Stella McCartney a tout compris : Care, sa nouvelle ligne de soins pour la peau, réconcilie écologie et glamour.

Elle a cousu sa première veste lorsqu’elle avait 12 ans… Et à 15 ans, Stella McCartney était stagiaire chez Christian Lacroix. Kate Moss et Naomi Campbell ont défilé pour la collection qu’elle a présentée comme travail de fin d’études, et qui a été achetée par des chaînes de mode aussi internationalement connues que Bergdorf Goodman et Neiman Marcus. Son premier job : prendre la succession de Karl Lagerfeld chez Chloé. Pas mal pour une jeune femme de 25 ans ! A 30 ans, elle lance son propre label pour le groupe Gucci. Une carrière fulgurante, que les mauvaises langues attribuent davantage à la célébrité de son père – le Beatle Paul McCartney – qu’à son talent. Il n’empêche, Stella poursuit imperturbablement son ascension : des collections à succès pour H&M et Adidas l’ont également fait connaître auprès du grand public.

Avec des amies comme Madonna, Gwyneth Paltrow et Kate Moss qui portent fièrement ses créations, elle fait régulièrement parler d’elle dans les magazines. Mais Stella McCartney ne s’arrête pas aux paillettes de la mode : c’est aussi une végétarienne convaincue et une ardente activiste des droits des animaux. Elle refuse, par exemple, d’utiliser du cuir et de la fourrure dans ses créations, ce qui lui a valu de recevoir un Peta Award (NDLR : du nom de l’association internationale militant pour un traitement éthique des animaux) l’année passée. Son dernier opus ? Une ligne biologique de soins pour la peau, qui réconcilie son goût du glamour avec ses principes écologiques. Une femme aux opinions aussi solides que son CV, mais dont la voix est pleine de douceur et de gentillesse au bout du fil et évoque avec enthousiasme ses motivations pour créer une ligne de soins pour la peau.

Weekend Le Vif/L’Express : En 2003 vous avez sorti un parfum, mais, en fait, vous vouliez d’abord lancer une ligne de soins pour la peau ?

Stella McCartney : Je n’utilise pas beaucoup de maquillage et, avant  » Stella « , je n’avais pas vraiment de parfum favori, alors que soigner ma peau est un élément important de mon comportement quotidien. Dans ma salle de bains, les beaux pots de crème délicieusement parfumée côtoyaient les produits bio à l’allure démodée, qui étaient pourtant meilleurs pour la peau, mais peu agréables à utiliser. Entre ces deux extrêmes, il n’y avait rien sur le marché et je n’ai jamais compris pourquoi. J’ai donc voulu lancer moi-même une ligne de soins pour la peau avec des textures, des fragrances et des conditionnements agréables, mais sans silicones ou produits pétrochimiques et avec des ingrédients biologiques.

Le groupe YSL, votre partenaire en cosmétique, a pourtant réussi à vous convaincre de lancer d’abord un parfum.

Le lancement d’un parfum représente un moins gros investissement en temps et en moyens que le lancement d’une ligne de soins pour la peau. Mais quand le team d’YSL a vu que le parfum était un succès, ils ont compris que je ne racontais pas n’importe quoi et m’a fait confiance. YSL a de l’expérience dans le domaine des soins de la peau, même si la production d’une ligne biologique est encore une autre paire de manches. Mais je peux être très convaincante.

Avez-vous dû faire des compromis ?

Oui. Quand on travaille avec des ingrédients biologiques et selon une charte stricte, on doit faire des concessions. J’aurais aimé utiliser de beaux pots en verre, mais le packaging doit être opaque et hermétique pour que le produit soit à l’abri de la lumière et se conserve mieux. Je suis finalement quand même contente du conditionnement, il est très moderne. Je n’ai pas dû concéder grand-chose sur le produit final, et c’est cela le principal. Au départ, je craignais qu’il ne soit pas possible d’obtenir une texture luxueuse sans silicones, mais nous y sommes quand même arrivés. Donc, je ne comprends pas pourquoi les autres cosmétiques en contiennent.

A quel point vous êtes-vous impliquée dans le développement de la ligne ?

