Barbara Witkowska Journaliste

Nimbée de grâce, de mystère et de chaleur, l’île Maurice multiplie les séductions. Ici, on peut encore se ressourcer à la beauté intacte de la nature et à la gentillesse de ses habitants.

 » Glory to Lord Shiva « . L’hommage au dieu destructeur et fécondateur, troisième personne de la Trinité hindoue, fleurit sur des dizaines de calicots multicolores. Maha Shivaratree (littéralement :  » la grande nuit de Shiva « ) célèbre la victoire de Shiva sur Brahma et Vishnu. A Maurice, fin février, la plus grande fête hindoue hors de l’Inde bat son plein. Sur les routes, des centaines de milliers de fidèles, hommes, femmes, enfants avancent dans le calme et le recueillement. Une pluie tropicale rafraîchit parfois l’atmosphère. Une bénédiction pour ceux qui doivent se déplacer sur plusieurs dizaines de kilomètres. La marche s’achève au bord du lac sacré. Les pèlerins font des offrandes de nourriture, se baignent, puis repartent chez eux en emportant un peu de cette eau précieuse. L’eau sacrée ? Selon la légende, il y a plus d’un siècle, un prêtre venu de l’Inde rêva d’un lac au coeur de la forêt vierge. En ouvrant les yeux, une superbe surface lacustre enchanta son regard. Un peu plus tard, un autre prêtre y versa de l’eau sacrée du Gange. Les rituels ancestraux peuvent ainsi être accomplis dans les règles de l’art… Une aubaine pour la population hindoue, le groupe ethnique majoritaire de Maurice.

