Cette propriété de famille associe charmes d’autrefois et accents très contemporains. Les différentes pièces de la maison et le grand jardin se distinguent aussi par une savante palette chromatique. Un véritable enchantement.

E lle est fleuriste. Il est architecte-paysagiste. Greet Herman et Marc De Winter vivent avec leurs enfants dans la maison de leurs rêves : une demeure de charme qui semble s’emmitoufler dans le manchon de verdure d’une vigne vierge au feuillage luxuriant.

Au début des années 1980, le jeune couple projette de s’installer dans la maison natale de Marc et d’y développer chacun ses activités. Le bâtiment subit alors une importante rénovation pour installer, côté rue, une boutique de fleurs. Cet espace grignoté sur la partie habitable est compensé par un autre, tout nouveau lui aussi, aménagé dans l’ancienne grange. Pour marquer la transition entre les deux zones, l’architecte Lou Jansen opère une large césure, en remplaçant le toit de tuiles par une verrière. Il crée ainsi une orangerie dans laquelle on peut mettre à l’abri des hivers trop rigoureux les plantes en pots du jardin. Pour éviter un ensoleillement excessif et retenir la chaleur lorsqu’il fait froid, la verrière a été habillée d’un grand tissu en coton dans lequel ont été découpés de petits triangles. Au fil de la course du soleil, ceux-ci diffusent une trame de rais de lumière, croisant ici et là une des structures noires accrochées aux murs : des £uvres de Paul Neefs. Un escalier métallique conduit, lui, aux chambres réparties de part et d’autre de l’étage : les parents dans l’ancienne habitation, les enfants dans la partie rénovée.

C’est aussi un vitrage qui sert de cloison entre l’orangerie et une superbe pièce blanche, aux allures de petit musée. Dans cet espace aux murs complètement aveugles, les canapés, le fauteuil, le tapis de laine, le sol lui-même sont blancs. Toutes les £uvres d’art collectionnées, qu’elles soient signées Braem Bogaert ou Fontana, Arman ou Karel Leenaerts, sont blanches. Le long d’un mur, un alignement de vaisselle est, lui aussi, totalement blanc.  » Cette dominante permet de beaucoup mieux mettre en évidence les petites taches de couleur, précise Marc. Vous verrez que j’applique aussi ce parti pris dans mes jardins. On pense qu’ils sont verts monochromes, jusqu’au moment où on découvre un festival de bleus et blancs qui évoque les nuages dans le ciel d’été.  »

La salle à manger est une longue pièce étroite où trônent deux £uvres bleues de Braem Bogaert. Autre élément décoratif fort, deux anciennes colonnes en bois servent de support à des décorations florales de Greet, qui évoluent au fil des saisons et des fêtes. Pour Pâques, il s’agit de délicates orchidées Phalenopsis émergeant d’un nid de petits £ufs mouchetés que semble surveiller une colombe en bois du xviie siècle. Une seule exceptée, toutes les surfaces de cette pièce sont noires. Il s’agit ainsi, selon Marc, de proposer un encadrement original pour magnifier la vue sur le jardin. Effectivement, les fenêtres permettent ainsi aux occupants de jouir, tel d’un tableau, du paysage dessiné par le maître des lieux. Sur le rebord de la fenêtre des oiseaux en bois sont alignés en file indienne.  » Ils signent une continuité avec les topiaires sur tige de la terrasse, placés de l’autre côté de la fenêtre « , explique Marc.

Une petite terrasse pavée de briques rouges est garnie de quelques beaux objets, comme cette collection d’anciens brocs en métal galvanisé et d’une table noire couverte d’un parasol… Du noir à nouveau pour éviter une cacophonie chromatique et pour mieux mettre en évidence les petites notes de couleur, apportées par un bouquet, par exemple. Pour assurer une transition harmonieuse avec le paysage boisé qu’on devine au loin, l’espace s’ouvre largement et est planté de dix hautes colonnes cylindriques en hêtre. C’est ici le terrain de jeux des enfants et de leur chien Ratanplan.

Dans le jardin, on remarque aussi quatre enclos rectangulaires entourés de haies de hêtre qui sont régulièrement taillées de manière à les maintenir à la hauteur du torse.  » Un jardin doit être à taille humaine, estime Marc. Il faut que les gens s’y sentent à l’aise, puissent se déplacer avec des points de repère.  » Deux de ces rectangles sont plantés de buis taillés en boules ou en cônes. Leur implantation régulière génère un rythme, engendrant un grand sentiment de sérénité. Dans le coin le plus éloigné de la maison, quelques mètres carrés de sable fin, sorte de plage échouée dans cet océan de verdure, font le bonheur des enfants. En plein été, on y installe même une piscine. Les deux autres rectangles semblent communiquer avec la maison par de petits détails. Il y a ces portiques arrondis qui rappellent la courbure des fenêtres situées sur le pignon est. Il y a aussi ce puits remarquablement mis en scène par l’immense levier en bois qui servait autrefois à puiser de l’eau. Et puis, il y a ces fleurs blanches et bleues, métaphores des nuages dans un ciel d’azur : Delphinium, verveine, fenouil, Clematis recta, rosiers blancs  » Iceberg  » et  » Félicité Parmentier  » et, plus près du sol des touffes de Tradescantia.

Voici trois ans, le jardin a été légèrement agrandi vers l’est. En annexant une longue parcelle rectangulaire, Marc a pu constituer trois nouvelles entités, dont deux sont consacrées aux animaux. Le long du mur mitoyen, une immense volière, tout étirée en longueur, abrite des oiseaux au plumage coloré comme de splendides paons. L’autre côté est réservé à Onoz, l’âne irlandais, et à une basse-cour de volailles au plumage noir. Le troisième élément majeur des plantations récentes consiste en un soubassement de hêtres, aux lignes droites dont émergent des boules rondes, dont les tiges sont, elles aussi, peintes en blanc.

 » En plus du vert et du bleu, les deux couleurs dominantes du jardin, comme de la maison, sont le noir et le blanc, souligne Marc. Sur la terrasse, la table est noire, le parasol est noir. Je me sers du blanc pour souligner certains éléments, comme les troncs des hêtres plantés le long de la volière. Et si les volailles sont noires, c’est bien entendu pour leur originalité, mais aussi parce qu’une plume noire ne se remarque pas sur la terre. Alors qu’une plume blanche fait penser à un papier oublié.  » Entretenu avec une rare détermination, jour après jour par son concepteur, ce beau jardin singulier est véritablement l’£uvre d’un esthète. Ce n’est donc pas un hasard s’il sert aussi d’écrin à quelques sculptures imposantes : des formes en acier de Camiel van Bredam.

Texte et photos :

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