Dolce vita, farniente et découvertes pour des vacances hors du temps… Véritable doigt tendu dans le bleu de la mer, le Cap Corse, long de 40 km, possède des paysages parmi les plus fabuleux de l’île de Beauté. À ne pas rater non plus : ses petits villages pleins de charme.

A peine plus de 100 km séparent Saint-Florent de Bastia dans le nord de la Corse. Entre ces deux villes, une route en corniche se faufile à flanc de rocher. C’est le chemin qu’il faut prendre pour découvrir le Cap Corse, l’une des plus belles régions de Méditerranée. On l’appelle là-bas  » l’isula di isula  » ( » l’île de l’île « ). Cette presqu’île montagneuse de 15 km de largeur recèle tant de trésors que deux à trois jours sont nécessaires pour en explorer toute la beauté.

Minuscules ports de pêche, plages de galets et de sable fin, nombreuses criques secrètes aux eaux transparentes, tours de guet et chapelles ponctuent un décor naturel époustouflant, fait aussi d’une série d’à-pics vertigineux. Aux sommets se nichent des petits villages d’où l’on peut admirer, à perte de vue, la Méditerranée.

Chaque versant du Cap Corse possède sa personnalité et ses paysages, ses couleurs et ses saveurs. A l’ouest, la montagne abrupte et aride finit dans les eaux scintillantes de la Méditerranée, tandis qu’à l’est, de larges vallées, souvent verdoyantes, ondulent en pente douce vers la mer Tyrrhénienne.

Situé à quelques encablures des côtes toscanes et ligures, le Cap Corse s’est toujours révélé terre d’échanges et de contacts. Par ce promontoire rocheux arrivent les premiers hommes sur l’île. Bien plus tard, Phéniciens, Grecs et Romains empruntent le même chemin pour établir leurs colonies le long des côtes corses. Si l’on en croit la légende, le philosophe Sénèque, exilé par l’empereur de Rome, se serait installé à la pointe du Cap. Une tour porte d’ailleurs son nom au-dessus du col de Sainte-Lucie, à près de 600 mètres d’altitude.

Plus tôt, au ve siècle avant notre ère, de nouveaux conquérants s’installent dans la région de Patrimonio, l’une des terres les plus fertiles du Cap Corse. Ils apportent dans leurs bagages des pieds de vigne. Ils les plantent et les cultivent… 2 500 ans après, la tradition veut que, le village de Patrimonio possède aujourd’hui le plus ancien vignoble de Corse. Le vin aux senteurs de maquis que l’on y déguste, est l’un des plus fameux de l’île. On appréciera surtout le blanc fruité qui accompagne à merveille les poissons servis dans les restaurants du Cap Corse.

D’autres richesses apparaissent sur les côtes de Corse. Ainsi cette région de l’île est la première à s’être convertie au christianisme au ive siècle. Les édifices religieux du Cap, enchâssés dans leur écrin de montagne, semblent ici prendre à témoin le ciel et la mer de la beauté de cette île fascinante.

Quand le danger venait de la mer

Par la mer, source de bienfaits, peuvent aussi venir de lourdes menaces. Ainsi, après la chute de l’empire romain, les Cap Corsins vont déserter le littoral pour échapper aux attaques des Vandales, des Francs ou des Sarrasins. En 1077, terrorisés, ils demandent l’aide du pape Grégoire VII, qui confie alors aux Pisans la sécurité de l’île. La présence des Pisans en Corse durera deux siècles et laissera des traces durables comme en témoigne l’église romane San Michele. C’est sans conteste l’un des plus beaux édifices religieux de l’île. Construite à l’entrée du Cap Corse, non loin du village de Murato, ses murs épais, composés d’une alternance de serpentine verte et de calcaire blanc, forment un étonnant et captivant damier de pierre.

