Carnet d’adresses en page 97.

« L’amour des belles chaussures ? Chez nous, c’est vraiment une question d’atavisme « , déclare Goffredo Fantini, l’un des auteurs du label éponyme. Sourire éclatant, £il de velours et prestance typiquement transalpine, le jeune homme né à Forli, près de Bologne voici trente-six ans, n’a pas à rougir de ses racines. A l’instar d’Enrico, son cadet de cinq ans.  » Giovanni, mon père a travaillé pour plusieurs marques italiennes de prestige et aussi loin que remonte ma mémoire, j’ai appris à apprécier cette ambiance, à la fois feutrée et frénétique, qui caractérise la réalisation des chaussures haut de gamme. Gamins, Enrico et moi gribouillions déjà des silhouettes de souliers, histoire d’imiter papa. J’étais très fier car il montrait de temps en temps mes esquisses aux gens pour lesquels il travaillait. J’estime que mon père m’a positivement influencé ; il a été, en quelque sorte, mon école de mode et mon premier terrain d’apprentissage. J’ai commencé très jeune, en affûtant mes lames auprès de différentes unités de fabrication de chaussures dans Les Marches ( NDLR : la mecque des chausseurs italiens sise au nord-est de la Botte, non loin de la côte Adriatique). Puis je me suis lancé.  »

La valeur û et, ici, la passion û, n’attendant pas le nombre des années, Goffredo et Enrico, tout en créant pour des labels du cru, démarrent en 1990 leurs lignes de chaussant dont la collection  » Goffredo Fantini Couture « , des produits réalisés entièrement à la main et dans des matériaux hyper-luxueux. Ces chaussures quasi sur mesure remportent illico un franc succès aux Etats-Unis (Saks Fifth Avenue, Neiman Marcus, Bergdorf Goodman…), le tout premier marché du clan Fantini.  » Papa s’est joint à nous : mon frère et moi dessinions les modèles et lui, il nous faisait bénéficier de ses immenses compétences techniques. Il a l’£il pour déceler le plus infime défaut sur un prototype ou sélectionner les meilleurs matériaux, par exemple.  » L’affaire, sans jeu de mots faciles, marche pas mal au point qu’en 1997 apparaît une collection masculine qui porte la signature d’Enrico Fantini. Entre parenthèses, le Benelux représente le deuxième marché, en termes d’importance, pour Fantini alors que la marque est présente dans son propre pays depuis l’an 2000 seulement.

Deux ans plus tard, les Gepetto de la tatane lancent  » Materia Prima by Goffredo Fantini « , une ligne qui surfe sur le sportswear citadin et les détails fun. L’année 1999 voit également naître E.G.O Project, une société de type familial dont les bureaux et les studios de création demeurent à Forli tandis que la fabrication et la production û plus de 200 000 paires par an û, se trouvent, naturellement, dans Les Marches.  » Chacun de nous û mon père, mon frère et une quinzaine de collaborateurs û, met ses compétences à profit au sein de l’entreprise. Nous avons toujours procédé étape par étape et n’avons jamais abandonné le geste manuel au profit de la seule technologie. Je crois que c’est la meilleure façon d’atteindre ses objectifs, dans notre branche du moins « .

La philosophie des Fantini û Goffredo avoue un faible pour les inspirations issues de la nature et les formes organiques û, ne prêche pas la normalisation stylistique si souvent employée par les méga-marques afin de plaire à un (trop) large public. Ni la créativité dénuée de bon sens genre  » la femme doit souffrir si elle veut avoir le pied élégant « . Mi-ostentatoire mi-discrète, la ou plutôt les collections de l’été 2003 puisent au c£ur de l’Afrique (ligne  » couture « ) à coups de grandes fleurs charnues, d’accessoires en os, de ciselages un peu sorciers ou de motifs rappelant les pelages du léopard et du zèbre. A moins qu’elles ne galopent au fil des étendues marocaines (lignes Goffredo Fantini femmes et hommes) via des babouches en soie ou veau velours, des pluies de perles et de coquillages que l’on peut détacher de la chaussure afin de les arborer en bijoux ethniques, des mocassins smart mais tout-terrain, des mules tressées en cuir ou tissu, etc.

Un clin d’£il appuyé, enfin, aux années 1970, fait vibrer la collection Materia Prima où les couleurs déboulent en cavalcade, les détails délirent gentiment (boutons en forme de smarties, fleurs psychédéliques, grosses semelles disco…), le jean laisse de fameuses empreintes et les santiags sont de rigueur chez les messieurs.  » Chaque collection ressemble à une conversation entre mon frère Enrico et moi. Quand nous avons démarré notre marque personnelle, nous voulions communiquer aux autres ce que nous pensions et disions entre nous. D’aucuns auraient pris la plume ou le pinceau. Nous, nous créons des chaussures… en toute liberté.  »

Libre, en effet, comme le dieu aux semelles de vent, le label Fantini n’appartient, pour l’instant, à aucun trust de luxe ou mégagroupe textile. Situation qui ne l’empêche pas d’être doté d’une fameuse pointure internationale ; distribué à travers les Etats-Unis et l’Europe entière, il est en outre solidement implanté sur le marché asiatique.  » Nous sommes dans nos usines tous les jours, nous tenons à suivre l’évolution des produits pas à pas. La chaussure est un produit particulièrement compliqué, très personnel et qui doit répondre aux multiples exigences du pied.  » Une mission accomplie sans entorse par les Fantini.

Marianne Hublet

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