Leurs styles n’ont peut-être rien en commun. Mais ils éditent tous des meubles et des objets made in Belgium, pétris de toutes les facettes de notre culture et de notre qualité de vie. Weekend vous emmène à la découverte de ces entrepreneurs qui font éclore le design belge de demain.

Quand on parle de design, pour beaucoup d’entre nous, c’est d’abord l’Italie, le Danemark ou la Finlande qui viennent à l’esprit. Comme si chacun de ces pays avait un style bien à lui, reconnaissable entre tous. Poser la même question à propos du design belge, c’est prendre le risque d’être confronté au silence dubitatif de votre interlocuteur… Comme si la  » définition  » de ce concept était aussi complexe que nos institutions politiques… Notre pays pourtant, fourmille de talents, qui ne semblent pas faire partie pour autant d’un même courant esthétique.

 » Il n’y a peut-être pas d’unicité formelle, reconnaît Marie Pok, responsable de l’édition 2007 de « Design in Belgium », le répertoire qui reprend chaque année la liste des acteurs du secteur. Mais il existe un marché et une industrie du design dynamique, en Belgique. On ne peut pas nier sa présence, même si elle reste bien sûr à la dimension dans notre pays. Les éditeurs n’ont pas les moyens publicitaires des grandes marques italiennes, il leur est moins facile de se faire connaître et d’organiser un réseau de distribution international.  »

Pourtant, nombre de maisons sont parfois plus connues à l’étranger que sur le marché local.  » Les magasins de meubles en Belgique restent somme toute assez frileux « , regrette Thierry Herbert, product manager chez Wildspirit, créé en 2004.  » La plupart des gens affirment que le design belge n’existe pas. Feld aimerait faire en sorte que cela change, explique Sébastien Feldbrugge, fondateur d’un autre label lancé la même année. Mais notre culture, notre savoir-faire et notre qualité de vie se traduisent inévitablement dans nos produits.  » Pour Gerd Couchuyt, l’un des deux directeurs artistiques de Moon, dont les sièges de bars, présentés à la Biennale Interieur, à Courtrai, en octobre dernier, se retrouvent déjà dans bon nombre de clubs parisiens branchés, les Belges confirment, en design aussi, leur art du compromis :  » Nous sommes le « in between », entre la solidité scandinave et les belles formes du Sud.  »

Au travers des pièces phares et de l’approche différenciée de 8 jeunes éditeurs, Weekend vous invite à vous forger votre propre opinion. Pré

Vlaemsch ( ), le régionaliste

Année de création : 2004.

Directeur artistique : Casimir.

Philosophie :  » Je veux proposer des produits qui ont « l’esprit flamand », autrement dit qui cultivent l’humour, le non-sens tout en recherchant l’essence même des choses « , explique Casimir, fondateur, DA de la marque et l’un des rares designers  » made in Vlaanderen  » travaillant pour le label. C’est d’ailleurs plus une manière d’être qu’une identité locale. Un regard sur les choses que je crois typiquement Flamand, mais que l’on peut retrouver ailleurs qu’en Flandre.  » Depuis son lancement, l’entreprise installée à Heusden-Zolder a édité une vingtaine de meubles et accessoires, vendus dans plus de 120 boutiques, en Belgique et à l’étranger. Son public cible ?  » Des gens qui veulent des produits plus personnels, mais pas à n’importe quel prix, ajoute Casimir. A tous les niveaux, on pratique les mélanges aujourd’hui : Margiela et H&M, Cappellini et Ikea. Le nom du designer ou de la marque n’est plus essentiel, ce qui compte vraiment, c’est la qualité du design.  »

Produit phare : les  » Animaux  » du collectif Big Game (1.), aujourd’hui réédités en noir et en doré. Un succès mondial qui a presque fait de l’ombre au reste de la collection.

Nouveauté : le duo suédois de Front Design a revisité la chaise de jardin en plastique (2.), en l’habillant d’une housse plein cuir.

Dark, le sensuel

Année de création : 2000.

Fondateur : Marnick Smessaert .

