Superbement situé aux portes de l’Ardenne, Comblain-au-Pont préserve avec talent sa douceur de vivre. Le deuxième Samedi Vif qui se tiendra ce 17 juillet vous fera découvrir des paysages d’une beauté à couper le souffle, des curiosités géologiques, ainsi que des richesses minérales étonnantes.

On quitte l’autoroute peu après Liège. Le paysage s’anime. Le courant vif de l’Ourthe nous tient agréablement compagnie. La masse verte qui nous entoure, avec ses bosquets, ses buissons aux silhouettes capricieuses, ses groupes d’arbres si variés, s’éclaire, ici et là, de majestueux sillons, tracés par d’anciennes carrières. Noblesse des grandes lignes géologiques. Comblain-au-Pont apparaît, enfin, tel un bijou minéral serti dans un collier de verdure. On s’attarde sur la jolie place Leblanc, le centre de la cité, on admire les façades coquettes, la fine silhouette de l’église Saint-Martin, et, surtout, l’impressionnante Fontaine des quatre éléments, admirable évocation des richesses du pays, de l’eau et de la pierre. Elle est l’£uvre du sculpteur Philippe Ongena. On ira le voir tout à l’heure. Pour l’instant, le soleil se montre exceptionnellement généreux et on en profite pour monter à la Tour Saint-Martin. On passe, tout d’abord, devant le mystérieux donjon de Montuy. Ses origines remonteraient au xiie siècle. Selon certains historiens, il aurait servi de demeure aux Chevaliers de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, mais on n’en sait pas plus. Lors des travaux de restauration, les responsables ont décidé de joindre l’utile à l’agréable et lui donner une affectation fonctionnelle. La plaine de jeux pour enfants est un espace vert et ludique, conçu par Philippe Ongena. Le sculpteur a imaginé un porche qui conduit vers un tunnel et un mur d’escalade. De petites sculptures en pierre bleue l’agrémentent. La chauve-souris, l’animal emblématique de la région est bien mise en évidence. Puis on emprunte le Sentier Géologique, aménagé il y a plus d’un an, à l’ini- tiative de l’asbl Les Découvertes Géologiques. A Comblain-au-Pont, l’esprit écologique est de rigueur, on a fait donc appel à des moutons, pour entretenir la drève. En arrivant au sommet, on jouit d’une vue extraordinaire. Des rochers, fierté de la région, se dévoilent dans toute leur splendeur. Le Rocher du Vignoble, jadis recouvert de vignes et les Rochers Tartines, rappelant des tranches de pain, sont des sites classés, remarquables. La Tour Saint-Martin, donjon féodal bâti au xiie siècle, est le dernier vestige de la forteresse des seigneurs de Comblenz, famille noble du Moyen Age. Plus tard, on a construit une église sur les ruines de la forteresse. Le donjon lui servait de clocher. L’église a été détruite au xixe siècle. Seul le donjon a résisté aux outrages du temps et à la folie destructrice des hommes. Le cheminement parmi d’anciennes pierres tombales, entourant le donjon, est un moment agréable de calme et de méditation. Puis on s’enfonce dans le parc Saint-Martin. La drève est peuplée de magnifiques tilleuls plus que centenaires et bordée de multiples sculptures monumentales abstraites ou figuratives en pierre bleue. Ces £uvres ont été réalisées lors des derniers Symposiums de sculpture monumentale et témoignent d’une intense activité artistique qui rythme, environ tous les deux ans, la vie de la cité. En quittant l’ombre bienveillante des arbres, on découvre un vaste plateau et, plus loin, les Roches Noires, réserve naturelle de l’asbl  » Ardenne et Gaume « . Il s’agit de dernières roches dolomitiques (composées de calcaire et de magnésium), encore intactes, de la basse-Ourthe. Ces roches sombres se blottissent au sein d’une végétation luxuriante, riche en insectes rares et en oiseaux exceptionnels. La réserve est une véritable aubaine pour les naturalistes, les botanistes et tous les amoureux de la nature.

