Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, de 9 à 10 heures, dans l’émission de Jean-Pierre Hautier, sur la Première (RTBF radio).

 » Elle vit sa vie par procuration, devant son poste de télévision « . Ces mots gentiment assassins sont extraits d’une chanson de 15 ans d’âge portant la signature d’un certain Jean-Jacques Goldman. Aujourd’hui, le troubadour de la France plurielle pourrait presque composer le même air en changeant évidemment de média :  » Elle vit sa vie par ordinateur, dans l’illusion d’un relatif bonheur « . Grâce à la bonne fée Internet, le cocooning n’a, en effet, jamais été aussi palpable. Un jeune Américain l’a d’ailleurs admirablement prouvé en réussissant le vrai-faux exploit de vivre une année complète sans jamais sortir de chez lui avec l’aide précieuse d’une simple connection Internet. Il s’est nourri, habillé, meublé, etc. Grâce aux services de livraison à domicile disponibles sur le Web. Rien d’herculéen en soi pour cet ermite cybernétique qui s’est même payé le luxe de se construire un site ( www.dotcomguy.com) pendant ces douze mois d’inactivité relative. Le plus alarmant, en revanche, dépasse ce cadre strictement réservé à la performance. Aujourd’hui, des milliers d’êtres humains (voire peut-être des millions) plongent tout un pan de leur existence bien réelle dans un bain de chimères virtuelles. Sans parler ici des jeux de rôle informatiques qui offrent carrément une autre identité à l’individu concerné, la vie par procuration informatique bat désormais son plein dans nos sociétés occidentales. Bienvenue dans le monde de  » l’illusion.com  » où tous vos voeux se réalisent par ordinateur. De la voyance par e-mail sur www.visiovoyance.com (un peu plus de 300 F la question) aux consultations virtuelles d’un psy à distance sur www.psynternaute.com, les petites angoisses du quotidien se règlent dorévanant en deux temps trois mouvements de souris. Mieux, le malveillant peut jeter des sorts anonymes par écran interposé sur www.pinstruck.com (avec de fausses poupées vaudous à la clé mais à condition de comprendre l’anglais) et le candidat repentant peut même expier ses péchés sur le Web avec la bénédiction sincère de www.theconfessor.co.uk. L’illusion est parfaite; le surfeur, rassuré. Dans cet océan de promesses impalpables, la palme du mauvais goût revient toutefois aux tombes digitales du site américain www.genesismemorials.com. Pour quelques dollars bien réels, vous pouvez y faire brûler des cierges virtuels ( sic) à la mémoire de ces chers disparus répertoriés dans le cimetière cyber. Un peu plus de 1 500 F pour une bougie qui se consume en une année; le double pour l’inépuisable flamme éternelle. Il est vrai que l’argent n’a pas d’odeur. Même pas celle de la mort. En revanche, le ridicule tue un peu plus chaque jour.

Frédéric Brébant

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