Lorsqu’en Italie vous franchissez la frontière nordique, où le beurre est omniprésent, et que vous pénétrez dans le vaste sud, où l’huile d’olive est souveraine, vous devenez à la fois témoin et partie prenante d’une inévitable saynète à répétition.

Vous êtes, mettons, attablé sous la tonnelle d’une charmante auberge nichée dans un de ces villages toscans perchés en porte-à-faux au sommet d’une colline abrupte comme un ordre de général de cavalerie. Le maître des lieux vous apporte les  » antipasti  » et vous vous récriez d’extase en croquant dans un humble croûton de pain trempé dans une huile d’olive à la saveur et au fruité exceptionnels. A votre air ravi, le patron rétorque comme une évidence qu’il s’agit là de l’huile de son village, la meilleure d’Italie et, par voie de conséquence, du monde.

A ces mots, le touriste que vous êtes ne se sent plus de joie : comment, le hasard merveilleux a fait que j’ai le privilège de déguster le nectar vert aux reflets mordorés le plus sublime qui soit !

L’ennui, c’est que vous découvrez très vite que, de village en village, de région en région et de ville en ville, où que vous soyez, on vous y sert chaque fois la meilleure huile d’olive d’Italie…

 » Ah, ces exubérants méridionaux, aussi chauvins qu’enthousiastes !  » pensez-vous alors avec une pointe d’ironie mâtinée, il faut bien l’avouer, d’un zeste de commisération.

Et puis, retour en Belgique, pays nordique où les maîtres mots sont rien de moins que mesure en toutes choses, retenue, dignité et lucidité. Vous racontez votre voyage à vos amis, autour d’une bonne tasse de café et d’un ballotin de pralines de chez ***, bref l’un des grands chocolatiers de la ville, et vous soupirez d’aise en laissant fondre la suave théobromine sur votre langue consentante. Jusqu’à ce qu’un des convives vous chuchote, avec la certitude du Juste, que dans son village, il y a un petit artisan chocolatier qui fait des pralines bien meilleures, en fait les plus délicieuses de Belgique (et, par voie de conséquence, du monde). Inutile d’ajouter que dans 8 000 villages de Belgique, il y a 8 000 petits artisans chocolatiers qui font… enfin, vous voyez, quoi.

Heureux Italiens ! Heureux Belges ! Qui a proféré cet adage parfaitement inepte  » qu’ailleurs l’herbe est plus verte  » ? Pas en Belgique, ni en Italie, en tout cas : voilà ce que votre humble compatriote exilée en France décrète avec, faut-il le préciser, une pointe d’ironie mâtinée d’un zeste de commisération.

Ouais… n’empêche que dans mon quartier, ici à Lyon, y a un p’tit pâtissier tout simple qui fait les meilleures galettes bressanes à la crème de la ville et, par voie de conséquence, du monde ! l

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