À l’occasion de la sortie du film Les Géants, son réalisateur, Bouli Lanners, et l’auteur de sa BO, le petit prince folk Bram Vanparys, alias The Bony King of Nowhere, ont accepté de jouer les mannequins d’un jour. Coulisses d’un shooting 100 % nature.

Petit matin liégeois de juillet, le ciel plagie Frans Hals. Des notes d’un blues sensuel viennent tout à coup briser la morosité qui plombe l’été. Elles sortent d’une bicoque à volets noyée sous les frondaisons, maison en perpétuelle tenue de vacances. Nom du proprio : Bouli Lanners. On s’y attendait de la part du plus wallon des ex-Snuls, l’accueil mêle poignée de main charnue, sourire duveteux et blagues (drôles) dès potron-minet. Une demi-heure plus tard, un train en provenance de Gand pénètre avec 10 minutes de retard dans la gare des Guillemins. À son bord, un doux garçon à la mèche rêveuse et à la voix envoûtante. Il s’appelle Bram Vanparys, a signé deux albums pour virée solitaire à la belle étoile sous le nom de The Bony King Of Nowhere ( Alas My Love (2009), Eleonore (2011)).

Ce soir, Bouli cuisinera un lapin aux pruneaux à Bram. Il y aura du rouge des Côtes-du-Rhône. Peut-être du Bob Dylan ou du Donovan, de la musique qui parle à l’âme en tout cas, trait d’union en acier trempé entre ces deux copains de courte date mis en relation par la chanteuse flamande An Pierlé – elle avait posé sa voix sur la pellicule d’Eldorado, le précédent film de Lanners. Coup de c£ur : Bouli se laisse littéralement conquérir par la guitare souple et les mélodies allumées au feu de bois par le jeune Gantois. Au point de le choisir pour souligner en arpèges et cordes vocales le propos de son dernier bébé, Les Géants (1). Porter, même. Car la poignée de chansons que The Bony King of Nowhere a composées sur le lieu du tournage, en pleine nature et en trois semaines à peine, donne aux Géants quelques tailles de plus encore. Fraîches et mélancoliques, limpides et inquiètes, solaires et brumeuses, elles reflètent avec justesse l’adolescence encore naïve mais pas dupe que filme le réalisateur liégeois avec une gravité diffuse secouée de traits d’humour bon enfant (lire par ailleurs la critique du film dans Focus Vif). Un art de la nuance, une belle et étrange physique des contraires qui s’attirent, se contredisent et finissent par s’aimanter qui correspond du reste parfaitement bien à la relation qui lie ces deux hommes. Fort en gueule, baroque et baraqué d’un côté, timide, retenu et fluet de l’autre. Une sorte d’alchimie ultime qui tiendrait d’un improbable ying flamand et yang wallon.

Il fallait les voir à l’£uvre, les deux comparses, sur notre shooting mode mis en boîte ce jour-là chez un pote de Bouli, dans un petit coin de verdure de la Cité ardente. Ça jouait, plaisantait sec. Sans l’ombre d’une attitude de diva. La preuve par le catering du jour : Jupiler, cracottes et jambon produit blanc chopés sur le chemin. Pas de chichis. Mais pas de compromis non plus. Dans ce verger secret avec chevaux, pommiers et roulottes cassées, Bram et Bouli s’étaient passé le mot :  » On disait qu’on ne reniait pas son âme de gosse.  » Pas plus que ses principes. Tout en se prêtant pour le fun au petit théâtre et à la pose fashion, tous deux refuseront dans un sourire ferme de se prendre trop au sérieux et de casser trop radicalement leur image. Le premier jugera une paire de pompes italiennes  » les plus laides chaussures que j’ai jamais vues « , le second – se voyant bien, pour info, en égérie  » pour les pâtés d’Aubel  » – ne préférera logiquement pas  » jouer le porte-étendard des stylistes les plus obscurs. Après, quand on voit ta gueule dans les salles d’attente, t’en as pour des mois à avoir l’air d’un con « . Reste ce résultat, garanti sans additifs, Botox et autres artifices. 100 % nature(l), donc.

(1) Prix SACD et Prix CICAE à la Quinzaine des réalisateurs et film d’ouverture fin septembre dernier au Festival International du Film Francophone de Namur.

PAR BAUDOUIN GALLER

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