Dans Julie & Julia, Amy Adams et Meryl Streep campent deux toquées de cuisine bien décidées à changer de vie. Une comédie optimiste et gourmande qui livre aussi sa recette du bonheur dans un mariage réussi.

Pour Meryl Streep et son mari, le sculpteur américain Don Gummer, l’amour aura pour toujours le goût d’une croûte aux pommes, bidouillée sur un coin de table avec les moyens du bord et une bouteille de rouge en guise de rouleau à tarte.  » Nous étions dans le Maine, en week-end, dans un petit cottage, rappelle l’actrice aux deux oscars. Nous ne pensions même pas à nous marier alors. Don me regardait fabriquer ce dessert à partir de rien : je n’avais pas de recette et je n’ai jamais pu le reproduire. Mais c’était délicieux. Je me suis laissé porter par la magie du moment.  » Lui aussi sans doute : les deux gourmands sont aujourd’hui mariés depuis plus de trente ans. De là à en déduire que l’art de manier le fouetà de cuisine reste encore le meilleur ciment d’un couple qui dure, il n’y a qu’un pas allègrement franchi par les héros et toute l’équipe de la nouvelle comédie de Nora Ephron.

Avec Julie & Julia, la scénariste et réalisatrice choisit non pas de raconter comme à l’accoutumée les déboires amoureux d’un homme et d’une femme qui se cherchent (souvenez-vous, When Harry met Sally, Sleepless in Seattle, You’ve got mail, c’était elle) mais les destins croisés – et 100 % véridiques -, contés en parallèle, de deux femmes en quête d’identité. Julia Child, campée par une Meryl Streep au sommet de son art, trouvera sa voie à plus de 40 ans en écrivant un livre de cuisine française, Mastering the Art of French Cooking, édités aux Etats-Unis à des dizaines de millions d’exemplaires. Julie Powell, interprétée par Amy Adams, connaîtra elle aussi la gloire cinquante ans plus tard en se mettant au défi de réaliser en 365 jours les 524 recettes du livre de Julia Child tout en racontant ses bonheurs et déboires culinaires sur son blog ( lire encadré ci-contre). Deux paris fous que ni l’une ni l’autre n’auraient pu gagner sans le soutien inconditionnel des hommes dont elles partageaient la vie.

 » En général, les comédies romantiques se terminent lorsque l’un des deux personnages dit à l’autre :  » Veux-tu m’épouser ?  » rappelle Nora Ephron. Il est très rare de trouver des films qui montrent ce qui se passe après, quand vous avez deux personnages d’intelligence égale qui s’adorent littéralement.  » Le drame sur pellicule se vend mieux que le bonheur qui peine souvent à convaincre.  » D’ordinaire, quand on vous parle de mariage à Hollywood, quelque chose d’horrible doit forcément se passer, plaisante Stanley Tucci, l’interprète de Paul, le mari de Julia Child. Les partenaires ne sont pas amoureux, ils tombent en désamour ou bien l’un d’eux va mourir. Ici, voir qu’un homme et une femme, même d’un certain âge, peuvent encore s’aimer avec passion, c’est une bouffée d’air frais. « 

Si l’on y croit sans se faire prier, c’est que Nora Ephron filme le bonheur sans le rendre niais. Les coups durs et les déceptions, les frustrations aussi, sont bel et bien au rendez-vous. Julie et Eric Powell, exilés dans le Queens et installés au-dessus d’une pizzeria ont des soucis d’argent. Julia et Paul Child souffrent de ne pas pouvoir avoir d’enfant.  » Mais en dépit de tout, ils se tiennent les coudes, insiste Chris Messina qui incarne le mari de Julie. J’avoue, quand j’ai lu le scénario, je me suis dit : « Ce n’est pas possible, un type aussi gentil, aussi patient, cela n’existe pas dans la vraie vie. » Pourtant c’est possible d’être comme lui attentif et patient. Il voulait que sa femme progresse. Une relation réussie, c’est comme une montagne russe. Il y a un effet balancier. Si à l’avenir, c’est lui qui avait du mal à se trouver, je suis sûre qu’elle serait là aussi pour l’aider. « 

