Le nec-plus-branché pour recevoir des amis à dîner : dresser la table en cuisine et leur concocter un menu tout droit sorti du fourneau privé. griffé par un chef étoilé !

C’en est bien fini le temps où la cuisine était l’apanage des ménagères mitonnant de grosses marmites fumantes sur leur cuisinière au gaz et posant la casserole à table pour qu’on s’y serve à la loucheà Aujourd’hui la cuisine à domicile s’est forgé de nouvelles lettres de noblesse. Désormais, les amoureux de gastronomie mettent un point d’honneur à mettre la main à la pâte face à leurs propres fourneaux, en s’inspirant des gestes des chefs, devant leurs invités pour les plus audacieux. Livres, émissions, cours de cuisine, et même télé-réalité se multiplient. Et les grandes marques d’équipements ne se privent pas de surfer sur la tendance, faisant appel à des chefs étoilés pour signer leurs nouveautésà Tout profit pour ces derniers qui voient là une manière de partager une passion certes mais également parfois d’arrondir des fins de mois pas toujours faciles en ces temps de crise.

Design et technique

Krëfel vient ainsi de s’offrir les services de Lionel Rigolet, le chef 2-étoiles du Comme chez Soi, à Bruxelles, pour créer une cuisine de pro à intégrerà chez soi.  » La cuisine, comme la salle de bains, a changé de statut ces dernières années, justifie Emile Pint, District manager de la marque belge. Aujourd’hui, c’est un véritable espace de vie. D’ailleurs la vente de salles à manger diminue et le créneau descuisines haut de gamme se développe.  » Plan de travail en Inox réalisé d’une seule pièce, duo de fours pour garder les aliments au chaud et combiner différents modes de cuisson, wok au gazà Aux manettes de ce must de la marque, les cuisiniers du dimanche peuvent se la jouer chef-coq.  » ça me motive de partager mes connaissances, affirme Lionel Rigolet. Cette concurrence de la cuisine à domicile ne me fait d’ailleurs pas peur. Car le résultat n’équivaudra jamais à celui de mon restaurant, dans lequel travaillent douze cuisiniers. L’objectif est différent.  » Si le chef concède qu’un certain public est intéressé par ces cuisines de chef seulement par snobisme – ignorant jusqu’au mode d’emploi de l’engin – il pense également que bon nombre de particuliers sont réellement passionnés.

La marque allemande Miele, elle, vient également de conclure un partenariat avec Yves Mattagne du Sea Grill – le restaurant doublement étoilé du Radisson SAS Royal Hotel (Bruxelles) – pour équiper les nouveaux ateliers du chef, ouverts depuis peu au grand public sur le site bruxellois de Tour & Taxis. Avec cette nouvelle infrastructure, Mattagne et son équipe espèrent attirer près de 6 000 personnes par an à ces cours, contre 4 000 dans son ancienne implantation située en Brabant wallon.

Dans un style un peu différent, mais toujours très  » pro à domicile « , la marque de cuisinières Aga, connaît aussi un succès grandissant, avec une augmentation de ses ventes de 5 % par an. En Belgique, depuis trente ans, la société, née il y a cent ans en Suède, propose des cuisinières en fonte à feu continu, avec 2, 3 ou 4 fours, et un design rétro.  » C’est une cuisinière qui s’adresse tant aux particuliers qu’aux restaurants de petites tailles, précise-t-on chez Aga. Mais c’est bien plus que ça. Il y a une véritable façon de vivre autour de l’Aga, qui joue un peu le même rôle qu’un poêle. On peut même se sécher les cheveux avec !  » Preuve du succès de ces modèles  » simili-pro  » : un fan club a été crééà

Les accessoires suivent

Dans le domaine des accessoires de cuisine aussi, les modèles  » recommandés par le chef  » ont la cote. Ainsi, Michel Bras, vient d’éditer une gamme de couteaux avec la marque japonaise Kai – un comble pour ce chef 3-étoiles, originaire de Laguiole, une ville française mondialement célèbre pour sa coutellerie. Quant au chef britannique Jamie Oliver – champion toute catégorie du marketing culinaire, auteur de multiples livres à succès et à la tête d’une kyrielle d’émissions culinaires -, il a même engagé une équipe de designers pour sortir régulièrement de son chapeau des objets usuels marqués Jme. Parmi les objets  » in  » de Jamie : le Squash Tea Pot, petite théière en forme de poire avec packaging design ; la bouteille de Real Tomato Ketchup ; ou encore les Flos Black Grinders, des moulins à épices aux formes ergonomiques et minimales.

Chez nous, le magasin néo-louvaniste Les Secrets du chef, qui allie épicerie fine, vente d’ustensiles de cuisine  » pro  » et cours de gastronomie, séduit plus que jamais. Une deuxième enseigne vient d’ouvrir au Woluwe Shopping Center (Bruxelles) et le concept s’est vu décerner, à Chicago, un Global Innovator Award pour son originalité.

La tendance est donc loin d’être marginale. Les particuliers veulent davantage faire  » comme les chefs  » à domicile et le matériel suit. Si la crise peut expliquer en partie cette envie de faire de sa cuisine un restaurant, à moindre frais, elle ne justifie pas à elle seule cet engouement. Pour Jean-Pierre Poulain, auteur de Sociologies de l’alimentation (PUF),  » cela démontre que la cuisine n’est plus une simple activité nourricière. Elle symbolise un désir d’affirmation de son identité, de sa culture, d’un style de vie et d’un art de vivre, plutôt qu’une régression vers la tradition par crainte de la mondialisation « . D’autres observateurs estiment toutefois que jouer les chefs à domicile est une manière de combattre la malbouffe.

Entre frime, démarche citoyenne et véritable passion, le marché des cuisines professionnelles pour particulier a de beaux jours devant lui. A quand des toques et tabliers griffés pour que les apprentis chefs puissent vraiment se la jouer vedette étoilée ?

Fanny Bouvry

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