Plus que jamais, Burberry se profile comme l’une des griffes à suivre cet hiver. Principal instigateur de ce renouveau, Christopher Bailey nous dévoile ses secrets et son carnet d’adresses. Pour Weekend, l’as de carreau joue cartes sur table…

La Grande-Bretagne lui doit une fière chandelle. En six ans, Christopher Bailey a transformé l’un des joyaux avachis de la couronne, Burberry, en tête de pont du luxe et du glamour. Une métamorphose qui a nécessité quelques petites entorses au protocole. Le tartan cher à l’aristocratie a par exemple rétréci au lavage, cédant du terrain à d’autres étoffes, motifs et coloris.

Cet hiver, les petites Anglaises défileront ainsi cintrées dans des armures postpunk à l’élégance échevelée. Et si le trench a toujours sa place dans le dressing de monsieur, il se décline désormais dans des tons acidulés, voire doré sur  » trench  » ! Shocking ? Pas vraiment. Car ce diable de Christopher Bailey révolutionne les codes de la maison sans trahir sa majesté. A bien y regarder, il marie en effet l’élégance Upper Class avec cette fantaisie au vitriol qui éclabousse la culture underground british. C’est un peu comme si d’un coup, les Clash s’invitaient à Buckingham Palace ! Même passablement ébouriffé, l’honneur est donc sauf. Et le mythe intact.

Un tour de force dont le jeune directeur artistique pourrait aisément tirer quelque vanité. Mais ce n’est pas dans le tempérament de ce gentleman discret qui préfère l’air de la campagne aux vapeurs électriques des parties londoniennes ; les endroits patinés aux vitrines clinquantes ( voir son carnet d’adresses en page 70).

Meurtri dans sa chair il y a deux ans suite à la perte de son ami belge – ce qui explique son attachement à notre pays -, Christopher Bailey semble avoir décidé de vivre avec le passé plutôt que contre lui. Il en tire le meilleur et l’ancre dans le présent. Si Londres swingue à nouveau, c’est aussi un peu grâce à lui…

Weekend Le Vif/L’Express : Quelle a été votre recette pour redonner du pep à Burberry ?

Christopher Bailey : Quand je suis arrivé, j’ai commencé par interroger tout le monde. Les personnes qui travaillent chez Burberry aussi bien que mes amis ou ma famille. Je pensais que ces discussions m’aideraient à cerner l’âme de la griffe. Tout le monde m’a évidemment parlé du trench et des carreaux, mais chacun avait une vision différente de la marque. Certains la voyaient comme un symbole de classicisme, d’autres comme le spécialiste des vêtements fonctionnels ou de pluie et de chasse, d’autres encore comme un label sexy porté par des stars comme Charlotte Rampling ou encore comme un tailleur exclusivement pour hommes. Cette multitude de points de vue m’a un peu perturbé. Et puis j’ai réalisé que c’est précisément ce qui fait la force de Burberry : c’est une marque plus qu’un statut, démocratique, ouverte et que tout le monde peut porter. Le seul vêtement qui puisse rivaliser avec le trench, c’est le jeans, l’accessoire de mode universel absolu…

Le rajeunissement de la marque passe aussi par les campagnes de pub. Visuellement très fortes, les images en noir et blanc de Mario Testino mélangent filles et garçons, mannequins et jeunes talents de la scène rock britannique… Le résultat d’une stratégie mûrement réfléchie ?

Le but des campagnes est d’exprimer et d’articuler la vision de l’univers Burberry, qui englobe naturellement les hommes. Le casting se fait de manière très instinctive. Nous partons de l’esprit et du ton que nous voulons mettre en avant pour la saison, et ensuite nous construisons le casting autour de cette idée. Mario et moi travaillons très étroitement. On discute des personnes qui pourraient convenir et de la dynamique qu’elles dégageront ensemble. Le processus évolue sans cesse. Rien n’est figé jusqu’à ce que la photo soit prise. Si nous rencontrons quelqu’un le matin du shooting, il n’est pas exclu qu’on lui demande de participer à la campagne. Un des atouts de ces visuels, c’est de mettre en scène les différents profils de la galaxie Burberry.

Vous avez grandi avec les peintures de David Hockney. L’art vous inspire-t-il ?

David Hockney a été une source d’inspiration depuis que je m’intéresse à l’art, au design et à l’esthétique en général. Il faut dire que j’ai des affinités naturelles avec ce peintre. Nous avons tous les deux des racines nordiques très fortes et nous apprécions la culture et les paysages magnifiques du Yorkshire. Je ne suis pas sûr pour autant que le monde de la mode et celui de l’art soient aussi imbriqués qu’on le prétend souvent. Ce qui n’empêche pas que toutes les formes d’expression, musique, mode, art, graphisme, photo, etc. se nourrissent les unes les autres.

Votre démarche change-t-elle selon que vous créez pour la femme ou pour l’homme ?