Côté cuisine, la production n’a pas lésiné sur les moyens pour mettre l’eau à la bouche du spectateur à chaque plan. C’est peu de dire qu’il est conseillé d’avoir mangé avant la séance de ciné ! En coulisses, deux chefs professionnels s’activaient full time pour envoyer sur le plateau b£uf bourguignon et blanquette de veau à toute heure de la journée. Sans oublier les homards en guise de petit déjeuner.  » Je n’ai jamais aussi bien mangé sur un tournage, confie Chris Messina. D’ailleurs, j’ai pris 5 kilos ! Un jour, j’ai dû avaler plus de 32 bruschettas ! On avait placé un seau à côté de moi, je croyais que j’allais vomir. Mais non, j’ai tenu bon. Les prises s’enchaînaient, dix, onze, douze. J’ai commencé à me plaindre. Et Nora a crié de la pièce à côté : « Robert De Niro le ferait, lui ! » Que voulez-vous répondre à cela ! J’ai continué bien sûr. Mais je crois que je ne pourrai plus jamais avaler une bruschetta de ma vie ! « 

Un vrai challenge

Avant le tournage, tout le casting a bien sûr dû passer par la case cours de cuisine, histoire pour Meryl et Amy de maîtriser face caméra l’art de désosser un canard, de faire sauter une omelette comme une crêpe ou d’émincer les oignons mieux qu’un vrai chef et pour les autres de briser la glace.  » J’ai toujours adoré la cuisine française, confesse Meryl Streep. Avant, je savais juste ce qu’il fallait faire quand il s’agissait de la manger !  » Mais attraper le bon geste n’était qu’un défi mineur pour l’actrice face au challenge de porter à l’écran – sans le caricaturer – le personnage de Julia Child, sorte de Maité made in USA, extrêmement populaire aux Etats-Unis.  » Nous avons tous grandi avec elle, rappelle Meryl Streep. Tout le monde connaissait ses émissions télévisées (NDLR : elle aurait même inspiré le chef suédois du Muppet Show). Les gens adoraient sa voix, son allure, même quand elle n’a plus pu cuisiner elle-même – elle avait de l’arthrite – et se contentait d’interroger les chefs qui partageaient l’écran avec elle. En soi, interpréter quelqu’un d’aussi connu qu’elle, ce n’est pas plus difficile. Mais cela rend nerveux, car on sait que l’on sera davantage scruté, observé avec minutie.  »

Pour l’actrice, voir le monde avec les yeux et du haut du mètre quatre-vingt-huit de Julia Child était primordial.  » Pour cela, nous avons utilisé tous les trucs possibles et imaginables, décrit Nora Ephron. Des talonnettes, des costumes qui décalaient la taille, des coussins sur les chaises et des partenaires tous plus petits que Meryl ! C’était une contrainte du casting. A mon avis, ce n’est pas tout à fait légal ! « 

De cette expérience, Meryl Streep a ramené quelques recettes à la maison.  » Un soir, Stanley et moi avons cuisiné tout un dîner français pour nos conjoints respectifs, avoue-t-elle tout sourire. Une blanquette de veau et une tarte Tatin. Ça nous a pris des heures ! Il était bien 11 heures du soir quand nous avons posé les plats sur la table.  » Oubliée par contre la technique périlleuse de découpe des oignons enseignée.  » Non, ça ce n’était pas pour moi, c’est pour se peler le bout des doigts, s’exclame-t-elle avant d’ajouter : Vous savez peut-être que savoir cuisiner est un des secrets d’un mariage qui dure. A condition, dans mon cas, de ne pas avoir le palais trop délicat ! Mon mari est heureux avec tout ce que je lui prépare, ce qui, en soi, est déjà remarquable et merveilleux. Et moi, je trouve qu’il n’y a pas plus attirant qu’un homme qui cuisine. C’est comme savoir jouer du piano. Vous regardez, vous écoutezà C’est sublime.  » Tout simplement. n

Par Isabelle Willot

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