Artiste simple et généreux, le Québécois Garou a rangé son costume de Quasimodo pour affronter désormais le public en solo. Rencontre placée sous le signe des femmes et de la réussite.

La poignée de main franche et le sourire aux lèvres, Garou déboule avec toute la puissance d’une carrure imposante qu’il recroquevillait jadis pour les besoins d’une comédie musicale. A 28 ans, l’ex-Quasimodo du célébrissime « Notre-Dame de Paris » savoure aujourd’hui une indépendance retrouvée qu’il exploite désormais en chansons à travers toute la francophonie, pour le plus grand plaisir d’une gent féminine d’ores et déjà conquise.

Weekend Le Vif/L’Express : Quand on prononce le nom de Garou au milieu d’un groupe de femmes, il y a comme une espèce d’excitation électrique…

Garou ( rires): C’est bizarre parce que c’est le dernier truc que je pensais qui allait arriver! Je vis un peu un conte de fées mais, vous savez, on devient beau le jour où on a une guitare entre les mains. Quand j’ai débarqué en France, j’étais loin de m’attendre à cela parce que l’objectif était de devenir le chanteur le plus laid de Paris à travers Quasimodo. J’allais être cette bête qui chanterait avec coeur et qui allait livrer l’émotion comme un bluesman torturé au piano, et finalement tout le contraire s’est passé parce qu’on a d’abord commencé à chanter « Belle » en costard à la télévision. « Belle » était un triple fantasme pour la gent féminine…

Cette étiquette de séducteur vous flatte-t-elle ou vous indispose-t-elle?

Un peu des deux parce que je n’ai vraiment pas envie de mettre l’accent là-dessus. Je fais autant de la musique pour les potes que pour les filles. D’ailleurs, sur l’album, il y a plusieurs chansons qui s’adressent aux hommes.

Dans la chanson « La Moitié du ciel », ne donnez-vous pas une vision un peu trop idyllique de la femme?

Non. Moi, j’ai toujours mis la femme sur un piédestal. Je suis très sexiste, je suis très macho mais, si je suis macho, je suis galant aussi. L’un ne va pas sans l’autre. Sinon, cela ne marche pas. Le mot macho est souvent pris au mauvais sens du terme. On présente le macho comme quelqu’un de méchant. Moi, je le vois dans un sens plus sexiste. Je suis un homme et je trouve qu’il y a des trucs qu’un homme doit faire, comme il y a des trucs que la femme va mieux faire. Et, par conséquence, je suis très galant parce que la femme, pour moi, est un bijou que je vais avoir envie de protéger. L’égalité, pour moi, ce n’est pas nécessairement d’être pareil. L’égalité s’apprécie dans les différences.

Préférez-vous les femmes soumises ou dominatrices?

( Rires.) Avec le fouet! Non, sérieusement, je les préfère complices.

Qu’y a-t-il de féminin en vous?

Pas beaucoup de choses. Je suis très enfant. Il y a peut-être du féminin dans cet enfant. Sa tendresse, sa fragilité…

Dieu pourrait-il être une femme?

Heu… Oui, puisque Dieu c’est l’énergie. Il a deux pôles. On peut très bien l’imaginer avec des sexes mais Il doit avoir les deux puisque c’est le mariage de l’Univers. C’est un tout. Ce n’est pas une personne. C’est une énergie supérieure et, comme une batterie qui a besoin d’un positif et d’un négatif, c’est un homme et une femme à la fois.

Etes-vous personnellement croyant?

Oui, j’ai mes croyances mais je ne suis pas pratiquant. Je suis catholique, j’ai été élevé dans une famille catholique pratiquante et j’allais à la messe tous les dimanches quand j’étais petit. Puis j’ai arrêté d’y aller. Mais je crois quand même en Dieu. J’ai mes convictions.

Lorsqu’on examine votre parcours professionnel, on se dit que tout est possible et que ce rêve est accessible à tous…

Je n’ai jamais voulu ce qui m’arrive. Je n’ai pas travaillé dans ce but-là. Donc, quand quelque chose de bien m’arrive, j’essaie d’être fidèle et de rendre la pareille. C’est pour cette raison que je m’efforce de donner beaucoup à chaque fois que je monte sur scène. Mais, à chaque fois, je reçois plus, donc j’essaie de donner plus et je reçois encore plus… Et à un moment, je n’y arrive plus ( rires). C’est trop! Souvent, les copains qui me voyaient avant dans les bars, me disent : « Tu mérites tellement ce qui t’arrive » et moi, je ne les crois pas. Je fonctionne comme ça : quand je me lève le matin, je me dis : « Aujourd’hui, je vais essayer de mériter tout ce qui m’arrive et je vais essayer de donner le plus possible. » Et chaque soir, en me couchant, je me dis : « Aïe! Je n’ai pas réussi! Peut-être que demain… »

Le titre de votre album, « Seul », peut sembler paradoxal dans la mesure où l’on sait que, derrière vous, se trouve l’équipe qui travaille habituellement avec Céline Dion. C’est Bingo d’avance!