Je pars toujours des matières, que ce soit pour l’homme ou pour la femme. Pas seulement parce que c’est ce qui a de plus important pour moi mais aussi parce que c’est une tradition chez Burberry. La maison a inventé la gabardine et a toujours porté une attention particulière aux tissus. Ensuite viennent les couleurs pour peaufiner l’allure générale. Finalement, j’essaie toujours de coller au plus près de l’esprit de la saison : ai-je envie que la collection soit joyeuse, discrète ou sexy ? C’est à moi de répondre et de faire passer le message à mes équipes. Ce que j’ai appris de plus précieux ici, c’est à travailler avec d’autres personnes et à trouver les mots pour les motiver. Je suis pointilleux quand il s’agit d’exprimer une idée. Mais ça ne passe pas chez moi nécessairement par un croquis, mais plutôt par la discussion, l’observation, les essais, voire la confrontation… En tant que directeur de création, mon rôle est aussi d’assurer une certaine continuité. La presse veut toujours du nouveau, mais je pense que les gens ont besoin d’une certaine stabilité.

Homme des villes ou homme des champs ?

Les deux. Vivre à la fois dans le Yorkshire et à Londres comme je le fais est très enrichissant. Et bien que les deux modes de vie soient différents, ils sont tout à fait complémentaires pour une marque comme Burberry qui a ses racines aussi bien en ville qu’à la campagne. C’est d’ailleurs la combinaison de son héritage, de son charme et de sa touche mode qui rend Burberry unique.

Vos endroits préférés ?

La Belgique où j’ai passé des moments qui resteront gravés en moi à jamais. J’ai d’ailleurs de la famille dans une petite ville de Flandre occidentale, Dadizele. Sinon l’Italie, pays d’origine de la famille de ma mère. Londres aussi, cette ville incroyable dont le chaos et la folie vous envoûtent. Et enfin le Yorkshire, où bat mon c£ur…

Toujours pas de projet de marque propre ?

Non. Il y a tellement de choses que j’ai encore envie de faire avec Burberry et puis je n’ai jamais été obsédé par l’idée de mettre en avant mon nom. Je me sens déjà privilégié de travailler dans une entreprise au passé prestigieux, et qui a en plus une vraie intégrité et une culture exaltante.

Le week-end idéal ?

J’essaie toujours d’aller dans ma maison de campagne du Yorkshire. J’ai grandi là-bas et c’est là-bas que je me sens le plus chez moi. J’adore être en contact avec la nature.

Le carnet d’adresses de Christopher Bailey en page 70.

Mes 10 bonnes adresses en Belgique

1. Knokke. Une très belle plage du Nord dont je garde des souvenirs personnels très intenses…

2. L’hôtel De Witte Lelie à Anvers. C’est l’un de mes hôtels préférés dans le monde. Chaque chambre est unique. Et l’on y sert d’exquis petits déjeuners.

3. La Maison Rubens à Anvers. Un endroit très touristique mais qui vaut néanmoins le détour.

4. Le quartier du diamant à Anvers. J’adore ce coin de la métropole. Il est historique et en même temps il dégage une atmosphère exotique.

5. La boutique Dries Van Noten, toujours à Anvers. Un must. A mes yeux, c’est l’une des plus belles boutiques, que ce soit pour les vêtements, pour l’architecture et pour l’atmosphère.

6. Tous les magasins qui vendent du délicieux chocolat belge ! J’en suis fou…

7. La Grand-Place d’Anvers. C’est merveilleux de voir le monde défiler sous vos yeux pendant que vous dégustez un café sur cette place historique.

8. Manneken Pis ! Il me fait rire à chaque fois que je le vois.

9. L’Atomium. Je suis toujours impressionné par l’architecture de ce bâtiment érigé pour l’Exposition universelle de 1958.

10. Les plus beaux magasins d’antiquités dans et autour d’Anvers.

Mes 10 bonnes adresses à Londres

1. Parc public : Green Park. Je peux le voir depuis les fenêtres de mon appartement. C’est un espace ouvert, aéré, avec de très beaux arbres, le tout en plein centre de Londres.

2. Pub : The Windsor Castle

(quartier de Kensington). Pour leur fameux rôti du dimanche.

3. Thé et scones : Claridges (quartier de Mayfair). Pour son atmosphère élégante et délicieusement surannée.

4. Musée : National Portrait Gallery. J’adore les portraits. En plus, c’est près de chez moi, je peux donc m’y rendre régulièrement.

5. Marché d’antiquité : Portobello Road le vendredi. Pour tout ce qu’on peut y dénicher d’extraordinaire.

6. Architecture : la tour Gherkin de Norman Foster. Parce que c’est un magnifique nouveau point de repère…

7. Un tour en taxi la nuit : en remontant le Mall vers Buckingham Palace. Pour sa vue magique sur Londres.

8. Quartier : Shepherd’s Market et alentours du côté de Mayfair. L’endroit idéal pour flâner et pour trouver un bon restaurant.

9. Opéra : Royal Opera House. Pour admirer sa nouvelle décoration et assister à un grand spectacle.

10. Livres rares : toutes les librairies de Charing Cross Road ( NDLR : à proximité de Trafalgar Square). Pour leur charme mondain un peu suranné.

Propos recueillis par Laurent Raphaël

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