Un  » protecteur  » chasse l’autre : à partir du xiiie siècle et pour un demi-millénaire, la Corse va passer sous domination génoise. Les nouveaux seigneurs féodaux choisissent le Cap pour y bâtir leurs châteaux et y développer leurs domaines. Sous leur administration, la région devient plus prospère. Les villages et les églises se multiplient, des moulins font leur apparition, bien souvent construits à flanc de rocher. A partir du xvie siècle, les rivages du Cap se couvrent aussi de trente tours de guet. Elles permettent de voir venir au loin les Sarrasins qui terrorisent la population. Aujourd’hui, elles participent pacifiquement au charme si puissant des côtes du Cap Corse.

Nonza, forteresse rebelle

Nonza, bâti en arc de cercle au sommet d’un piton rocheux, à une centaine de mètres au-dessus de la mer, est une ancienne place forte médiévale dominant plus qu’elle ne surplombe une immense plage de galets noirs. Le village, qui appartenait jadis à une riche famille génoise, possède une ravissante église d’inspiration italienne entourée de robustes maisons de pierre datant des xviie et xviiie siècles. La petite cité est également surmontée d’une tour de guet célèbre en Corse par l’exploit de Jacques Cassella. Sous Louis XVI, ce patriote parvint à résister seul dans sa tour aux 1 200 soldats venus prendre possession, au nom du roi de France, de Nonza et de sa région.

Situé à la pointe nord du Cap, Centuri doit sa prospérité à son port qui exportait déjà au xviiie siècle des agrumes, du vin et des céréales vers la France et l’Italie. Aujourd’hui encore, c’est le premier port de pêche du Cap. Ici, aux terrasses des restaurants, on peut déguster de savoureuses langoustes.

Non loin de Centuri, le moulin Mattei domine toute la pointe du Cap Corse. De cette hauteur battue par les vents, on aperçoit certains des sites les plus sauvages de l’île : le Capo Bianco, le Monte Maggiore et le minuscule port de Barcaggio. C’est aussi ici que commence le chemin des douaniers menant le promeneur sur la crête de l’Agnellu, face à l’île toute proche de la Giraglia. Il faut s’arrêter brièvement sur la plage de Santa-Maria afin d’observer la tour génoise construite au bord de l’eau. Sa face tournée vers le large reçut les boulets tirés par la flotte de l’amiral Nelson en 1793. Eventrée, elle montre depuis lors ses entrailles dont l’ensemble des voûtes, la citerne en contrebas et, au sommet, la terrasse d’observation.

Après Centuri et la pointe nord du Cap, la route redescend vers Bastia. Cette côte tyrrhénienne, qui fait face à la Toscane, est un véritable paradis pour les baigneurs. C’est ici qu’on trouve les plus belles plages de sable blanc du Cap, entrecoupées de modestes vallées et de belvédères dont on peut apercevoir par beau temps les contours de l’île d’Elbe. Cette région est aussi réputée pour ses  » maisons d’Américains « , des bâtisses massives, très souvent entourées d’arbres exotiques, construites au début du xxe siècle par des Corses revenus, fortune faite, d’Amérique du Sud.

La route aboutit à Bastia, dernier rocher du Cap Corse et ultime pierre de touche. Avec ses maisons aux toits de lauze, ses murs de couleur ocre et l’élégance discrète de ses petites places, Bastia ressemble à un théâtre en plein air.

C’est d’ici que partirent pour l’Amérique, il y a plus d’un siècle, une foule d’exilés volontaires avides de trouver au loin cette fortune que n’offraient plus les terres devenues arides du Cap Corse. Bien des années plus tard, beaucoup d’entre eux reviendront vivre sur leur île natale. Apportant dans leurs bagages de maigres richesses ou encore d’énormes trésors. Tous ayant pourtant à c£ur de retrouver leurs racines et le sortilège de cette terre abrupte s’étirant avec fierté dans le bleu de la mer.

Stéphane Disière – Photos : Iwao Motoyama

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