Il faut faire gaffe avec ça! On a toujours peur. C’est quand même le public qui décide en fin de compte. C’est vrai que j’ai eu une équipe exceptionnelle pour faire un album dont, personnellement, je suis très fier. Donc, ce n’est pas un album en solo, c’est un travail d’équipe. Mais, cet album, je le relie à ma vie. Il y a eu une période de solitude qui était, pour moi, Quasimodo. Là, j’étais seul sur scène dans mon personnage et dans l’émotion. J’ai appris beaucoup de cette période-là. C’est la phrase: « Et celui qui n’a jamais été seul peut-il vraiment aimer? » Il est important de vivre, dans la vie, des moments de solitude. Cela m’a apporté plein de sagesse pour amener un album sans doute différent de celui que j’aurais fait avant.

Une chanson de votre album, « Criminel », a défrayé la chronique. Une association, « La Voix de l’Enfant », vous a accusé d’incitation au crime sur fond de pédophilie. Comment avez-vous réagi?

C’est dommage que le message ait été perçu de cette façon. Mais, quelque part, je me réjouis qu’on en parle parce que c’était le but. Il faut d’abord dire qu’il s’agit d’une chanson où je joue un personnage. Cela n’a pas de lien avec ma vie personnelle. Il y a un homme mûr qui désire une fille de 14 ans, mais il n’y a aucun acte dans cette chanson. Il n’y a rien de criminel. Au contraire, cet homme n’arrête pas de se culpabiliser en disant : « Ouh la la, elle est trop jeune. » Et ça, je trouve qu’il faut en parler parce que j’ai connu des gens qui ont vécu cette situation. Ils s’aimaient malgré leur différence d’âge et ils ne savaient pas quoi faire face à la société. Et quand la société dit que ce désir-là est un crime, j’estime qu’il est nécessaire d’en parler. Donc, le but, c’est de faire naître un débat comme la maïeutique de Socrate. Il s’agit juste de poser une question pour qu’on y réfléchisse. C’est normal que quelqu’un l’interprète à sa façon, avec son vécu, mais c’est dommage qu’on y voit quelque chose de suggestif. Il n’y a absolument aucune incitation au crime dans cette chanson-là. Ce sont deux personnes qui s’aiment et le message est purement une question. Depuis le début, j’ai assumé cette chanson. Plein de gens l’ont aimée parce qu’elle parle de désir. Moi, j’ai été tellement content quand des adolescents m’ont dit un jour : « On est heureux que quelqu’un en parle enfin. » Parce que, eux aussi, ils veulent que cela soit un sujet de conversation. C’est important.

Si vous étiez Docteur Jekyll, comment se manifesterait Mister Hyde? Concrètement, quelles sont vos perversités?

Oh la la! C’est pire que personnel, ça! ( Silence.) Non, c’est une bonne question. ( Nouveau silence.) En fait, le Mister Hyde, c’est probablement celui qui souffre parfois de ce métier-là. Les gens croient qu’on a la vie facile quand ils nous voient sur scène. Cela a l’air tellement simple et tellement beau! Mais, ce qui n’est pas facile, justement, c’est ce que l’on fait avant et après la performance. Mister Hyde justement, comme son nom l’indique, ce serait celui qui se cacherait, qui se dirait : « Je n’en peux plus » et qui partirait à l’aventure parce qu’il n’arriverait plus à assumer.

Quel est le secret, précisément, pour résister à la pression du succès et pour ne pas péter les plombs?

C’est vrai que j’ai vécu un changement radical. Alors, il y a deux façons de réagir : ou vous flippez complètement ou cela arrive tellement vite que vous trouvez cela ridicule et que vous vous dites : « Je ne suis pas meilleur qu’avant. » C’est une prise de conscience. Vous prenez un peu de recul et après ça, le combat consiste justement à ramener les choses au plus authentique possible. Il faut garder les pieds sur terre et ramener au plus humain possible ce métier de chanteur.

C’est pour cela que vous aimez vous retrouver seul dans la nature pour pêcher la truite?

Ah oui! C’est très important pour moi. Quand j’étais tout petit, mon père me disait : « Il y a deux choses vraies dans la vie : la nature et la musique. » C’est dans ma tête pour toujours. C’est un bon équilibre.

Que vous manque-t-il aujourd’hui pour être pleinement heureux?

( Silence.) Des enfants. J’y pense. J’ai hâte d’être papa. Bon, il y a quelques années, j’étais avec quelqu’un avec qui j’y avais déjà pensé, mais, maintenant, il va falloir que cela m’arrive à nouveau. C’est faute de temps! Mon bébé, pour le moment, c’est mon nouvel album, mais j’ai vraiment hâte de fonder une famille. Mon objectif, c’est de relier famille et vie professionnelle.

La vie d’artiste est-elle vraiment conciliable avec la vie de famille?

Ce n’est pas facile. Mais c’est un grand défi et, donc, c’est stimulant. J’ai quand même envie de pousser la carrière mais aussi de me livrer dans les deux.

Croyez-vous à l’amour absolu?

J’en ai vécu. Du pathétique et du platonique avec Quasimodo. Là, j’y ai cru. Forcément. C’est ce qui nous fait avancer dans la vie. Mais je ne veux pas prévoir l’avenir. Je suis assez rêveur. Donc, c’est un concept auquel j’essaie de croire. C’est un peu la foi.

Et si une femme vous demandait d’arrêter la chanson par amour?

Heu… Non. Cela n’ira jamais jusque-là. Parce que c’est aussi par amour que je fais ce métier-là. Donc, je ne vais renier l’amour pour l’amour.

Garou, « Seul » (Sony Music). Il sera en concert, le 11 mai, à Forest-National. Rés.: 0900-00 991

Propos recueillis par Frédéric Brébant

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