Privilégiée et convoitée Les Hollandais découvrirent l’île en 1598 et la baptisèrent Mauritius, d’après le prince d’Orange, Maurice de Nassau. Fortement séduits et inspirés par les paysages et le climat exceptionnels, ils y introduisirent des cerfs de Java, des bananiers et, surtout, la canne à sucre. En revanche, ils saccagèrent les forêts d’ébène et exterminèrent, par ignorance ou par nonchalance, le sympathique oiseau dodo. Maurice suscita également l’enthousiasme d’autres navigateurs. Les Français deviennent maîtres de l’île en 1715. Rebaptisée l’île de France, elle vit, à sa façon,  » le siècle des Lumières « . Sous l’impulsion du gouverneur Bertrand François Mahé de La Bourdonnais, surnommé plus tard  » père de l’île « , elle n’est plus sauvage, ignorée et déserte. Elle est quadrillée par de bonnes routes, produit du sucre à grande échelle, du blé et du coton. Dans de somptueuses villas règnent la légèreté, la séduction et l’esprit raffiné. Bref, l’art de vivre à la française. C’est donc d’une colonie prospère et fascinante que les Anglais s’emparent en 1814. D’autres dates importantes jalonnent l’histoire de l’île. L’abolition de l’esclavage en 1835, suivie d’une arrivée massive d’Indiens, aujourd’hui le véritable  » noyau  » de l’île. Indépendante en 1968, Maurice vole de ses propres ailes depuis 1992, année où elle est proclamée république. Exubérance de ses paysages, limpidité de ses fonds marins, étendue de ses plages de sable fin… Maurice est consciente de sa place privilégiée. Elle en vit. Le tourisme est sa nouvelle raison d’être et elle est fière de partager la collection de ses belles étapes. Le temps file doux sur l’eau, d’une intense tonalité bleu-vert, sous les assauts des alizés. On accoste sur la minuscule île aux Aigrettes, une réserve naturelle  » chouchoutée  » par quelques passionnés d’écolo. Les Aigrettes ? Ce sont des oiseaux pêcheurs blancs, aux longues pattes. Ils ont disparu de Maurice vers 1600, mais on espère qu’ils reviendront… Ce que l’on découvre ? Une nature d’une beauté paisible, des arbres rares aux noms exotiques : bois de fer, bois de boeuf ou encore bois de chandelle et quelques tortues géantes qui ouvrent un oeil à la vue des  » touristes  » et le referment aussitôt pour continuer leur sieste.Senteurs sensuelles On se dirige vers le Domaine de l’Ylang-Ylang. Précieux, odorant et présent dans tous les parfums prestigieux, ylang-ylang fut introduit à Maurice, en 1750, par le botaniste Pierre Poivre, intendant du roi Louis XV. On visite la distillerie où sont extraites, de façon vraiment artisanale, les huiles essentielles d’ylang-ylang, bien sûr, mais aussi de citronnelle, d’eucalyptus et de poivre rose. La route sinueuse qui mène vers le restaurant est rythmée par les bois locaux que l’on découvre avec plaisir : le goyavier, l’arbre du voyageur, le bois macaque, le bois noir… Un paradis sensuel qui enchante les yeux et les narines. L’autre adresse savoureuse se nomme Pamplemousses. Elle est à deux pas de la capitale Port Louis. Bertrand François Mahé de La Bourdonnais fit construire ici sa demeure personnelle, le château de Mon Plaisir, entouré d’un jardin potager. Plus tard, Pierre Poivre racheta le château sous l’emprise d’un coup de foudre et décida d’y créer un véritable jardin botanique. L’objectif ? Y cultiver toutes les épices (girofle, muscade, cannelle, poivre, etc.) que l’on commence à découvrir et qui font fureur sur les tables les plus chics et raffinées. D’autres plantations s’y ajouteront par la suite… On flâne donc parmi les arbres les plus rares et les plus exotiques. On prend le temps d’admirer deux baobabs bicentenaires, des tecks, des roses de Noël géantes, des cyprès funèbres, des jacquiers, des saucissonniers, des camphriers. Le point fort ? Le bassin aux nénuphars géants. Magnifique ! Charmante ville à la circulation intense, Port Louis se visite à pied. Du port, centre névralgique de la capitale, on emprunte les larges boulevards du quartier des affaires, on fait une halte éclair au pittoresque marché où l’on peut acheter tout ou presque, puis on file vers les petites ruelles pour se frotter à la vie vraie. Une quantité de temples, de pagodes, de mosquées et d’églises catholiques rappellent que les Mauriciens composent une mosaïque d’ethnies et de religions. L’harmonie et la tolérance sont respectées par tous. Plus au sud, on fait une halte à Chamarel. Ce modeste village créole cache deux trésors. Cette fantastique cascade qui se déverse de près de 100 mètres de hauteur dans une végétation luxuriante et les  » terres de couleurs « . Ces petites dunes ondulées en imposent avec leurs nuances fauves, jaunes et bleues, en passant par le mauve, le vert, l’orange et le rouge. Ce phénomène, unique au monde, est provoqué par des cendres volcaniques mises à nu par l’érosion.Aventure ou farniente Envie d’aventure et d’émotions sortant des sentiers battus ? On monte alors à bord d’authentiques Land Rover Camel Trophy. On quitte les routes goudronnées pour s’enfoncer au coeur des pistes secrètes et sauvages. Les alizés battent les champs de canne à sucre. On randonne parmi les orchidées sauvages et les palmiers, on croise des cerfs et des oiseaux exotiques. A midi, dans un village isolé, on s’arrête chez l’habitant, pour partager son repas traditionnel. Notre hôte, Pandit Lalljee, prêtre hindou, nous réserve un accueil cordial dans sa maison fraîche et confortable, entourée d’un jardin exotique où s’épanouissent avocats, chouchous, potirons, mangues et aubergines. La table est joliment mise, mais le manque de couverts déconcerte. Notre chauffeur Gilbert nous rappelle donc que 70 % de la population dans le monde mange avec les doigts. On n’hésite plus, d’ailleurs le repas s’avère vraiment succulent… L’après-midi, la découverte se poursuit, avant de céder aux plaisirs de la plage. Car, à Maurice, chaque route, ou presque, mène vers la côte et à un hôtel dédié au farniente et à la beauté d’un site intact…

Barbara Witkowska.

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