Plusieurs jours ont passé depuis que j’ai vu Le déjeuner du 15 août de Gianni Di Gregorio et je ne sais toujours pas pourquoi j’ai tant aimé ce film. Je me suis dit que c’était pour les vues de Rome désertée par ses habitants. Assommés par la chaleur, ils ont fui. Mon grand-père italien disait adorer  » Rome sans les Romains « . Mes gènes ont dû se réveiller en apercevant ces places vides écrasées de soleil, ces longues avenues sans voitures, ces bords du Tibre où les pêcheurs du dimanche attrapent de gros brochets avec des lignes bricolées à l’aide de bouteilles de Coca-Cola. Puis, j’ai cru que c’était l’histoire elle-même qui me plaisait. La chronique d’un fils et de sa mère, deux déphasés cohabitant dans un appartement au charme suranné assorti à leur vie. Vieille cocote excentrique avec sa perruque blonde et ses lèvres maculées d’un rouge pétant, la maman a jadis beaucoup aimé les hommes. La cinquantaine abîmée, son fils semble avoir mis sa propre existence entre parenthèses. A-t-il jamais quitté sa chambre de jeune garçon ? Il s’occupe d’elle, lui lit LesTrois Mousquetaires, s’occupe du ménage et des courses, bricole et se réveille dès qu’elle l’appelle.

Plutôt effrayant d’habitude, au cinéma comme dans la vie, le huis clos s’avère ici plutôt joyeux. Tout va bien jusqu’au jour où Gianni (le fils) accepte de  » garder  » trois autres dames. Le temps d’un week-end, l’appartement vire au pensionnat. Gianni est aux fourneaux, les vieilles font des caprices. Elles fuguent, se chamaillent, rigolent, s’encanaillent, s’empiffrent et finissent par ne plus vouloir partir. Ce qui les retient ? La gentillesse de Gianni et les petits plats mitonnés avec amour au rythme des ballons de chablis bien frais qu’il s’envoie. Gratin de pâtes, penne à la sauce tomate, poisson au four, escalopes panées, courgettes et carottes à la vapeur, tarte aux fruits, la caméra s’attarde.

Scénariste de Gomorra, Gianni di Gregorio a reçu le prix du Premier film à la Mostra de Venise en 2008 pour cette £uvre très personnelle tournée chez lui avec des brics, des brocs et des comédiennes non professionnelles. Le Gianni du film, c’est lui en vrai. Un type avec des poches sous les yeux, un bon sourire et qui aime cuisiner. Qui n’adorerait pas ?

(*) Chaque semaine, la journaliste et écrivain Isabelle Spaak nous gratifie de ses coups de c£ur et coups de griffe.

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