Philosophie :  » Soit on aime, soit on hait ce que nous faisons, tranche d’emblée Marnick Smessaert, fondateur de cette agence très créative spécialisée dans les luminaires. Nos produits prennent de la place, on ne peut pas les louper, ils changent l’atmosphère en profondeur. Le design doit parler aux émotions et aux sens, avoir son propre langage et par-dessus tout influer sur l’espace dans lequel il est utilisé.  » Aucune des pièces signées par ses 18  » cow-boys  » (designers en langue darkienne) ne manque de personnalité. Chaque créateur développe sa propre relation à la lumière, et s’en sert pour exprimer toute sa singularité.  » Vous ne trouverez aucun appareil anonyme ici. Et puis, je déteste les copycats « , ajoute Marnick Smessaert. Depuis sa création, Dark a édité une trentaine de luminaires, gagné 22 prix internationaux et est exporté dans plus de cinquante pays.  » Ce qui montre qu’on peut être original et avoir un impact énorme sur le marché mondial « , se félicite le fondateur.

Pièce phare : Faite main par le très avant-gardiste Arne Quinze (par ailleurs fondateur de la maison d’édition Quinze et Milan), la lampe Oblivion s’apparente à une véritable sculpture organique (photo, ci-dessus).

Wildspirit, le transformiste

Année de création : 2004.

Project manager : Thierry Herbert.

Philosophie : aller toujours un peu plus loin dans la recherche de produits intelligents, esthétiques et durables. Spin off de l’éditeur de tapis haut de gamme Limited Edition, la jeune société s’est spécialisée dans les meubles polymorphes : autrement dit, des objets avec plusieurs fonctions (une table – trône, un paravent – armoire…) dotés d’une identité visuelle très forte dans chacune de leurs mises en scène.  » Nous voulons proposer des meubles polyvalents, parfaits pour les petits intérieurs urbains luxueux, rappelle Thierry Herbert. Des objets précieux, intemporels et contemporains à la fois, fabriqués par des artisans passionnés.  » Au fil du temps, les créations sont devenues un peu plus rationnelles que les premiers prototypes, plus proches des pièces de collection.

Produit phare : la chaise Troya de Jordi & Borja Veciana (1.). Editée en série limitée, elle peut même être customisée à la demande pour s’adapter à tous les styles d’intérieur.

Nouveauté : la chaise Play d’Alain Berteau (2.) est l’un des rares modèles en bois du marché que l’on puisse empiler, ce qui explique son succès grandissant auprès des collectivités.

Vange, le passionné

Année de création : 2003.

Fondateur : Michel Van Genechten.

Philosophie :  » Vange, c’est avant tout un laboratoire d’idées, souligne le fondateur Michel Van Genechten. J’aime promouvoir une certaine prise de risque, l’approche expérimentale, notamment chez les jeunes designers prometteurs et reconnus par leurs pairs comme Charles Kaisin ou Alain Berteau. Mais nous travaillons aussi avec des créateurs plus établis et aussi charismatiques que Fabiaan Van Severen.  » Une démarche qui n’est pas sans rappeler la  » mixité  » du collectif britannique Established & Sons. S’il se définit sans ambiguïté comme une marque belge, Michel Van Genechten ne ferme pas la porte pour autant aux designers étrangers. Sa notoriété, hors de nos frontières, est en pleine croissance. Mais l’entrepreneur reste prudent :  » Le succès d’estime que vous pouvez rencontrer lors d’un salon international n’est pas immédiatement synonyme de débouché commercial.  »

Le produit phare : le K-Bench du designer belge Charles Kaisin (1.) a contribué à la notoriété internationale et au succès commercial de Vange. C’est encore aujourd’hui la pièce la plus vendue de la marque.

La nouveauté : résolument design, l’Y-Table de Fabiaan Van Severen (2.) est proposée, aussi, en édition collector, avec des annotations techniques et des dessins du designer sur toute sa surface. Des chaises assorties sont à l’étude.

Extremis, l’humaniste

Année de création : 1994.

Fondateur : Dirk Wynants.

Philosophie :  » Nous voulons créer des produits qui améliorent la convivialité et la fonctionnalité. Des produits qui ont leur propre raison d’être et qui ne sont pas la centième variation d’un thème déjà existant « , défend Dominique Meersman, directeur des ventes et du marketing d’Extremis. Pionnière de la outdoor attitude, la société a été fondée, il y a plus de dix ans, par l’architecte d’intérieur Dirk Wynants. La marque est aujourd’hui distribuée dans 43 pays et est très régulièrement citée dans la presse spécialisée comme un exemple de grande qualité et d’innovation. Une appréciation positive qui, selon Dominique Meersman, caractériserait tout le design belge depuis quelques années :  » On est reconnu à l’étranger pour être avant-gardistes et surprenants . »

Produit phare : Gargantua (1.), la première table de jardin signée Wynants permet de régler la hauteur du banc pour les grands et les petits. Révélatrice de l’esprit du fondateur, pour qui la  » sociabilité  » d’un objet est nécessaire, cette première réalisation est en quelque sorte la mère de toutes les suivantes.