Une halte chez Philippe Ongena

On a déjà admiré ses sculptures dans le centre-ville. Philippe Ongena est également l’âme et la cheville ouvrière du Symposium de sculpture monumentale, manifestation bi-annuelle qui ambitionne de promouvoir, de façon très contemporaine, la pierre bleue, richesse de la région. Le sculpteur vit et travaille tout près, dans une ancienne école, mise à sa disposition par l’administration communale. Ici, la pierre est omniprésente. On remarque surtout, à l’intérieur comme à l’extérieur, de nombreuses fontaines où l’eau murmure inlassablement. L’ambiance est sereine, décontractée. Philippe Ongena peut, enfin, aller jusqu’au bout de sa passion. Formé en horticulture, il a travaillé à l’Université de Liège comme technicien biochimiste. Dans ses moments de loisirs, il sculpte la pierre, la vraie vocation. En 1990, la Province de Liège fait appel à des artistes dans le cadre de  » l’année de la fontaine « . Philippe Ongena s’emballe pour le projet, crée ses premières fontaines. Le  » concept  » ne le quittera plus. Petit à petit, il réduit ses prestations à l’ULg, avant de franchir le pas décisif et de vivre de son travail d’artiste. Sa réputation grandit, il installe des fontaines à Tilff, à Verviers et à Comblain-au-Pont, il crée du mobilier urbain embellissant et original. Son travail commence à séduire les particuliers, on lui commande des tables, des bancs ou des lavabos en pierre. Les fontaines lui sont particulièrement chères.  » L’eau est présente partout, dit-il. C’est un matériau courant et banal. Personne n’y fait plus attention. Or, l’eau a des qualités incroyables et insoupçonnables que j’essaie de mettre en évidence dans mon travail. Pour choisir les pierres, je fais un tour dans des carrières voisines, je tombe amoureux d’un bloc, je l’emporte et le travaille de façon très sommaire, sans faire de croquis.  » Les blocs bruts et majestueux lui inspirent une autre idée, l’incitent à s’attaquer à la sculpture monumentale. Philippe Ongena peaufine le projet avec deux amis sculpteurs de la région, Michel Mouvet et Lambert Rocour. Le concept d’un symposium rencontre un accueil favorable auprès des autorités communales qui souhaitent recréer une nouvelle économie avec la pierre, richesse du pays et de l’inscrire dans les activités touristiques qui prennent un essor considérable. Le premier Symposium de sculpture monumentale d’instinct a lieu en 1995 et réunit une vingtaine de sculpteurs du monde entier.  » Cette année, nous sommes à notre cinquième édition, explique Philippe Ongena. Au début, nous avons lancé environ 800 invitations par Internet. Aujourd’hui, notre notoriété est mondiale, et des candidatures spontanées nous sont envoyées de partout. En 2004, nous accueillerons six artistes, venant d’horizons très divers et ayant des approches techniques différentes. Entre le 11 et le 31 juillet, ils vivront parmi nous et travailleront au c£ur du village. Chacun aura à sa disposition un bloc de pierre bleue, tiré au sort. C’est une bonne promotion pour la pierre et le tourisme.  »

Les richesses du sous-sol

On se dirige ensuite vers la Grotte de l’Abîme, une surprise souterraine. La nature sauvage et exubérante cache bien ses trésors et il a fallu le plus grand des hasards pour que la grotte fût découverte. En 1900, un promeneur voit disparaître brusquement son chien, tombé dans un trou profond. Avec l’aide d’un voisin, le toutou sera dégagé et sauvé. Le  » gouffre  » suscite alors beaucoup d’intérêt. Les spéléologues s’en emparent, l’explorent attentivement à plusieurs reprises et lui font livrer, petit à petit, tous ses secrets. En 1929, pas moins de douze salles accueillent les premiers visiteurs. Ils découvrent, émerveillés, les riches concrétions calcaires, une multitude de stalactites et de stalagmites, un fouillis d’étonnantes draperies et de dentelles les plus raffinées que la nature a patiemment tissées, brodées et sculptées, pendant des milliers d’années. Le tout est admirablement éclairé par de nouvelles techniques très pointues qui respectent au maximum cet environnement exceptionnel et si fragile. Il y fait très frais et il vaut mieux avoir une  » petite laine  » sous la main, d’autant plus que l’exploration des richesses du sous-sol se poursuit.

