Récemment lancées aux Etats-Unis avec succès, les soirées câlins débarquent chez nous pour extirper les célibataires de leur solitude affective. Objectif : se toucher, mais pas trop.

Le tableau peut évidemment faire sourire. Blottis les uns contre les autres, des adultes béats multiplient les gestes affectueux en pyjama molletonné. Ils ne se connaissent absolument pas et, pourtant, ils se serrent tendrement, se regardent gentiment et se massent délicatement. Aucune arrière-pensée sulfureuse au programme : l’idée de cette réunion originale consiste tout simplement à réapprendre le toucher entre individus déboussolés, victimes impuissantes de la solitude des villes. Deux heures durant, la vingtaine de personnes présentes se lovera ainsi dans un grand bain de tendresse habillée, sans éprouver le moindre sentiment de culpabilité naissante. Car le sexe y est totalement proscrit. Dans ces soirées 100 % câlines, les règles sont en effet très strictes : pas de gestes équivoques, ni de caresses sous les vêtements, le concept se veut pur et innocent, pour ne pas dire enfantin. Apparues à New York il y a quelques mois à peine, ces étranges  » cuddle parties  » sont rapidement devenues les nouveaux rendez-vous branchés de la Big Apple ( www.cuddleparty.com), avant d’essaimer aux quatre coins des Etats-Unis et de traverser finalement l’océan Atlantique. Aujourd’hui, la formule débarque en Belgique et s’apprête à mobiliser tous les célibataires en mal de convivialité citadine. Après une première expérience plus ou moins confidentielle organisée récemment à Bruxelles (et qui a réuni 18 personnes âgées de 25 à 65 ans), la deuxième  » soirée câlins  » made in Belgium se déroulera le 15 février prochain, histoire de redonner un petit coup de barre à tous les oubliés de la Saint-Valentin (le site www.cuddlepartybelgium.be est actuellement en construction, mais les intéressés peuvent s’inscrire aux adresses puma999@hotmail.com et muscarik@gmail.com). Pour 15 euros sonnants et trébuchants, les cajoleurs occasionnels pourront ainsi se perdre dans les bras d’autres anonymes esseulés et, qui sait ?, peut-être rencontrer, en douceur, la future âme s£ur, même si les organisateurs réfutent d’emblée l’idée d’un xième club de rencontres à la sauce Bisounours. Alors, effet de mode ou tendance sociologique de fond ? Si le côté  » nouveauté  » de la chose séduira inévitablement les amateurs de sensations inédites, les  » cuddle parties  » sont aussi, de toute évidence, symptomatiques de l’état de santé des populations urbaines. Quoi de plus étrange, en effet, que de serrer un illustre inconnu contre soi alors que l’on évite soigneusement son voisin de palier au quotidien ? Sociologiquement fascinantes, ces soirées câlins concentrent, à vrai dire, l’essence même de deux courants comportementaux actuels. La  » néostalgie  » qui consiste, d’une part, à replonger volontiers en enfance en adoptant des attitudes régressives en milieu adulte (ah, ces fameuses soirées pyjamas de notre enfance où tout n’était que rires et confidences !) et la tendance  » egollective  » qui sublime la notion paradoxale du  » seul mais ensemble « . Avec les cuddle parties, les protagonistes se voient donc momentanément réunis et solidaires dans leur superbe solitude, le temps d’une pause  » adulescente «  qui sent bon l’insouciance et l’adoucissant. Apaisant, sympathique, inoffensif. Il n’en reste pas moins que cette câline attitude masque mal, en définitive, un réel sentiment de détresse. Et si tout ceci n’était, finalement, qu’un simple appel au secours déguisé ?

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).

Frédéric Brébant

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