La chambre rose bonbon ou bleu ciel ornée d’un lit et d’une commode en bois peint n’est plus. Depuis quelques années déjà, les parents veulent, pour leurs rejetons, une pièce de caractère, avec un mobilier aux formes décomplexées et des teintes tendance – le rouge, l’orange et le jaune mais aussi le gris et même le noir cette année ! Pour Valérie Laporte-Volatier, coach et décoratrice d’intérieur,  » la déco s’est démocratisée ces derniers temps, grâce à la multiplication des magazines et émissions télévisées notamment. Par conséquent, les gens font aujourd’hui plus attention à l’aménagement d’intérieur, même pour leurs enfants, et renoncent aux codes d’antan. « 

Pas étonnant donc que le design pour kids – il y a peu de temps encore réservé à une certaine élite, férue de créations onéreuses – touche un public de plus en plus large. Il y a quatre ans, Véronique Cota ouvrait, à Paris, une galerie spécialisée dans le design XXS.  » A l’époque, j’avais constaté qu’il existait peu de mobilier, malgré les envies de certains parents. Depuis, la demande s’est largement consolidée. L’enfant vit et joue dans les pièces principales de la maison et non plus dans sa chambre. Dès lors, beaucoup veulent des meubles pour leurs enfants dans la même lignée que les leurs. « 

Face à cette demande croissante, les marques ont évidemment réagi. Précurseurs dans le domaine, Ikea et Habitat sortent, chaque saison, de nouveaux modèles destinés aux plus petits. Les sites web se sont également multipliés – madeindesign. com présente par exemple aujourd’hui une section Kids – et un magazine spécialisé dans la thématique, Dfork, a même vu le jour.

Copie (pas) conforme

Au départ, ce qu’on appelait  » design pour enfant  » n’était en réalité qu’une version  » small  » des meubles adultes – souvent les plus iconiques. Comme la Panton Junior chez Vitra, la Baby Vanity de Poltrona Frau ou encore la Lou Lou Ghost chez Kartell. Cette année encore, Thonet a sorti un modèle réduit de sa célèbre chaise bistrot, qui a tout juste 150 ans. Et le Belge Alain Gilles a créé une version mini du fauteuil My first translation pour Qui est Paul ? Little Nest, une société australienne qui devrait distribuer ses produits en Belgique d’ici peu, a d’ailleurs fait de ces répliques pour gosses de chaises iconiques sa spécialité. Et les ventes explosent.  » A l’école, on apprend à lire et écrire, affirme Samantha Firestone, la directrice de Little Nest. Aimer les belles choses, cela commence aussi dès le plus jeune âge. Etre sensible à une belle matière, des formes harmonieuses, ça fait partie de l’apprentissage de la vie. « 

Mais, à côté de ces copies parfaites, le design pour enfants devient progressivement une branche spécifique, avec ses codes, ses inspirations, et ses propres créations. On pense bien sûr à l’Elephant de Eames, chez Vitra – imaginé à l’époque en contreplaqué mais aujourd’hui bien mieux adapté aux petits grâce à son remodelage en matière synthétique. Mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Des marques de design ont désormais leur propre collection enfants. Comme Magis qui présentait, cette année encore, en avril dernier, à Milan, plusieurs modèles de sa griffe enfantine Me Too : un porte-manteau, une maisonnette en carton et une assise en forme de dodo. Au dernier salon milanais, les exemples de produits pointus destinés aux plus petits ne manquaient d’ailleurs pas : un fauteuil Bimbo très coloré chez Adrenalina, une table de jeu imaginée par Jannis Ellenberger, une autre par la société espagnole spécialisée en design XS Ninetonine, ou encore le fauteuil baroque Hamelin chez Byblos Casaà

Reste que, si le marché s’est diversifié, la demande a explosé et le décalage se creuse.  » L’offre est désormais insuffisante, analyse Véronique Cota de Balouga. Il n’y a quasi rien en ce qui concerne les rangements et les lits. Je pense que les designers et éditeurs ont tout simplement peur de se lancer. « 

La place est donc libre et ceux qui savent saisir la balle au bond ne le regrette pas. A l’image du studio helvético-franco-suisse Big Game dont le tapis Miles a connu une belle couverture médiatique. Ou du jeune designer belge Bertrand Sohier. Créateur de mobilier commercial, il a décidé, cette année, de se lancer dans les produits Enfant et a imaginé un prototype de chaise et de table. En très peu de temps, ce dernier a été catapulté sur tous les blogs spécialisés, a déjà trouvé un distributeur pour le Benelux et devrait aussi être lancé en Allemagne et en Scandinavie.  » C’est un microcosme fermé. Il y a beaucoup moins de créateurs que chez les adultes. La diffusion est donc beaucoup plus aisée. On se retrouve très vite dans tous les points de vente spécialisés « , affirme-t-il. Le secteur est donc en plein essor et devrait, à l’avenir, se démocratiser encore davantage. Au grand bonheur des enfantsà Ou de leurs parents.

Carnet d’adresses en page 70.

F.By.

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