Aventurier du business, serial entrepreneur reconverti dans l’art contemporain, Joël Moens de Hase a bourlingué du matos PC aux biberons Mickey et de l’immobilier aux donzelles dénudées. Une histoire de clics et de risques calculés.

Ses beautés callipyges s’exhibent dans la capitale aux murs du Callens Café, où nous le retrouvons, tandis que le personnel de l’établissement lui assure qu’aucune autre expo n’a connu un tel succès. Il faut dire que ses mosaïques sexy ne passent pas inaperçues, il en a d’ailleurs vendu près de trois cents en moins de trois ans.  » J’aime que mon travail interpelle, dit Joël Moens de Hase, quand d’autres oeuvres laissent le public à sa tiédeur. Quel est le but de l’art contemporain, si ce n’est de susciter une réaction ?  »

Né d’un père gantois et d’une mère liégeoise, le jeune Joël a suivi un parcours classique, enchaînant école catholique et science éco à l’université. Une quelconque sensibilité artistique qui germe en ces vertes années ? Même pas. Mais de la créativité à revendre, au propre comme au figuré. Quand il entre chez IBM, alors summum de la coolitude eighties, il inonde la boîte à idées de projets toujours récompensés, mais jamais appliqués. Alors c’est le processus de suggestions qu’il propose d’améliorer. Après cinq ans, il démissionne :  » C’était une grosse entreprise, lourde comme un paquebot, et je préfère les hors-bord ou les voiliers.  » Il commence par importer des gadgets américains, tournant le dos aux babioles  » made in Taïwan  » si répandues à l’époque. Le Chip Clip, pour  » hermétiser  » les paquets de chips entamés, et les overshoes de caoutchouc, censées protéger les chaussures des intempéries, font un flop. A l’inverse, la nappe en vinyle à colorier sera un énorme carton, il en vend 200 000. Quand la contrefaçon tue sa poule aux oeufs d’or, il est déjà ailleurs, détenteur d’une licence Disney, et ses biberons Mickey envahissent les nurseries du pays.

Nous sommes dans les années 90 et Joël Moens de Hase revient ensuite vers l’informatique en plein boum, plus inspiré par son sens du business que par son passage chez IBM. Il commercialise des PC à la carte et son chiffre d’affaires double chaque année pendant cinq ans. Du hardware, il passe au Net et s’intéresse à l’architecture de réseau, mais son coeur de métier devient de plus en plus technique ( » Je n’y comprenais plus rien ! « ), alors il revend une fois de plus, et se lance dans un autre créneau en vogue : l’immobilier.  » J’ai toujours mal vendu mes sociétés, admet-il sans ambages. Pour moi, le cycle idéal dure sept ans, passé ce délai, on tourne en rond et il est temps de changer. Il suffisait d’une offre au bon moment et je fonçais pour une nouvelle histoire, une page blanche. Les entrepreneurs sont les aventuriers de notre temps.  »

Et l’art dans tout ça ? Il arrive presque par hasard, ou plutôt par ennui. Sans doute aussi par besoin d’exprimer sa créativité d’une manière plus intime, moins rationnelle. Il suit une formation complète – dessin, fusain, acrylique ou aquarelle – et, à 50 ans, fait ses débuts dans la peinture abstraite.  » Ça se vendait, on me disait bon coloriste, mais ça restait de la déco. Or, je ne désirais pas être un artiste du dimanche, j’en voulais plus.  » Jusqu’à ce déclic qui sera finalement… un clic : en s’intéressant aux logiciels de création artistique, il perçoit un potentiel à exploiter.  » Depuis, je fais de l’art contemporain avec des outils contemporains, résume-t-il. Le programme est ma toile et la souris, mon pinceau.  » En guise de couleurs, Joël Moens de Hase puise de voluptueuses courbes féminines dans les catalogues et magazines, de Playboy aux 3 Suisses, ainsi que sur Internet. Deux ans à accumuler 70 000 clichés, sélectionnés et coupés un par un, pour ensuite être assemblés façon mosaïque. Un labeur de pointilliste 2.0 qui suscite parfois la perplexité.  » Non, je ne suis pas fétichiste de la petite culotte, s’amuse-t-il. C’est un hommage à la féminité, à la maternité, à la sensualité, sans laquelle nous ne serions rien. Quoi de plus esthétique qu’un corps de femme ? Mes oeuvres sont l’expression d’une dualité, elles renvoient les gens à leur propre sexualité mais ne choquent plus grand monde de nos jours. Même Bernadette Chirac les a appréciées !  »

Monomaniacs, Joël Moens de Hase, 8e étage du 550, chaussée de Louvain, à Bruxelles. Jusqu’au 30 septembre. Et Accessible Art Fair, 367, avenue Louise, à 1050 Bruxelles. Du 16 au 19 octobre prochain. www.joelmoens.com

PAR MATHIEU NGUYEN

 » Les entrepreneurs sont les aventuriers de notre temps. « 

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