Nouveauté : le tabouret Bronco de Dirk Wynants qui offre le même confort d’assise qu’une selle de cheval. Pratique : un espace est prévu à l’avant du tabouret pour déposer une boisson si aucune table n’est dans les environs. La table Corral (2.) en polyéthylène peut accueillir sept tabourets Bronco

et peut être équipée d’une unité lumineuse.

Feld, le populaire

Année de création : 2004.

Fondateur : Sébastien Feldbrugge.

Philosophie : Feld veut combiner la production industrielle aux techniques les plus performantes pour  » offrir des produits de qualité à des prix abordables et toucher ainsi un large public « , comme le répète Sébastien Feldbrugge depuis qu’il a lancé sa marque de mobilier lors de l’édition 2004 de la biennale Interieur. Convaincu que la Belgique fourmille de jeunes pousses qui ne demandent qu’à grandir, ce féru de design a su depuis lors s’entourer de designers belges renommés internationalement, comme Bram Boo et Alain Berteau. Feld peut compter sur une trentaine de points de vente en Europe. Aux Etats-Unis, il est distribué à New York et à Scottsdale (Arizona). Le défi pour un jeune éditeur ?  » Le marché est saturé. Il faut pourtant toujours essayer de créer l' »autre » table, l' »autre » chaise . » Tout en restant humble :  » Nous ne révolutionnerons pas ces produits-là. Par contre, nous pouvons certainement les améliorer.  »

Produits phares : Etcetera de Bram Boo (1.) qui combine en une seule pièce deux bancs et une table en aluminium et les très belles chaises Fence d’Alain Berteau (2.) qui s’emboîtent pour former un banc.

Moon, le futuriste

Année de création : 2006.

Directeurs artistiques : Philippe Meurisse et Gerd Coukhuyt.

Philosophie :  » Travailler sur des matériaux innovants qui permettent de créer un univers complet, sensuel et futuriste « , explique Philippe Meurisse, l’un des fondateurs de Moon. Découverts lors de l’édition 2006 de la biennale Interieur, ces Courtraisiens ont conçu une petite ligne de meubles à la fois outdoor et indoor qui marie le métal et la mousse de polyuréthane. Cette matière très pop, dont Philippe Meurisse a optimalisé la résistance et l’étanchéité, joue beaucoup sur la réputation croissante de la marque. Dès son lancement la collection a conquis plusieurs lounges parisiens signés par le bureau d’architectes MCM Design (Buddhabar, Barfly, Manray). Elle est maintenant distribuée aussi en Scandinavie, aux Pays-Bas et à Los Angeles.

Produit phare : la chaise haute Chiller L (ci-contre). Comme tous leurs autres produits (chaise longue, tabouret,  » île  » (chaises et table basse),…), elle devient phosphorescente dans la pénombre.

Materialise. MGX, le cérébral

Année de création : 2003.

Directeur artistique :

Naomi Kaempfer.

Philosophie : quand on lui demande de caractériser Materialise. MGX en quelques mots, Naomi Kaempfer cite le célèbre mathématicien italien Leonardo Fibonacci.  » Tout ce qui nous entoure peut être représenté et compris à travers les chiffres « , disait le scientifique. Un mentor tout choisi pour cette société belge de prototypage rapide basée à Louvain qui propose une collection de luminaires dont les formes sont obtenues par voie numérique.  » Tous nos de- signers sont des designers numériques. Chacun crée ses objets sur la base de notions abstraites via les meilleurs logiciels d’animation 3D qui existent aujourd’hui, explique Naomi Kaempfer. La connaissance de ces outils permet au designer de formaliser les structures mathématiques et d’en inventer de nouvelles « supranaturelles », étonnantes et uniques. Une manière de concurrencer la nature.  »

Produit phare :  » Lily. mgx  » du Finlandais Janne Kyttanen (photo, ci-dessus) . Une des premières lampes éditées par Materialise. MGX. On y trouve les accents à la fois naturels et futuristes de la maison brabançonne.

Carnet d’adresses en page 120.

Baudouin Galler et Isabelle Willot

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