Trop, probablement : nous avons travaillé trois ans sur ce projet et je me suis mêlée de tout. En principe, je fais ça pour tout ce qui porte mon nom, car si des choses tournent mal, cela m’implique directement.

Aviez-vous des souhaits particuliers ?

Les produits que nous avons actuellement sont des soins de base. Je voulais un bon hydratant et, personnellement, j’aime beaucoup le lait nettoyant et l’élixir nourrissant. Ces produits comblent mes besoins quotidiens. D’autres viendront sans aucun doute s’ajouter par la suite ( rires).

Vos parents vous ont transmis des valeurs fortes : vous êtes végétarienne et activiste des droits des animaux…

J’ai grandi dans une ferme biologique : mes parents vivaient de façon très responsable, dans le plus grand respect de l’environnement. Cela m’a donné une base solide qui m’a fait prendre conscience d’un tas de choses auxquelles les autres ne pensent pas. Pour un label de mode, nous sommes très conscients des effets que nos produits ont sur notre environnement et sur les gens. Je ne peux citer aucun autre styliste qui lancerait une ligne biologique de soins pour la peau, si ce n’est simplement pour suivre la tendance. Ce projet me tient à c£ur et rejoint mes convictions personnelles, mais dans ma profession ce genre de démarche est assez rare.

Pourra-t-on un jour changer les mentalités ?

Elles sont déjà en train de changer. Voilà dix ans que je travaille sans cuir et sans fourrure, et j’ai de plus en plus la fibre bio. Malheureusement, je pense que les choses changeront pour les mauvaises raisons. L’environnement est pour le moment un sujet de conversation très tendance. Les soins biologiques pour la peau enregistrent une croissance de 9 %, alors que les lignes conventionnelles stagnent. Jusqu’il y a peu, seules quelques petites marques occupaient le créneau bio. A mon grand étonnement et à ma grande déception, les grands producteurs ne s’y intéressaient pas. Aujourd’hui, les choses sont en train de changer : Clarins et quelques autres grands ont acheté une marque biologique, mais ils auraient dû le faire il y a longtemps. L’offre bio va donc de toute façon augmenter. Peu importe que ce soit parce que ça rapporte plus ou pour une autre raison : ce qui compte, c’est que c’est meilleur. Il faut éduquer les gens, et c’est ce que je veux vraiment essayer de faire avec ma ligne. Rien qu’au cours du rituel quotidien du matin, vous déversez quelque deux cents produits chimiques sur votre peau. Quand on sait que certaines de ces substances se retrouvent aussi dans l’antigel de votre voiture, il devient impossible de ne pas s’interroger sur l’effet que celles-ci peuvent avoir sur la peau. Quand on ne le sait pas, on ne s’inquiète évidemment pas.

La maternité a-t-elle renforcé votre prise de conscience ?

Les soins biologiques pour la peau sont une chose à laquelle j’ai toujours cru, même quand je n’étais pas encore maman ( NDLR : Stella McCartney a un fils de 2 ans, Miller, et une fille, Bailey, née le 8 décembre dernier). Je suis simplement quelqu’un qui se demande ce que sont ces produits chimiques, comment ils sont fabriqués et quel effet ils ont sur la peau. J’ai simplement l’esprit critique.

Comment une jeune maman très occupée par son travail et sa vie sociale peut-elle respecter un mode de vie sain et harmonieux ?

 » You can’t beat yourself up.  » Bien sûr, nous sortons tous de temps en temps manger dans des restaurants qui ne servent pas de nourriture biologique. Il faut relativiser. Nous utilisons des sacs recyclés dans notre entreprise, mais nous roulons par ailleurs en voiture. Je ne trouve pas que ce doit être tout ou rien. Cela m’énerve quand les gens critiquent les végétariens parce qu’ils osent porter des chaussures en cuir. Ou si vous conduisez une voiture hybride, on vous demande tout de suite si vous habitez dans une maison à l’énergie solaire. Ce n’est pas réaliste : faire un peu, c’est mieux que de ne rien faire du tout.

Carnet d’adresses en page 177.

Propos recueillis par Sofie Albrecht

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