Celui qui conjugue le verbe aimer dans tous ses romans analyse ici, en parallèle, la relation d’un couple et celle, politique, des pays qui ont construit l’Union européenne, à commencer par la France et l’Allemagne.

Êtes-vous parvenu à devenir celui que vous rêviez d’être ?

Je rêvais d’écrire, mais en profondeur je ne suis pas encore heureux. Les rêves ont une part d’inaccessible…

Les hommes sont de grands enfants, que reste-t-il de l’enfant en vous ?

La peur, que la vie concrète n’a pas réussi à apaiser. Devenir un homme, c’est être capable d’aimer quelqu’un d’autre que soi.

Que représente pour vous le théâtre ?

Un refuge car j’aime être dans l’ombre. Ma nouvelle pièce, Père, a été écrite pour Robert Hirsch. Comment devenir les enfants de ses propres enfants ?

Devenir père, c’est…

Un énorme bonheur qui implique une décharge d’amour inimaginable. Ça nous oblige à relire notre histoire et à régler des comptes avec notre enfance. La revivre permet de pardonner.

L’amour : une cage ou une libération ?

Conjointement les deux. L’autre peut être un gardien ou un camarade d’évasion. Mes héros sont face à un malentendu. Alors que Pauline voit l’amour comme une fusion, Nicolas se sent privé du reste du monde. Le couple implique une idée de renoncement, la liberté consiste à choisir ses contraintes. L’amour permet d’agrandir son âme.

Que vous serait-il impossible à sacrifier ?

La possibilité d’écrire sans être soumis à l’autocensure. J’ai la chance de vivre avec une femme (NDLR : l’actrice française Marine Delterme) qui connaît l’art, alors elle me donne ce cadeau formidable.

La technologie modifie-t-elle l’amour actuel ?

Internet ou le GSM influencent nos façons de vivre et de dire l’amour. Si la facilité de rencontre est multipliée par 10 000, le SMS est un nouveau déchirement amoureux. Ce roman concentre mon ressenti quant à mon époque. Je respire son air qui m’inspire.

Vos héros reflètent-ils notre époque ?

Ils ne trouvent pas leur place. Plus la vie avance, plus ils sont en périphérie d’eux-mêmes. C’est là que se joue le théâtre de l’amour et le renoncement à la jouissance. L’amour devient beau quand il dure, or je vois mes amis se séparer après la naissance d’un enfant. On ne sait plus faire les sacrifices nécessaires…

Le couple est en crise, qu’en est-il de l’Europe ?

L’Europe semble ignorer qui elle est par rapport au reste du monde. Au-delà du repli sur soi, il y a le pardon et la conscience de l’autre. L’amitié franco-allemande me fait croire en l’Histoire et en l’Homme.

Votre esperanto ?

Créer sa propre paix en dépit de notre instinct guerrier. Je m’intéresse au verbe aimer, parce que j’aspire à une vraie communication entre les êtres. Le couple doit sans cesse inventer cette langue étrangère.

La Jouissance, par Florian Zeller, Gallimard, 216 pages.

KERENN ELKAÏM

DEVENIR UN HOMME, C’EST ÊTRE CAPABLE D’AIMER QUELQU’UN D’AUTRE QUE SOI.

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