Du luxe, au sens propre

© FRÉDÉRIC RAEVENS

Un sac du soir en forme de rouleau de papier toilette. Un couvercle de poubelle en guise de chapeau. Un tailleur dont la couleur et les logos  » fragile  » ou  » this way up  » évoquent les cartons de transport de marchandises, destinés aux rebuts. On entend d’ici les détracteurs de la mode se gausser de l’automne-hiver 17-18 de Moschino, présenté lors de la dernière Fashion Week, et railler sa déconnexion d’avec la réalité. C’est pourtant exactement l’inverse qu’a voulu démontrer le directeur artistique du label italien. Outre qu’on peut parier sur le succès commercial de certains de ces accessoires décalés – les pièces les plus excentriques ne seront de toutes façons pas produites -, le propos de Jeremy Scott était en l’occurrence d’attirer l’attention sur une vérité bien tangible. A savoir une prise de conscience salutaire, de la part du secteur du luxe, de son impact écologique. Ainsi, de prestigieuses marques de beauté n’auraient jamais imaginé, il y a quelques années à peine, revoir à la baisse le poids de leurs flacons ou renoncer à l’emploi de pesticides afin de réduire leur bilan carbone. Une vraie bouffée d’oxygène, au propre comme au figuré. Car si les soins les plus polluants restent ceux vendus en grande distribution – ne fût-ce que par les quantités écoulées – ces initiatives  » green  » et haut de gamme sont également essentielles en termes d’exemples à suivre. Grâce à elles, la récup’ pourrait passer du statut de corvée imposée à celui de fashion statement – tant mieux.

Sans doute Jeremy Scott n’a-t-il rien d’autre à l’esprit quand il fait défiler, le 3 mars dernier toujours, une tenue composée de… gants, hommage à une silhouette culte de Martin Margiela, précurseur du vintage revalorisé. Une prise de position radicale, au même titre que la valorisation du collectif ou de l’anonymat, qui fait partie du précieux héritage laissé par le Belge, à découvrir lors de la rétrospective qui lui sera consacrée au musée Galliera en 2018. Avant ça, le MoMu d’Anvers propose, dès ce 31 mars et jusqu’à la fin août, un dialogue entre le travail accompli par le créateur dans sa maison et pour Hermès, où il fut en charge des collections Femme de 1997 à 2003. En fil rouge, une autre vision du luxe, déjà.  » La valeur cardinale attribuée à l’artisanat et au savoir-faire, rappelle Pierre-Alexis Dumas, à la tête de la griffe familiale, le raffinement dans la simplicité, la fonctionnalité et le confort, une élégance discrète.  » Une  » attitude plutôt qu’un prix « , comme on pouvait le lire sur le tee-shirt du styliste de Moschino, lors du salut final de son show milanais. Preuve que les idées, elles aussi, sont recyclables.

DELPHINE KINDERMANS

LA RÉCUP’ POURRAIT PASSER DU STATUT DE CORVÉE IMPOSÉE À CELUI DE FASHION STATEMENT.

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