En pleine Gin Craze ( » folie du gin « ), la distillerie de Biercée livre une interprétation sophistiquée de cette eau-de-vie d’origine écossaise.

Monkey 47, Hendrick’s, Sipsmith, The Botanist, Martin Miller’s… Le gin est en passe de succéder à la vodka en matière de boisson en vue. Le public renoue aujourd’hui avec cet alcool blanc faisant valoir une palette olfactive et gustative étendue. En plus de l’arrivée de références inédites, un renouvellement du rituel du célèbre  » gin tonic  » a permis d’en redécouvrir le potentiel. Fini le breuvage fadasse dilué au moyen d’un duo de pauvres glaçons jetés dans un verre long drink. Il est désormais question d’explosion aromatique servie en bonne et due forme dans un verre ballon. La suite ? Une bonne poignée de cubes de glace et, en fonction du gin choisi, des baies de genévrier, une fine tranche de concombre, du zeste d’agrume… Sans oublier l’incontournable tonic, qui constitue les deux tiers de la recette. Là aussi, du neuf : il est déconseillé de s’en remettre à la première marque venue. Les nouvelles stars du genre ont pour nom Fentimans, Fever Tree ou encore Thomas Henry. Jusqu’ici, la Wallonie n’avait pas encore pris le train de cette nouvelle mouvance, au contraire de la Flandre qui a lancé le Filliers Dry Gin 28 en 2012. C’est désormais chose faite. Depuis 6 mois, la distillerie de Biercée s’est lancée dans la course au gin parfait. Il faut dire qu’avec l’histoire qui est la sienne et l’infrastructure assez unique qu’elle fait valoir, l’entreprise de Ragnies possède le profil idéal…

UN PRODUIT ARTISANAL

L’histoire de la distillerie remonte à 1946. À l’époque, il s’agit d’une coopérative locale qui travaille les plantes et les fruits (pommes et cerises) de la région. Trente-quatre ans plus tard, en 1980, la société élargit sa gamme par le biais d’une liqueur qui va lui forger des lettres de noblesse en béton. Résultat de l’assemblage minutieux de différents distillats de citrons jaunes entiers de Murcie -10 kilos de fruits frais sont nécessaires à l’élaboration d’une bouteille -, l’Eau de Villée est un best-seller dont se vendent chaque année quelque 100 000 bouteilles. Celle-ci s’affiche comme la vitrine d’une distillerie qui signe tant du péket que de l’eau-de-vie de céleri ou de la vieille prune.  » Nous avons acquis un savoir-faire précieux en matière d’expression et de concentration de fruits, de plantes, de fleurs, d’épices… Ç’aurait été dommage de ne pas se lancer sur le marché du gin, breuvage offrant un terrain de jeux unique à nos maîtres-distillateurs « , confie Marc Tillon, CEO de l’entreprise.

De fait, Pierre Gérard, qui préside au processus de distillation en compagnie de Christophe Mulatin, n’a pas boudé son plaisir.  » Pour le Biercée Gin, j’ai travaillé comme un parfumeur, explique-t-il. Je me suis basé sur 80 distillats qui ont constitué mon orgue à parfums. C’est à partir de ceux-ci que j’ai élaboré ce gin qui se caractérise par un bel équilibre. A l’arrivée, il s’agit d’un produit moins sec que les autres faisant valoir 18 épices, herbes et fleurs, pour 44 % de volume d’alcool. Bien sûr, fidèles à notre tradition, on n’y ajoute aucun arôme synthétique. Les matières premières proviennent essentiellement de Belgique, de France et d’Espagne. En revanche, le cacao vient de Côte d’ivoire.  »

PAS DE VIEILLE FIOLE

Si l’élaboration de ce gin complexe a pris deux ans, le produit a été accueilli favorablement par le marché : en six mois seulement, il est devenu le second produit-phare de la gamme. Les dégustateurs ont été séduits par ses contours originaux qui respectent l’esprit du gin. Il déploie des notes inédites telles que le houblon – un hommage à la belgitude -, l’hysope, la lavande, le fenouil frais ou le coquelicot. En bouche, les papilles s’éveillent devant la fraîcheur d’une attaque marquée par les agrumes : des touches d’orange et de citron que viennent préciser des notes de fleurs et d’épices ainsi qu’une finale plus ronde de cacao. Le tout sans faire l’impasse sur l’indispensable baie de genévrier, sol ferme du gin. Côté cocktail, le gin Biercée appelle un tonic sec et se sert avantageusement avec quelques fleurs d’anis, de fines lamelles de fenouil et du zeste de citron jaune. L’esprit de la boisson est respecté, mais la distillerie s’est amusée à en troubler la lettre. Ainsi du flacon résolument épuré et contemporain, qui tranche avec les codes traditionnalistes du moment, misant trop souvent sur l’esthétique des vieilles fioles d’apothicaire.

Si la main, le nez et la bouche de l’homme sont indispensables pour mettre à jour un assemblage aussi précis, la distillerie de Biercée peut compter sur un équipement unique en Europe. C’est avec une pointe d’émotion dans la voix que Marc Tillon l’évoque :  » Nous possédons quatre alambics avec une colonne de concentration de la marque Holstein. C’est le must en la matière : cette unité nous permet d’obtenir un « crisp », soit un croquant, une fraîcheur, qui fait la différence. Nos maîtres-distillateurs passent plus de temps avec eux qu’avec leur propre femme.  » Située sous l’imposante charpente de l’ancien gerbier d’une ferme d’abbaye (la Ferme de la cour), l’installation cuivrée, parfaitement mise en scène, possède la prestance d’une orgue dans une cathédrale. Preuve manifeste que du spirituel aux spiritueux, il n’y a que quelques pas…

www.distilleriedebiercee.be

PAR MICHEL VERLINDEN / PHOTOS : FRÉDÉRIC RAEVENS

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