On pénètre, maintenant, dans les carrières souterraines de Géromont. Dans le passé, on y a exploité le grès. Très dur et d’excellente qualité, il jouissait d’une réputation internationale et servait à paver les rues des villes en Belgique et de l’étranger. En suivant l’exemple de nombreuses carrières, Géromont a fermé ses portes à la fin des années 1960, à l’époque où le goudron a remplacé les pavés sur les routes. Il y a une dizaine d’années, le site a été ouvert au public. Il est vraiment impressionnant. Les carriers ont creusé ici, durant des décennies, des kilomètres de galeries. On chemine un bon moment dans ce labyrinthe sans fin pour assister à une sympathique animation  » son et lumière « . Des mannequins plus vrais que nature nous familiarisent avec les gestes ancestraux des carriers et des tailleurs de pierre. Devant nos yeux défile tout un pan d’histoire, devenu complètement obsolète… Aujourd’hui, les carrières abandonnées servent de refuge à certaines espèces de chauves-souris, très rares, que les responsables s’efforcent de sauver et de protéger. Ces petits animaux attachants et mystérieux ont, depuis peu, leur Centre d’Interprétation. Il est installé au sommet d’une ancienne carrière, dans un bâtiment étonnant, à deux pas de l’entrée de la carrière de Géromont. Dans le souci d’une intégration parfaite dans l’environnement, on l’a imaginé tout rond, organique. Sa silhouette circulaire s’inspire des bories, constructions primitives du sud de l’Europe et des bunkers du mur de l’Atlantique. L’ossature est recouverte de pierres sèches, quasi dépourvues de mortier. De nombreux artistes et artisans locaux ont prêté leur contribution, pour le rendre le plus authentique possible. On remarque, notamment, cette jolie porte d’entrée, réalisée par le ferronnier Michel Kremer qui représente une chauve-souris inversée. A l’intérieur ? Des panneaux didactiques, des photos, des pièces de musée, très joliment mis en scène, permettent d’approcher et d’approfondir l’univers sophistiqué de la chauve-souris, unique mammifère volant.

Comblain-au-Pont, un paradis vert

Pour terminer la journée en beauté, rien de tel que de retourner au village et s’installer sur l’herbe, au bord de l’Ourthe. Les habitants en profitent aussi. On y bouquine en paix, on papote et on pêche. On peut tout simplement contempler ce coin de paradis et cette nature intacte, source d’une douceur de vivre incomparable. Et que toute la population souhaite préserver à tout prix.  » Notre objectif consiste à apporter à la ville et à ses environs un développement durable, souligne Romuald Mitaty, responsable de l’Agence de Développement Local. Le tourisme se développe, certes, mais nous veillons à ce qu’il soit diffus et fluide, qu’il ne cannibalise pas le cadre de vie des habitants et qu’il respecte l’environnement. Ainsi, nous fermons, en hiver, une partie de la Grotte de l’Abîme, pour permettre aux chauves-souris d’hiberner en paix.  » Les richesses naturelles incitent à développer les balades et les randonnées. Les sentiers et les chemins sont innombrables. Une aubaine pour les marcheurs. Les sportifs peuvent descendre la rivière en kayak ou en radeau, faire du cheval ou du vélo. Les plus téméraires se lancent dans la descente en  » death ride « … Bref, rien ne manque pour faire de Comblain-au-Pont une halte de choix où l’on s’instruit, entretient sa forme et recharge ses batteries.

Barbara Witkowska

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