Le montant à lui seul a de quoi faire rêver tous les professionnels de la sphère fashion : selon Euromonitor International, l’un des leaders mondiaux en études de marché, la croissance du luxe masculin dépassera son pendant féminin dans les quatre prochaines années pour atteindre les 97 milliards de dollars de chiffre d’affaires contre 71 milliards  » à peine  » l’an dernier. De là à croire que, lorsqu’il consomme, l’homme est une femme comme les autres, il n’y a qu’un pas que les experts en marketing se gardent de franchir. Car s’ils sont 79 % à se dire victimes des mêmes pressions que leurs compagnes dès qu’il s’agit de se vêtir et de prendre soin d’eux (*), la décision d’acquérir un bien passerait chez ces messieurs par la nécessité de mieux connaître et comprendre les  » codes  » de la marque qu’ils ont en face d’eux. Un besoin de  » storytelling  » qui va de pair avec un certain sens des valeurs, donnant envie d’acheter peut-être pas moins – car on ne pourrait pas, dans ce cas-là, tabler sur une croissance à deux chiffres – mais autrement. Cette forme d’engagement réciproque, construite autour d’une belle histoire à raconter, Humberto Leon et Carol Lim y croient dur comme fer. A la tête de la direction artistique de Kenzo, le duo, qui nous a accordé une longue interview dans son studio parisien, s’emploie depuis bientôt quatre ans à définir pour la griffe un alphabet identitaire dans lequel tout un imaginaire lié aux océans occupe désormais une place de choix. Cela fait deux saisons déjà que la maison commercialise une édition limitée de ses sweat-shirts iconiques au profit de la Blue Marine Foundation. Au-delà du gain financier que l’ONG pourrait en retirer, ses administrateurs voient surtout dans la mode un des  » médias les plus puissants de notre temps « , capable de les aider à relayer différemment, et auprès d’autres franges de la population, leur message. Dans le même ordre d’idées, la série Abyss qui clôturait le défilé printemps-été 2015 d’Issey Miyake Men reproduit numériquement quelques-unes des mystérieuses créatures qui peuplent les grands fonds marins. Une manière d’attirer là aussi l’attention du public sur le travail de l’association Bloom, qui s’efforce de mettre en avant cette faune hélas de plus en plus menacée. Porter ces pièces d’une étrange beauté, c’est inviter ceux qui vous regardent à les contempler. A s’interroger sur ce qu’elles représentent aussi. Et à s’inquiéter de la survie de ces espèces. Un début de prise de conscience en somme. Dont on a tout à gagner.

(*) Résultats publiés lors de la 4e édition des Rencontres du luxe, le 21 janvier dernier à Paris.

Isabelle Willot

Un certain sens des valeurs qui donne envie d’acheter autrement.

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