À 37 ans, ce passeur de talents, organisateur affranchi de rave parties, vient de lancer le Silencio, le premier club parisien intégralement conçu par le cinéaste David Lynch. Personne n’y croyait. Aujourd’hui, le monde entier de la nuit l’envie.

À 7 mètres sous terre, comment faire la différence entre la nuit et le jour ? C’est un peu le problème horloger d’Arnaud Frisch, 37 ans, propriétaire et initiateur du Silencio, le nouveau club immergé sous le pavé parisien, conçu du sol au plafond, et dans ses moindres détails, par le cinéaste-musicien-plasticien David Lynch. Une première puisque jusqu’ici jamais le réalisateur culte de Mulholland Drive n’avait signé d’architecture intérieure.

Arnaud Frisch arrive enfin à bon port après deux ans de traversée houleuse. Assis sous les voûtes dorées de ce lieu protéiforme – espace labyrinthique, dédale ultraprivé réservé à une pincée de happy few, le Silencio est une salle de concert mais aussi un bar, une bibliothèque, une galerie d’art, une salle de cinéma et on en passe – le jeune maître d’ouvrage exténué rêve visiblement d’un long sommeil en apnée, ce qui n’est pas la moindre contradiction pour ce noctambule épris de décibels depuis son plus jeune âge.

Touche rewind… Avant de rejoindre une école supérieure de commerce, Arnaud Frisch est happé dès l’adolescence par la musique électronique.  » La première vague électro des années 80 a été fondatrice pour moi comme pour toute une génération, explique-t-il. J’avais 15 ans, j’ai été séduit par la dimension utopique et la culture de l’anonymat que ce courant incarnait. En rassemblant des gens d’un bout à l’autre de la planète, la scène électro a été d’une certaine manière un avant-goût de la mondialisation artistique. « 

Programmateur précoce de raves parties, Arnaud Frisch est alors un militant de la cause techno, luttant jusque devant les tribunaux contre ceux qui tentent de faire interdire les soirées aux beats hypnotiques. Homme de terrain approché par l’ancien ministre français de la Culture Jack Lang, il devient l’un des piliers des premières Techno Parade parisiennes avant de déserter pour de bon la rue au profit des studios feutrés d’enregistrement.

Devenu producteur de musique via son label Savoir-Faire Records, Arnaud Frisch aime faire coexister les artistes émergents (Birdy Nam Nam avant leur Victoire de la Musique) et les grandes pointures qu’il arrive, déjà, à convaincre de collaborer avec lui. Hier, Jeff Mills, le big boss de la techno de Detroit et dieu vivant des platines, aujourd’hui David Lynch, mué en directeur artistique du Silencio et considéré comme l’un des créateurs majeurs de ces vingt dernières années… Inutile de demander à ce garçon discret mais audacieux d’où lui vient ce talent fédérateur, il botte en touche.  » David s’est décidé très vite. C’est quelqu’un d’intuitif, il nous a fait confiance. « 

Tenter le portrait de famille n’est pas plus aisé. On saura tout juste qu’ Arnaud Frisch est issu d’une famille de businessmans, que son frère est créateur de start-up et que sa s£ur travaille chez L’Oréal. Lui qui n’apprécie rien tant que les ondes énergisantes des mégalopoles s’est offert quelques allers-retours entre Los Angeles et Paris pour élaborer aux côtés de Lynch le projet Silencio. Logé très loin sous le bitume, peut-être en souvenir des raves d’antan, ce club transdisciplinaire aux allures de post- » Factory  » warholienne a la particularité d’avoir au-dessus de sa tête, c’est-à-dire au rez-de-chaussée, le Social Club, l’autre club mais tendance électro, cofondé par Arnaud Frisch en 2008. Le must absolu de la branchitude consiste alors de passer le même soir du premier au second, à condition que le portier vous laisse entrer…

Carnet d’adresses en page 80.

PAR ANTOINE MORENO

 » LA SCÈNE ÉLECTRO… UN AVANT-GOÛT DE LA MONDIALISATION ARTISTIQUE. « 

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