Bien née, jeune et jolie : à 24 ans, cette héritière du clan Fendi a tout de la it girl transalpine. Un pedigree un peu trop restrictif qu’elle contredit en ciselant des bijoux à l’aulne d’une malicieuse ironie.

On la retrouve à quelques kilomètres de Rome, à l’ombre des pins parasols bordant la ferme d’Ilaria, sa tante écolo. Loin des red carpet qu’elle aime parfois fouler avec son amie Bianca Brandolini, Delfina porte une besace à longue bandoulière qui danse au rythme de son pas gracieusement nonchalant. Robe à fleurs, boots épaisses. Un trait d’eye-liner souligne son atout amande, une cigarette roulée lui brûle le bout des doigts : moins qu’une it girl bling, notre scanner renseigne plutôt une fille de son temps, née un jour d’automne 87, joli c£ur rodé aux codes d’un cool néo-folk comme on en croise dans les festivals d’été. Aujourd’hui, pas plus que son nom, la dégaine de Mademoiselle Delettrez ne crie ostensiblement son appartenance à la prestigieuse lignée des femmes Fendi.

Toute la tribu est là ce week-end. D’un chic impérissable, la grand-mère, Anna, une des  » cinque sorelle  » qui a porté le nom familial au firmament du luxe en s’adjoignant les services et le talent de Karl Lagerfeld. Dès 1965, le Kaiser dépoussière les codes de la fourrure, la dépouille de sa doublure pour en faire un accessoire de mode et donner un nouvel essor à la petite peausserie fondée par Edoardo et Adele Fendi. Plus loin, plongée dans la lecture du Corriere della Serra, sous son Panama du dimanche, on reconnaît Silvia, mère de Delfina et aussi du sac baguette, un des fleurons iconiques du groupe LVMH désormais propriétaire de la marque aux deux F.

Forcément, un chaudron à vocations :  » J’ai toujours ressenti une forte attraction pour la créativité, confie-t-elle dans un français parfait – la langue paternelle. Petite, je traînais dans le studio de ma mère, je la regardais faire, j’étais fascinée par les coulisses de la mode.  » Adolescente, elle saisit donc l’opportunité et réalise plusieurs stages durant la semaine de la haute couture chez Chanel, auprès de Karl :  » Je portais des mannequins, prenais des photos. Du basique, mais une chance « , admet-elle sans fausse humilité. Il y a effectivement pire comme piste d’envol. Être seule dans le cockpit est néanmoins une autre paire de manches. Qu’elle retrousse aujourd’hui avec un indéniable panache. Rewind.

Tentée dans un premier temps par l’art dramatique, Delfina s’inscrit après son bac à l’Académie de théâtre de Rome. Elle doit arrêter en cours d’année. Enceinte à 19 ans, elle nourrit sa soif de créativité en inventant des bijoux à partir de matériaux hybrides comme l’os et l’argent. Motifs récurrents : la tête de mort, les épines, la croix, réminiscences visuelles d’une enfance fascinée par les symboles mystiques qui participent au décorum d’une Rome lugubre. En souvenir de ses longs séjours au Brésil, elle ajoute à son corpus des notes de couleur acide, des insectes étranges.  » Au départ, c’était un jeu, se souvient-elle. Je faisais cela pour la famille, les amis. Puis c’est devenu presque compulsif, je ne pouvais plus m’arrêter, en moins d’un an j’avais 100 pièces.  » Sarah, tête chercheuse du concept-store parisien Colette, tombe sous le charme de ces memento mori à l’ironie malicieuse. En 2007, à Paris, Delfina présente sa première collection à la presse. Quarante ans après avoir imaginé les deux F tête-bêche de Fendi, Karl Lagerfeld lui dessine un logo. Dans la foulée, elle inaugure une boutique de 20 mètres carrés dans le centre historique de Rome, écrin intime dominé par un meuble d’apothicaire du XIXe où se lovent parfaitement ses doux délires. Le buzz est lancé. Aujourd’hui, Delfina travaille avec les meilleurs artisans romains pour mettre au point ses collections. Empruntant tour à tour à l’univers gothique de Tim Burton, à l’âme baroque de la Ville éternelle, au surréalisme ou à la pop culture, ses bijoux se vendent dans les boutiques les plus branchées du monde, brillent aux oreilles de Rihanna et font craquer Marion Cotillard. La môme Delfina a définitivement pris son envol.

Retrouvez le portfolio de Love is in the Hair, la collection été 2012 de Delfina Delettrez sur levifweekend.be

PAR BAUDOUIN GALLER

 » AU DÉPART, C’ÉTAIT UN JEU. « 

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