages de la ville : la Barcelona cosmopolitan life. Barcelone est colorée aussi par ses habitants et rappelle souvent l’ambiance des métropoles d’Amérique du Sud. La mode s’en ressent et intègre les couleurs mais aussi les matières et l’artisanat de toutes les cultures. Dans les rues du vieux centre, on rencontre des couples mixtes, une Japonaise et un Néerlandais, un Cubain et une Allemande qui se sont connus à Barcelone et ont choisi d’y rester. Sur la place Jaume qui abrite l’Hôtel de ville, un moine bouddhiste égaré d’une conférence du Forum (un événement international, qui se termine ce dimanche 26 septembre, associant fête et réflexion, autour de trois grands axes thématiques : la diversité culturelle, le développement durable et les conditions de la paix), côtoie deux jeunes stylistes canadiennes, une Britannique en longue escale, une jeune étudiante autrichienne… C’est l’auberge espagnole des styles. Chacun amène un peu de son pays et tout se mélange pour créer une ambiance, une sorte de Barcelona attitude. Très différente de la mode madrilène, dont la rue est nettement plus classique, bourgeoise et rangée, la mode barcelonaise ressemble davantage à la mode pop londonienne. La rivalité qui les oppose à Madrid pousse les Barcelonais à en faire toujours plus comme pour affirmer leur identité de deuxième capitale. Dans le milieu des stylistes, la semaine de la mode de Barcelone est d’ailleurs chaque année beaucoup plus attendue que celle de Madrid. Et la créativité s’en trouve stimulée. Dans le quartier du Raval (ex-Barrio Chino), baptisé aussi quartier du Macba (du nom du musée d’Art contemporain de Barcelone), on voit éclore de nouveaux magasins de design. C’est ici aussi que l’on trouve la rue des friperies, la calle Riera Baixa, des échoppes gothiques, des surplus américains où les stylistes barcelonais aiment bien aller s’approvisionner. Fidèle à cet esprit un peu punky rebelle, à cette  » estetica maccara  » qui fait l’essence de la mode barcelonaise.

Textes et photos: Agnès Trémoulet

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